L'Autriche réunit mercredi neuf pays des Balkans pour évoquer la gestion du flux de migrants qui arrivent depuis la Grèce, provoquant l'agacement d'Athènes qui n'a pas été convié et subit les conséquences d'une restriction du nombre de migrants admis à transiter par les Balkans. Parallèlement, Amnesty International épingle l'Europe sur la crise des migrants. Les ministres de l'Intérieur et des Affaires étrangères des pays de la route balkanique empruntée par les migrants (Albanie, Bosnie, Bulgarie, Kosovo, Croatie, Macédoine, Montenegro, Serbie et Slovénie) ont été invités par Vienne à une réunion de coordination sur la «gestion migratoire». La Grèce y voit une initiative «unilatérale et inamicale» visant à prendre, sans elle, «des décisions concernant directement ses frontières». Vienne a fait valoir mardi qu'une telle réunion n'était pas une première. Ce à quoi Athènes a répondu : «Répéter une erreur ne la corrige pas.» Prenant acte de l'impuissance jusqu'à présent de l'Union européenne à réguler le flux de migrants et à en assurer la répartition parmi les Vingt-Huit, l'Autriche a instauré le 19 février des quotas quotidiens d'entrées sur son territoire : 80 demandeurs d'asile et 3.200 personnes en transit. Cette annonce, qui a engendré un effet domino de mesures restrictives dans les pays des Balkans situés en amont du flux, a été vivement critiquée par l'Union européenne, qui a évoqué mardi le risque d'une «crise humanitaire». Et Athènes, qui doit gérer dans l'urgence le blocage de milliers d'exilés arrivés de Turquie et jusque-là autorisés à poursuivre leur périple en Europe, a protesté tant auprès de Vienne qu'auprès de l'UE, sur l'absence de concertation migratoire européenne. Près de 4.000 migrants restaient bloqués mardi soir à la frontière d'Idomeni, la Macédoine, qui n'est pas membre de l'UE, ayant barré dimanche le passage aux Afghans et exigé des réfugiés autorisés à passer, Syriens et Irakiens, qu'ils disposent de papiers d'identité en plus du laissez-passer délivré dans les centres d'enregistrement. Quelque 300 réfugiés ont toutefois pu passer dans l'après-midi, selon la police grecque. Le filtrage se fait sur la base de «critères imposés par les pays de destination finale», a indiqué une source gouvernementale macédonienne. Réaction ‘honteuse' des Européens Depuis l'île grecque de Lesbos, principale porte d'entrée des migrants en Europe, le haut-commissaire aux réfugiés de l'ONU, Filippo Grandi, a estimé mardi que la «fermeture croissante» des passages aux réfugiés et migrants sur la route balkanique risquait de créer un «chaos» en Europe. Plus de 102.000 migrants et réfugiés sont arrivés depuis janvier sur les îles grecques en provenance des côtes turques, soit autant qu'au premier semestre 2015, a annoncé l'Organisation internationale pour les migrations. Quelque «2.000 personnes dont un tiers sont des Afghans» continuent d'arriver quotidiennement, selon le responsable du HCR en Grèce, Philippe Leclerc. Dans ce contexte, le secrétaire général d'Amnesty International a qualifié mercredi de «honteuse» l'attitude des pays européens face à la crise des migrants qui fuient la guerre au Proche-Orient. «L'UE, qui compte plus de 500 millions d'habitants et qui constitue l'ensemble politique le plus riche de la planète, s'est singulièrement montrée incapable d'apporter une réponse cohérente, humaine et respectueuse des droits humains», insiste l'organisation dans son rapport annuel sur la situation des droits de l'Homme dans le monde. «Seule l'Allemagne a fait preuve d'une volonté politique à la mesure de l'importance du problème», estime l'ONG. «La plupart des dirigeants européens ont préféré prêter l'oreille aux discours tonitruants hostiles aux immigrés, motivés par la peur de l'insécurité et d'une perte de souveraineté nationale. Résultat : les seules mesures sur lesquelles ils ont pu s'entendre sont celles qui visaient à renforcer la «forteresse Europe+», ajoute-t-elle.