La bataille pour le contrôle d'Alep, la deuxième ville de Syrie, tourne nettement à l'avantage du régime, qui reprend un à un les quartiers contrôlés par les rebelles tandis que des milliers d'habitants fuient les combats. L'avancée des troupes de Bachar al-Assad s'est accélérée lundi avec la reconquête de tout le nord-est d'Alep, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). Les rebelles essuient ainsi «leur plus grand revers depuis 2012», a précisé Rami Abdel Rahmane, le directeur de l'OSDH. Cette année-là, plus d'un an après le début de la révolte en Syrie, les groupes anti-Assad avaient pris le contrôle de la moitié de la grande ville du Nord et capitale économique du pays. Ils avaient depuis résisté à plusieurs offensives du régime, avant que celui-ci ne lance une vaste opération terrestre et aérienne le 15 novembre avec le soutien de combattants étrangers, notamment d'Iran ou du Hezbollah libanais. La prise d'Alep «serait un tournant» dans la guerre qui dévaste la Syrie depuis cinq ans et demi, estime Fabrice Balanche, expert de la Syrie au Washington Institute. Car elle montrerait, selon lui, que «l'opposition est incapable d'avoir un succès majeur sur le plan militaire» et de se poser comme «alternative» face à Damas. La perte d'Alep-Est marquerait en outre la défaite des alliés de l'opposition, notamment l'Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie, ainsi que les pays occidentaux. Elle renforcerait en revanche les soutiens de Damas, au premier rang desquels la Russie, qui a fortement contribué à faire reculer les rebelles depuis le début de son intervention en septembre 2015. Les combats des derniers jours ont provoqué un début d'exode des quelque 250.000 habitants d'Alep-Est. Près de 10.000 d'entre eux ont fui ce week-end, dont 6.000 vers la petite enclave de Cheikh Maqsoud contrôlée par les forces kurdes, et le reste vers les zones gouvernementales, selon l'OSDH. «C'est le premier exode de ce genre à Alep-Est» depuis plus de quatre ans, a indiqué Rami Abdel Rahmane. Les civils d'Alep-Est vivent dans des conditions extrêmement difficiles, manquant de vivres et de médicaments, en raison du siège imposé depuis juillet par le régime et des bombardements incessants dénoncés par l'ONU. L'offensive lancée le 15 novembre a fait au moins 225 morts parmi les civils, dont 27 enfants, à Alep-Est, selon un bilan établi dimanche par l'OSDH. Les rebelles ont parallèlement tué au moins 27 civils en tirant sur les zones gouvernementales d'Alep-Ouest. La progression des forces du régime s'est accélérée avec la capture samedi du quartier de Massaken Hanano, le plus grand d'Alep-Est. L'armée s'est ainsi ouverte une voie pour prendre le contrôle lundi des quartiers de Sakhour, Haydariyé et Cheikh Khodr, lui permettant de couper Alep-Est en deux, selon l'OSDH et les médias officiels syriens. «L'aviation détruit tout méthodiquement, zone par zone», s'est indigné dimanche Yasser Al-Youssef, un responsable du groupe rebelle Noureddine al-Zinki, un des principaux d'Alep. «Si on n'interdit pas à cette aviation de bombarder, elle détruira ce qui reste de la ville d'Alep, quartier après quartier». Les forces kurdes ont de leur côté profité de la déroute des rebelles pour contrôler le quartier de Cheikh Fares, selon l'OSDH. Les Kurdes, qui contrôlent une vaste zone dans le nord de la Syrie, ne sont théoriquement alliés ni de Damas ni des rebelles, mais l'opposition les accuse de coopérer avec le régime. La communauté internationale a gardé le silence sur l'évolution des combats de ces derniers jours. L'ONU s'est alarmée à de nombreuses reprises du sort des civils mais n'évoque plus de reprise des négociations de paix. Quant aux Etats-Unis, ils sont paralysés dans l'attente de l'arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche en janvier. «On sait qu'il n'a pas tellement envie de s'investir en Syrie. Si en plus Alep tombe (...) ce n'est plus la peine de soutenir l'opposition syrienne», estime M. Balanche.