Test grandeur nature, dans un peu moins d'un mois, du niveau de maturité politique des Marocains, invités au début du mois de septembre prochain à se prononcer sur leurs élites communales et régionales. En principe, c'est le moment où les citoyens jugent de la qualité de la gestion récente de leurs communes, bonne ou mauvaise, passent en revue les différentes propositions de politique à appliquer à l'avenir, classifier de la meilleure à la moins satisfaisante, puis font leur choix parmi les candidats, en fonction des réponses données aux deux précédentes questions. Nul besoin de préciser que dans la réalité, les choses sont loin de se dérouler d'une manière aussi idéale. La campagne électorale ? Elle a commencé depuis belle lurette, peu importe ce que dit la loi. Pour une partie du microcosme politique marocain, les lois sont faîtes pour être contournées. La mobilisation des électeurs se fait discrètement, par partisans interposés, privilégiant le contact direct, en attendant la période officielle des campagnes menées tambours battants. La bourse de d'achat des voix et des consciences est également entrée en effervescence, avec distribution anticipée d'une partie des dividendes, au risque et péril des acquéreurs de voix électorales, sous forme de « dons en nature », octroyés via des associations, où le politique va finir par tuer l'humanitaire. Une dangereuse confusion qui ne peut être exorcisée qu'en distinguant les Ongs toujours présentes sur le terrain de celles qui n'apparaissent qu'à titre épisodique, le temps d'une campagne électorale. Traiter des mœurs de la classe politique relève du ressort des politologues et autres sociologues observant au microscope et sur le long terme le comportement de l'homo politicus marocain. Le fait concret à constater est la disparition de l'interventionnisme de l'appareil étatique dans les scrutions électorauxà la faveur de l'influence de l'argent. L'espoir démocratique peine à émerger entre l'absolutisme autoritaire d'antan et les ambitions oligarchiques actuelles. Plus que jamais, c'est au citoyen de prendre conscience de l'importance de sa voix, car, comme l'explique l'adage marocain, c'est goutte à goutte que la rivière monte et déborde. Ce n'est pas peu de choses, qu'il vaudrait mieux monnayer à vil prix,au plus vite, quand le marché aux voix électorales bat son plein. C'est certes un quantum, mais dans la résonnance particulière, jointe à tant d'autres, il donne sa consistance à la matière politique. Le scrutin du 4 septembre, le premier à l'échelle des communes et régions depuis l'adoption de la nouvelle constitution, seconde consultation électorale, dans le même cadre, après les législatives de novembre 2011, doit être appréhendéavec une conscience historique. Il y a eu le tournant de l'adoption référendaire de la nouvelle loi fondamentale du Royaume, où le pouvoir exécutif a été entièrement confié à l'équipe gouvernementale qu'aura choisi la majorité du corps électoral. Ensuite l'élection, à « chaud », d'une nouvelle Chambre des représentants et d'un nouveau gouvernement, portés par la vague entropique du mal nommé « Printemps arabe ». Cela fait maintenant près de quatre ans. Depuis lors, les Marocains ont eu tout le temps de mieux digérer les droits dont ils jouissent en vertu des articles de la nouvelle constitution et de la pertinence de leurs choix électoraux sur leur vie quotidienne. Ils sont, désormais, mieux armés pour trancher entre ceux dont le point fort s'arrête à scander des slogans idéologiques,vantant d'utopiques lendemains qui chantent, et ceux, au discours plus pragmatiques, qui ne cherchent pas à enflammer les foules en flattant leurs sentiments, mais s'adressent à leur raison de citoyens politiquement responsables du sort de leur nation, en leur proposant des solutions effectivement applicables dans la réalité et aux effets réellement bénéfiques sur leur qualité de vie. Seule une élite de vrais bâtisseurs est apte à ériger les fondements durables de l'édifice de la cité démocratique marocaine. Ras-le-bol des notabilités qui se sont servis sans jamais servir, des tenants d'un ordre traditionnel rigide qui veut maintenir la collectivité dans la somnolence du sous-développement. C'est aux citoyens de s'approprier leur avenir, depuis l'échelle de la commune à celle de la nation, en passant par des régions à l'avenir plus autonomes, en portant aux commandes des esprits éclairés capables de stimuler la dynamique du progrès. Dans la triangulation électeur-candidat aux élections-institution élue, le maillon faible est le premier cité, qui ne peut toutefois trouver son salut qu'en lui-même. Soit le citoyen-électeur se veut simple consommateur du court terme électoral, qui réduit sa liberté de choix au temps d'une campagne, soit il se veut producteur de son avenir, assumant sa responsabilité politique au lieu de la céder au plus offrant, avec l'ambition de participer à la grande œuvre de construction de la nation. A commencer par le plus basique des gestes citoyens, expression de sa maturité politique, qui consiste à exprimer son choix dans l'urne de vote. « Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays », dixit John Fitzgerald Kennedy.