L'élimination des déchets médicaux et pharmaceutiques (DMP) au Maroc constitue une source de préoccupation majeure pour les professionnels de la santé, les pouvoirs publics et le public en général qui ne semble pas bien sensibilisé sur ce fléau qui guette la population. Par Mustapha El Kadaoui En effet, combien de fois n'a-t-on pas vu des enfants s'emparer notamment de seringues pour jouer avec ou pour leur réutilisation par des adultes inconscients dans le tatouage au henné ou par les toxicomanes. La faute incombe en première lieu à ces structures hospitalières ou cliniques privées qui, par négligence ou tout simplement par souci d'économie, préfèrent s'en débarrasser dans des décharges publiques au lieu de les traiter. Au Maroc ou l'on estime à plus de 40.000 tonnes , le nombre de déchets produits annuellement dont plus de 10.000 considérés comme très dangereux, le législateur s'est équipé depuis quelques années d'un arsenal juridique très important grâce à la loi 28.00 relative à leur gestion et à leur élimination. "tous résidus résultant d'un processus d'extraction, exploitation, transformation, production, consommation, utilisation, contrôle ou filtration, et d'une manière générale, tout objet et matière abandonnés ou que le détenteur doit éliminer pour ne pas porter atteinte à la santé, à la salubrité publique et à l'environnement", préconise cette loi dont l'objectif est de mettre fin à l'anarchie et au laisser-aller dans la gestion de ces bombes à retardement. Parallèlement à cette loi, de nombreuses études ont été réalisées dans ce domaine par des spécialistes dont celle du Pr. Taib Ajzoul, intitulée: "les déchets médicaux et pharmaceutiques au Maroc : gestion, traitement et cadre juridique", présenté jeudi à la faculté des sciences de Tétouan devant un parterre d'universitaires, chercheurs, professionnels de la santé et d'un grand nombre d'étudiants. Cet ouvrage, qualifié par les différents intervenants d'ouvrage " à la fois scientifique et pratique ", de " référence pour les professionnels ", est le premier du genre à traiter de ce problème. Son auteur y étudie et présente la classification des déchets médicaux et pharmaceutiques en 4 catégories, conformément à la nouvelle réglementation marocaine. Il s'agit des déchets dangereux à risques biologique et chimique, des déchets anatomiques identifiables, et des déchets assimilés aux déchets ménagers. Préfacé par le Dr.Omar Cherkaoui, professeur de Chirurgie Thoracique, ancien Directeur du CHU de Rabat et président de la Ligue Nationale de Lutte Contre les Maladies Cardiovasculaires, l'ouvrage, comme le souligne ce dernier, vient à point nommé au Maroc qui a connu des progrès considérables sur le plan législatif et réglementaire des déchets et entamé des réalisations non négligeables dans le domaine de leur gestion intra et extra hospitalière. Selon lui, cet ouvrage est par conséquent fort utile pour tous ceux qui s'intéressent à cette problématique et qui ont la volonté d'agir dans le sens de préserver la santé des citoyens et participer à la protection de l'environnement. La Charte Nationale de l'Environnement et du Développement durable présentée en Avril 2010 intègre la question environnementale dans chaque domaine d'intervention de l'Etat. Celui des DMP en constitue l'un des chapitres majeurs, tient à préciser ce professionnel de la santé selon lequel les pouvoirs publics, la société civile et les citoyens en général sont de plus en plus conscients des dangers que représentent des DMP sur la santé et sur l'environnement. Aussi, un appel est lancé aux professionnels de la santé pour qu'ils s'organisent de mieux en mieux afin de suivre et maîtriser les différentes étapes de la filière de gestion des déchets depuis leurs tris dans les sites de production jusqu'à leur élimination adéquate en passant par leur conditionnement spécifique et leur transport. En effet, la mauvaise gestion de ces déchets expose le personnel sanitaire, les agents chargés de leur élimination, et la population à des risques d'infections diverses conduisant à des maladies graves d'origine virale ou bactérienne (SIDA, Hépatites B et C, Gastro-entérites, Infections respiratoires, Infections sanguines, Infections générales...) et d'intoxication ou de blessures , sans oublier que ces déchets ont un effet désastreux sur l'environnement par pollution du sol, de l'eau et de l'air. L'ouvrage de Taïb Ajzoul, professeur à la faculté des sciences de Tétouan, qui se veut une réflexion sur ce problème et un moyen de sensibilisation, présente, par ailleurs, les résultats de traitement des déchets médicaux et pharmaceutiques dans le secteur public au Maroc, et préconise le développement de programmes adéquats de sensibilisation et de formation pour les responsables sanitaires et planificateurs, les administrateurs d'hôpitaux, le personnel médical et les agents chargés de la santé et de l'environnement. Il fixe également le cadre juridique de la gestion des déchets médicaux et pharmaceutiques au Maroc, et précise les domaines où il faut prévoir des nouveaux textes législatifs et réglementaires nécessaires, d'une part pour combler le vide juridique encore existant, et d'autre part, pour compléter l'application des textes juridiques déjà publiés. En somme, cet ouvrage qui, selon le vice-président d l'Université Abdelmalek Essadi (UAE) Hassan Ezbach constitue une " fierté et un honneur " pour l'université et pour Tétouan, première ville au Maroc à disposer d'une unité de traitement des DMP, vient ainsi apporter une pierre à l'édifice dans cette quête de se débarrasser, une fois pour toutes, de ce genre de déchets, encore faut-il que tout le monde y participe et joue la transparence.