Des experts et universitaires français ont analysé les aspects économiques et sociaux des crises qui secouent de nombreux pays arabes, soulignant l'exception marocaine qui fait que le Royaume peut poursuivre sereinement sa dynamique réformatrice et faire face à la tension géopolitique avec résilience. Par Nour Eddine HASSANI Au cours d'un débat organisé mercredi au siège du Sénat français par l'Observatoire d'études géopolitiques (OEG), les professeurs Charles Saint-Prot, spécialiste du monde arabe et musulman, Henri-Louis Védie (groupe HEC) et Camille Sari (Université Paris III) ont développé les différents ingrédients de cette "exception marocaine". Ces ingrédients sont un attachement unanime du peuple à l'unité nationale, symbolisée par la Monarchie, l'islam et l'intégrité territoriale, des espaces de liberté, une réelle démocratie avec un pluralisme indéniable, une économie diversifiée et une vision à long terme qui lie progrès économique et développement humain, ont-ils relevé. "Printemps arabe" et "effet domino" battus en brèche Introduisant ce débat devant une nombreuse assemblée de chefs d'entreprises, d'universitaires et de journalistes, M. Saint-Prot a d'abord fustigé l'agitation des Occidentaux autour des prétendus "printemps arabe" ou "effet domino", en traçant un panorama des crises politiques et enjeux socio-économiques dans le monde arabe. M. Sanit-Prot, également directeur de l'OEG, a souligné que la situation dans chaque pays n'est pas comparable et que les crises n'ont pas une seule cause, tout en décortiquant la situation dans chacun des pays concernés (Tunisie, Egypte, Libye, Yémen, Bahreïn, etc). Il a ajouté que ces pays ont subi de plein fouet les conséquences d'une explosion démographique sans précédent et les répercussions sociales de la crise financière et économique mondiale. Une situation "loin d'être rose" M. Saint-Prot a, par ailleurs, mis en garde contre une instauration du chaos politique, notamment en Tunisie où la crise coûterait 2,8 milliards d'euros de pertes à terme pour l'économie, soit 4 pc du PIB, sans compter, comme en Egypte, le ralentissement d'une industrie touristique qui représente 6,5 pc du PIB et emploie dans ces deux pays des centaines de salariés. Pour ne rien arranger, le retour massif des travailleurs immigrés en Libye viendra aggraver la situation, a-t-il ajouté, soulignant que la situation de ce prétendu printemps arabe est "loin d'être rose" Il a, à cet égard, souhaité la mise en place d'une politique d'envergure des pays européens pour aider à une remise en marche des pays concernés, notant que l'Union pour la Méditerranée, imaginée par la France, restait plus que jamais une ardente obligation pour assurer la coopération entre les deux rives de la Méditerranée et la stabilité dans cette région du monde. L'exception marocaine mise en exergue Concernant la situation au Maroc, le directeur de l'OEG a mis en exergue les dimensions politiques de l'exception marocaine, dont les fondamentaux reposent sur la symbiose entre le peuple et le Roi, chef de file d'un Islam tolérant et moderne, garant de l'unité nationale et initiateur d'un modèle marocain de développement économique et social. Au Maroc, il y a un Etat stable et légitime, des espaces de liberté, une réelle démocratie avec un pluralisme indéniable et des libertés syndicales, a-t-il résumé. Pour sa part, le professeur Henri-Louis Védie, auteurs des livres "Le Maroc, l'épreuve des faits et des réalisations" et "Une volonté plus forte que les sables", a exposé les principaux aspects de l'exception marocaine sur les plans économique et social. Il a d'abord souligné que parmi "les pays de la région, le Maroc est le moins doté en ressources naturelles", mais "ses données macro-économiques sont telles que certains pays européens l'en envieraient". Outre, un système bancaire peu exposé aux actifs toxiques et qui a bien résisté à la crise financière mondiale, le Maroc a une économie diversifiée (l'automobile, l'aéronautique, l'agriculture et l'agroalimentaire, la chimie, l'électronique, l'industrie touristique, le textile/cuir, télécom, pharmacie, etc, a-t-il relevé. Aussi, a-t-il soutenu, le pays dispose d'une "vision globale de l'aménagement du territoire" concrétisée par de grands projets de développement tels le Tanger Med devenu le port référent de toute la Méditerranée et l'une des plates-formes portuaires les plus modernes à l'échelle mondiale, ou le vaste programme pour les énergies renouvelables (solaire et éolienne). Ces chantiers sont "les exemples d'un Maroc en marche sur la voie d'un développement durable", a-t-il noté. M. Védie a, par ailleurs, mis l'accent sur le projet de développement impulsé par SM le Roi Mohammed VI sur le plan social, par l'intermédiaire de l'Initiative nationale de développement humain (INDH) visant à élargir l'accès aux équipements et services sociaux de base, promouvoir les activités génératrices de revenus stables et d'emplois et venir en aide aux personnes les plus défavorisées. La mise en place tout récemment du Conseil économique et social (CES) dont l'objectif est de définir un projet de société et de structurer le développement en faisant toujours la combinaison entre l'économie et le social, vient conforter cette vision de long terme, a-t-il estimé. De son côté, le professeur Camille Sari, auteur de l'ouvrage "L'Algérie et le Maroc. Quelles convergences économiques ?" a plus particulièrement présenté les situations économiques de l'Algérie et du Maroc afin de dégager les points de convergence ou de divergence qui pourraient permettre d'avancer vers un marché unique maghrébin perçu comme un moyen de gagner en indépendance économique et de développer des échanges mutuellement avantageux entre les pays de la région. Il a déploré l'absence d'une union économique maghrébine qui empêche le développement des échanges de biens et services et de capitaux, ainsi que de la circulation des ressources humaines. Le Maghreb, a-t-il observé, est la seule région au monde qui ne connaît pas de construction régionale et où le commerce intra maghrébin est insignifiant avec moins de 2 pc des échanges. La complémentarité entre le Maroc, dynamisme et savoir-faire, et l'Algérie, rente gazière, est indéniable mais la coopération entre les deux pays, et partant la construction du Maghreb arabe, est compromise par le soutien de l'Algérie au projet séparatiste au Sahara marocain, a-t-il conclu.