Le président gabonais Ali Bongo Ondimba, dont l'annonce de la réélection est violemment contestée par l'opposition, a contre-attaqué mercredi en martelant que la saisie de la Cour constitutionnelle est l'unique solution envisageable de sortie de crise, à la veille de la date limite des recours devant une institution décriée par son rival Jean Ping. Renvoyant dans les cordes les observateurs de l'Union européenne (UE) au scrutin à un tour du 27 août qui ont fait état mardi d'une «anomalie évidente» dans les résultats, Ali Bongo a jugé que «certains (d'entre eux) ont outrepassé leur mission». «J'aurais aussi apprécié qu'on relève quelques anomalies dans le fief de monsieur (Jean) Ping. Si on veut relever les anomalies, il faut être clair, équilibré et relever toutes les anomalies si on en a constaté», a commenté M. Bongo sur la radio française RTL, en accusant M. Ping de «fraude massive». «Nous avons des cas où certains observateurs de l'Union européenne ont outrepassé la mission qui était la leur. Certains (...) se sont mal comportés», a insisté M. Bongo dans un autre entretien à la radio française Europe1. «On reproche aux gouvernements africains de ne pas respecter les lois. Pour une fois que nous respectons notre loi, on nous dit de l'outrepasser, c'est quand même singulier», a commenté M. Bongo, dont la famille dirige le Gabon depuis 50 ans. Alors que l'Union africaine (UA) s'est dite prête à envoyer une délégation au Gabon pour tenter une médiation, M. Bongo a affirmé sur Europe1: «nous allons écouter ce qu'ils auront à nous dire». «Lorsque l'on vient dans un pays, c'est d'abord s'enquérir des lois de ce pays», a-t-il ajouté. Interrogé sur le sort de binationaux franco-gabonais dont Paris s'inquiétait lundi, le président gabonais a indiqué que «l'ambassade de France (...) a communiqué une liste de six noms» au gouvernement et qu'ils étaient «en cours d'identification», ajoutant que ces individus figuraient «parmi tous ceux qui ont cassé et pillé, et (...) arrêtés dans ce cadre-là». S'exprimant sur la radio française RTL, mais aussi sur RFI et Europe-1, le président sortant a également balayé d'un revers de la main toute possibilité d'un recomptage des voix bureau de vote par bureau, avant le contentieux électoral devant la Cour Constitutionnelle. Bongo a répété qu'une telle disposition n'était pas prévue par la loi électorale et relevait exclusivement d'une décision de la Cour. M. Ping n'avait pas annoncé mercredi matin s'il avait décidé ou non de saisir le tribunal. La date-butoir est pour jeudi 16H00 (15H00 GMT). «Ce qu'on doit me demander, c'est de faire respecter les lois (...) Je ne peux pas violer la loi. En ce qui concerne le recomptage, ceci est prévu dans le cadre de la loi et se fait au niveau de la Cour constitutionnelle», a souligné M. Bongo. «Mes adversaires le savent, ils ont fait voter cette loi. Et quand cette loi a été votée, je n'étais même pas au gouvernement alors que certains d'entre eux y étaient», a-t-il poursuivi. Il faisait référence à nombre de responsables de l'opposition, dont Ping, qui ont travaillé durant de longues années aux côtés de son père, Omar Bongo, décédé en 2009 après avoir dirigé le Gabon pendant 41 ans. Il tacle d'ailleurs son rival à ce sujet: «ce n'est pas à 74 ans que M. Ping va commencer une carrière de démocrate qu'il n'a jamais été». Il a également confirmé son intention de déposer des recours devant l'institution pour contester des résultats de M. Ping dans certains bureaux. Pour la communauté internationale, l'attention se focalise sur la province du Haut-Ogooué, fief de la famille Bongo. Cette province, selon les résultats officiels provisoires, a enregistré un taux de participation de 99,93% et permis au président sortant d'être réélu d'une courte tête (5.594 voix d'avance) dans ce petit pays d'Afrique centrale comptant 1,8 million d'habitants. L'annonce des résultats officiels provisoires du scrutin le 31 août a déclenché une vague d'émeutes meurtrières et des pillages massifs à Libreville et dans plusieurs villes de province. «Le bilan matériel est très important. Nous sommes encore en train d'évaluer tout ce qu'il y a eu de pillé, de brûlé, de cassé. En ce qui concerne le bilan humain, nous déplorons trois décès et une centaine de blessés», indiqué le chef de l'Etat, reprenant le bilan du ministère de l'Intérieur. Une délégation de chefs d'Etat de l'Union africaine (UA) est attendue d'ici jeudi à Libreville pour tenter de désamorcer la crise et éviter que le Gabon, jusque présent un des rares pays stables d'une région troublée, ne sombre à son tour dans le chaos. Dans l'attente du dénouement de la crise, la vie tourne au ralenti, même si quelques titres de la presse - d'opposition comme proche du pouvoir - ont reparu jeudi, après plus d'une semaine de paralysie.