Tout se transforme, se développe, tout est bombardé de mutations, même au détriment des affectations. L'individu s'oblige à se rythmer aux impératifs d'orientation du vent ; le vent que lui pianote le temps. L'homme tend instinctivement à espérer le mieux, aspire à se concrétiser, à avancer. Le marché éducatif, lui aussi, ambitionne de progresser et s'accommode, même péniblement. Mais les transmutations ne brillent pas nécessairement que de la crème des choses. De nombreuses et fort utiles jeunes petites écoles singulières, qui poussaient dans des quartiers, en milieu urbain, à l'image de champignons, n'ont pas vécu que des jours heureux. Ces modestes lieux éducatifs, d'après le protectorat, qui accompagnaient « l'explosion » de la scolarisation publique au Maroc, en raison de certaines mutations, peu à peu se sont amoindris, ou ont rendu l'âme. Le décryptage de cette situation, relative à ces lieux d'appui à l'apprentissage ou à ceux qui leurs sont proches, se nourrit des souvenirs qui habitent encore les mémoires collectives. Ces maisons d'enseignement, essentiellement fondamental, outre les masjids (écoles coraniques) ont été affectées par des changements socio cultuels, socio éducatifs et socio économiques, ou historiques et aussi par des évolutions qui s'imposent ou ont été dictées de par le monde. Bien que traditionnelles, de cultures similaires ou proches, aux tons et mélodies uniformes même, elles disposaient de certaines valeurs ajoutées relatives au bien être. Dans ces petites écoles se laissent lire quelques avantages. Aussi anodins d'apparence soient-ils, on peut démêler de réels services ou bienfaits éducatifs, proximité, pas de transports contributeur de fatigue, de l'accessibilité au savoir moyennant une toute modique contribution. L'absence d'enseignement de masse, les enfants se connaissaient parfaitement entre eux. Ces apprenants habitaient le même quartier, souvent dans la même rue, parfois dans la même maison. Par ailleurs maitre et parents se croisaient, se voyaient, échangeaient à propos des enfants presque quotidiennement, toujours dans la convivialité. Un plus, sécurisant, stimulant et pour les parents et pour l'acteur pédagogique, l'enseignant. Dans le cas de masdjid, certaines activités font à leur tour œuvre d'exception. Patrimoine culturel hautement riche et spécifique de par sa conception classique et originale. Le désir de découvrir L'abandon de certaine tradition peut signifier renoncement à certain autres biens. Et l'un des biens qui peut marquer l'histoire d'un enfant de l'époque, est celui qui excitait le désir de découvrir, de sculpter artistiquement des traces, des écritures qui faisaient parler silencieusement les doigts dans une matière de substance bois. Le scriptural s'exécutait simplement avec application, au gré d'un bout de roseau, laissant sentir encore l'arome de la nature. Bout de roseau que le jeune enfant taillait, profilait en plume, en vue de s'imprégner du griffonnage des formes qui s'écoulaient de ce liquide intensément noir, pour s'approcher, aller à la rencontre de la langue arabe écrite. Bout de roseau que mouillait ce même enfant en le trempant délicatement dans l'encrier à disposition, au contenu dont la préparation est initiée par le sculpteur lui-même (Smagh). Et c'est dans la constance d'interactions entre ces constituants, entité et être vivant (plume et humain) que se calligraphiaient les premières lettres de l'alphabet, les premières touches instructives et culturelles, des amorces identitaires. Le tout se gravait sur cette plate planchette, finement apprêtée, lissée encore une fois aux doigts, aux larmes d'argile vaguement blanche, (salsar), brillée sous un ciel brulant. Au-delà de ces minuscules sphères pédagogiques classiques, l'entreprise éducative a bien franchi des étapes. L'univers de l'apprendre se conjugue au temps et au mode de la technologie en terme planétaire. Des changements ont vu le jour, d'autres se préparent à être savourés. L'outil de travail classique, concernant aussi bien l'enseignant que l'apprenant, se voit attribuer constamment de nouveaux visages. Les discrets et modestes instruments de classe repoussent en stylets, fleurissent en croyons feutres, prolifèrent en marqueurs de divers coloris. Les noires ardoises cartonnées ou métallisées, désormais, s'habillent, se croquent autrement, se « technologisent ». Des nouveau-nés, reconnaissons-le, peu poussiéreux, plus doux au frôlement, bien plus attrayant que ces vieilles plaques qui ne s'activent qu'au grincement des dents et de sécheresse de rigides morceaux de craies. La douce intelligence artificielle nommée tablette, n'aime pas toutes les musiques. Plus de « Z » d'ardoise, plus de « C » de craie plâtre blanc. Ni craie ni ardoise, plus d'encre non plus. Celle qui servait à marquer au roseau, ou même celles encore qui sont apparues plus tard ; que ce liquide soit en pot de verre, de paysage noir ou bleu, ou en pot de verre de nature rouge ou vert, comme ces doux buvards, compresses à stopper des taches ou autres perturbateurs de beauté d'une écriture en couleur et qui ont quasiment déserté papeteries, librairies et autres boutiques de la place. L'enseignant s'accoutume à ces dépossessions, s'acclimate à ces nouveaux espaces qui s'extensibilités peu à peu dans un vaste bain d'ambiance au parfum de technologie (rétroprojecteur, tableau interactif, vidéos, vidéo conférence, clefs, ordinateurs, logiciels, GSM) et il s'accorde alors à des apprenants qui ne jurent plus que par l'intelligence artificielle. Dépossédé de son tableau noir, renaissant blanc, ayant perdu de vue ses craies, avec son ton, ses substances et injonctions pédagogiques qui ne collent plus, outre quelques fractions de monopole et de pouvoir en tant que chef d'orchestre et de savoir, le maitre s'aligne, valse à différents temps. Quant aux apprenants, ces jeunes récitent moins, moins de par cœur qu'auparavant ; ils répètent encore mais autrement ; moins coupés du monde, même enfermés en classe ; ils communiquent dans le pire des cas, par sms, en cachette et par ruse. Mais le changement ne s'arrête pas là. D'autres énigmes, rêves, bouleversements sont à l'horizon. Mais restons calme, tout se passera, espérons le, pour le mieux !