Le Roi Salman Ibn Abdelaziz âgé de 79 ans a accédé au trône d'Arabie Saoudite dans un contexte de tension exceptionnelle au Proche-Orient avec les conflits en Syrie et en Irak et la lutte d'influence accrue entre son pays et l'Iran sur le plan régional. Le Roi Salman Ibn Abdelaziz aura la lourde tâche de mettre en oeuvre les réformes économiques et sociales entamées de manière prudente sous le règne d'Abdallah. Il bénéficie d'une réputation de probité et est considéré comme un arbitre respecté au sein de la famille royale. « Il me semble qu'il est capable de trouver l'équilibre délicat et nécessaire pour faire avancer la société (saoudienne) tout en respectant les traditions et les positions conservatrices », estime Robert Jordan, qui fut ambassadeur des Etats-Unis à Ryad, de 2001 à 2003. Les estimations faites par les services diplomatiques américains le décrivent comme un homme prudent sur la question des réformes culturelles et sociales. Cet homme très religieux est considéré dans le Royaume comme un modéré habile qui a perçu les attentes des religieux conservateurs, des influents groupes tribaux mais également d'une population de plus en plus jeune. Bâtisseur de Ryad Pendant près d'un demi-siècle, de 1962 à 2011, le Roi Salman fut gouverneur de la province de Ryad, une fonction qui lui a permis de travailler en relations étroites avec les traditionalistes mais aussi avec des technocrates libéraux. Il a notamment supervisé la transformation de la capitale saoudienne qui est passée d'une petite ville plantée dans le désert à une métropole régionale. « Ce poste lui a donné de l'expérience et il a supervisé l'émergence de Ryad comme capitale », souligne Eleanor Gillespie dans la Gulf States Newsletter basée à Londres. Mais son poste lui a surtout donné l'opportunité de « jouer le rôle d'arbitre très respecté des affaires de la famille Al-Saoud », ajoute Eleanor Gillespie, assurant que le prince Salmane « a une réputation de probité ». Le nouveau Roi Salman, 25ème fils du roi Abdel Aziz, le fondateur du Royaume, fait partie du clan des Soudaïri. Il a été marié à trois reprises et parmi ses dix fils encore en vie, le plus connu est le prince astronaute Sultan Ben Salmane; le seul Saoudien qui a fait partie d'une mission dans l'espace. Un autre de ses fils, le prince Abdel Aziz, est ministre adjoint du Pétrole du Royaume. Pas de changement attendu dans la politique pétrolière L'Arabie saoudite ne devrait pas infléchir sa politique de production pétrolière après son accession au trône, estiment les observateurs. "Après la mort du Roi Abdallan, je ne m'attends pas à un changement significatif de la politique pétrolière de l'Arabie saoudite, et j'espère qu'ils continueront à être un facteur de stabilité sur les marchés pétroliers, particulièrement en ces jours difficiles", a déclaré vendredi le chef économiste de l'Agence internationale de l'Energie (AIE), Fatih Birol en marge du forum économique mondial" de Davos. Ryad devrait maintenir son niveau de production actuel afin de protéger l'influence des pays de l'Opep sur le marché mondial face aux Etats concurrents. Le Roi Salman, qui a immédiatement désigné son demi-frère Moukrine comme héritier afin de dissiper toutes les spéculations sur une éventuelle crise de succession, devrait suivre la ligne adoptée par son prédécesseur. « Le roi Abdallah était l'architecte de la stratégie actuelle visant à maintenir une production élevée et à évincer les petits producteurs plutôt que de réduire la production », explique John Kilduff, partenaire chez Again Capital à New York. Selon lui, le Roi Salman a la réputation d'être un fervent défenseur des intérêts saoudiens et les marchés s'attendent à ce qu'il conserve un niveau de production élevé. « Aucun changement n'est à attendre dans la politique saoudienne » même si les marchés vont être attentifs à un éventuel remplacement du ministre du Pétrole, estime Tushar Bansall, analyste chez FGE. « Ali al Naimi est ministre du Pétrole depuis 1995. On a dit qu'il avait fait part de son intention de quitter ses fonctions mais que le roi Abdallah lui avait demandé de rester en poste aussi longtemps qu'il serait en vie », ajoute Tushar Bansall. « Donc, la vraie question est de savoir s'il y aura prochainement un nouveau ministre du Pétrole et si cela se traduira par un changement de politique ». Un de ses dix fils encore en vie, le prince Abdel Aziz, est actuellement ministre adjoint du pétrole. Ouvert vers l'étranger Le Roi Salman est devenu ministre de la Défense en 2012 après la mort de deux de ses frères aînés et princes héritiers, Sultan et Nayef, à un an d'intervalle. Ce portefeuille lui a permis de gérer le ministère doté du plus important budget du gouvernement, de procéder à des achats massifs d'armes et de renforcer les liens avec ses principaux alliés, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France. « C'est un politique intelligent, proche de la base conservatrice mais également doté d'opinions modernes », précise un ancien diplomate qui fut en poste à Ryad. En tant que gouverneur provincial, le Roi Salman a eu affaire avec des interlocuteurs et des gouvernements étrangers d'une manière bien plus fréquente que les autres membres du pouvoir. Il a joué à plusieurs reprises un rôle d'arbitre dans des conflits au sein de la famille régnante, une situation qui l'a peu à peu placé au centre du pouvoir. Jane Kinninmont, experte à Chatham House à Londres, précise que le Roi Salmane est « considéré comme relativement libéral » et pourrait à ce titre « adopter une approche plus réformatrice, mais dans le cadre des limitations et des lignes rouges du système ». Selon elle, il pourrait notamment avoir une attitude « plus constructive à l'égard de l'instabilité dans la région que le prince Nayef a toujours considéré comme le résultat des ingérences iraniennes plutôt que de l'expression de revendications locales ». Musulman fervent Il n'en reste pas moins un pur produit de la famille royale qui fonde son droit à gouverner sur la protection des deux premiers lieux Saints de l'Islam, La Mecque et Médine, qui se situent sur le territoire du Royaume. Il fait partie du premier cercle de la famille Al Saoud qui a fondé le royaume saoudien avec l'appui des religieux conservateurs. Considéré comme un musulman fervent, le Roi Salman a été éduqué à « l'école des princes » créée dans le palais Ibn Saoud par l'imam de la Grande mosquée de La Mecque et est attaché à l'idée que la pratique d'un islam pur est essentielle à la vie du Royaume.