Avec la marée noire "historique", qui souille depuis huit semaines les eaux du Golfe du Mexique et ses répercussions écologiques désastreuses sur la région et des chiffres de l'emploi en berne, l'administration Obama se trouve engagée sur deux combats dont l'issue déterminera pour une large mesure les résultats des élections de mi-mandat de novembre 2010. -Fouad ARIF-.
Le premier défi qui se pose à l'exécutif US est de ne pas donner l'impression d'être "dépassé" par un désastre écologique, dont les différents rebondissements promettent de rythmer la vie des Américains jusqu'à l'automne prochain, une période durant laquelle la campagne électorale pour le renouvellement des sièges du sénat et de la chambre des représentants atteindra sa vitesse de croisière avec l'ouverture de la saison du "finger pointing". Pour plusieurs observateurs à Washington, le défi est d'autant plus difficile à relever que des scientifiques américains s'accordent à soutenir que les effets de la marée noire dans le Golfe du Mexique seront ressentis sur une échéance étalée sur "plusieurs années, voire plusieurs décennies". Réagissant à des critiques au vitriol de la part des républicains, mais aussi de la part de démocrates sur la manière avec laquelle la Maison Blanche a géré cette catastrophe, des collaborateurs du Président Obama ont admis des "déficiences" en matière de communication qui devait accompagner les efforts déployés par l'exécutif au lendemain de l'explosion, en avril dernier, de la plateforme de pétrole. +Mea culpa, mais...+ "Au vu de notre réaction, personne ne pourra nous reprocher une quelconque lenteur dans la mise en oeuvre des mesures adéquates", maintient David Axelrod, proche conseiller du Président américain. Dans sa page éditorial de lundi, le Washington Post note, toutefois, que "ce qui n'est pas indiscutable est bien l'incapacité de l'Administration à expliquer sa démarche". Une succession de "faux-pas" a, en effet, alimenté les craintes d'une opinion publique pour laquelle cette marée noire serait une catastrophe naturelle comparable à l'ouragan Katrina, ou encore serait l'équivalent d'une crise politique de l'ampleur de celle suscitée par la prise d'otages américains en Iran, du temps du Président Jimmy Carter. +Entre l'enclume de la marée noire et le marteau de l''emploi+. C'est pour cette raison que le Président Obama s'est déplacé, vendredi dernier, pour la deuxième fois en Louisiane et a tenu à détailler, dans son allocution hebdomadaire, les moyens humains et logistiques mis en oeuvre pour contenir cette catastrophe naturelle, qui a porté atteinte au tissu économique de cette partie des Etats Unis déjà en souffrance.
Le piège, insiste-t-on dans le landerneau politico-médiatique de Washington, est de justement donner l'impression que l'exécutif est concentré presque exclusivement sur l'endiguement des effets de cette catastrophe naturelle, pourtant qualifiée d'"historique". Pour "désastreuse" qu'elle puisse paraitre, cette marée noire ne peut en aucun cas occulter le défi majeur au sujet duquel l'exécutif sera comptable, à savoir l'économie et plus particulièrement le chômage, qui caracole encore à hauteur de 9,7 pc, relèvent plusieurs observateurs. Bien qu'au mois de mai, l'économie a pu engendrer quelque 431.000 nouveaux emplois, la meilleure performance mensuelle sur une décennie, il n'en reste pas moins que beaucoup imputent ce chiffre à des contrats à court terme pour la réalisation du recensement national en cours aux Etats Unis. Pis encore, le secteur privé n'a pu créer que 41.000 nouveaux emplois, pour la même période, contre 218.000 au mois d'avril.
+C'est l'économie qui compte....+ "Le taux élevé du chômage et le ralentissement de la création d'emplois dans le secteur privé commande une vigilante soutenue", admet pour sa part la présidente du conseil économique, Christina Romer, qui met l'accent sur la nécessité de mettre en oeuvre des actions ciblées dans le but d'inciter le privé à créer des emplois et prévenir les licenciements des employés dans le secteur public aux niveaux des Etats et des administrations locales. Les partisans d'une approche donnant la priorité à la relance économique citent pour preuves les sondages d'opinion qui font ressortir des inquiétudes de plus en plus grandissantes des Américains au sujet des déficits fédéraux abyssaux, que beaucoup n'hésitent pas à présenter comme une "menace à la sécurité nationale américaine". En effet, le projet de loi de finances prévoit un déficit de 1,6 trillion de dollars pour l'année en cours, à peine moins l'année suivante et quelque 8,5 trillions sur les dix prochaines années. Pour 2010, le gouvernement sera dans l'obligation d'emprunter un dollar pour chaque trois billets verts qu'il aura à dépenser, sachant que la majorité des flux des capitaux qui font marcher l'économie US proviennent de l'étranger. Le secrétaire américain au Trésor, Timothy Geithner, admet qu'un déficit fédéral chronique "constitue une menace corrosive pour la santé de l'économie américaine", soulignant l'impérieuse nécessité de réduire ces déficits une fois le pays aura récupéré de sa pire récession jamais vue depuis la Grande Dépression de 1929. Pour E.J Dionne jr, éditorialiste au Washington Post, le Président Obama devrait démontrer qu'il fait tout ce qui est en son pouvoir pour colmater la brèche de la marée noire dans le Golfe du Mexique tout en gardant intacts ses efforts visant à sortir de l'ornière l'économie américaine. "Il serait, à ce propos, utile de se rappeler que ce n'est pas la crise des otages en Iran qui a été préjudiciable au Président Carter, mais bien une économie aux prises avec des problèmes non résolus", rappelle par ailleurs cet éditorialiste. Douze an plus tard un conseiller économique de Bill Clinton allait inventer le slogan de campagne: "C'est l'économie qui compte...", une devise qui a été pour beaucoup dans la victoire de ce dernier.