Fouad Amraoui*: Axer la recherche en eau vers l'économie, la récupération des eaux pluviales et la valorisation de l'eau et le recours aux eaux non conventionnelles Sous le Haut patronage de SM le Roi Mohammed VI, le 41ème Congrès de l'Association Internationale des Hydrologues se tient à Marrakech du 15 au 19 septembre sous le thème « Eaux souterraines : défis et stratégies ». C'est la première fois que ce congrès se tient dans la région MENA une des régions qui souffrent le plus de la problématique de la sécheresse et de pénurie chronique en eau. Au Maroc les eaux souterraines sont à la merci des aléas climatiques d'une part et la pression anthropique. On dénombre 80 nappes dont 48 superficielles. Elles subissent les contrecoups de la sécheresse et de la surexploitation. Sans oublier la pollution aux origines diverses agricole, industrielle ou domestique. On apprend à ce propos que « la qualité globale des nappes d'eau souterraines au Maroc est à moitié bonne à moyenne, et à moitié mauvaise à dégradée. Les paramètres responsables de cette dégradation sont la forte minéralisation de ces eaux et la présence de nitrates en teneurs élevées ». Entretien: L'Opinion : Pouvez-vous nous présenter le Laboratoire de Géosciences Appliquées de la Fac de Sciences Ain Chok qui organise le Congrès « Eaux souterraines : défis et stratégies » à Marrakech du 15 au 19 septembre ? Fouad Amraoui : Le Laboratoire Géosciences Appliquées à l'Ingénierie de l'Aménagement, comprend quatre équipes de recherche avec 13 enseignants chercheurs et une vingtaine de doctorants. Le laboratoire est formé majoritairement de géologues, comprend une équipe de quatre chimistes et un physicien. Ceci répond à un souci de pluridisciplinarité et d'ouverture, pour développer des projets de recherche transversaux. Le nom du Laboratoire souligne la diversification des thèmes de recherche qui sont en lien étroit avec la construction du pays et en concordance avec les concepts du développement durable. Il est en cohérence également avec les missions d'enseignement. L'Opinion : Que représente pour vous, en tant que comité marocain de l'Association Internationale des Hydrologues, le 41ème Congrès de l'Association Internationale des Hydrologues qui se tient du 15 au 19 septembre à Marrakech ? Fouad Amraoui : L'Association Internationale des Hydrogéologues (AIH) est une organisation scientifique et éducative avec plus de 4000 membres dans 135 pays. C'est la principale société internationale pour la science et la pratique de l'hydrogéologie. C'est aussi une source d'information reconnue mondialement et un moyen de faciliter le transfert des connaissances touchant le domaine des eaux souterraines. L'Association sensibilise aux problèmes des eaux souterraines et travaille avec les organismes nationaux et internationaux afin de promouvoir l'utilisation des eaux souterraines pour assurer un accès facile à l'eau potable. Elle a aussi pour préoccupation la protection des aquifères contre les pollutions et la gestion des ressources en eau pour assurer la pérennité des écosystèmes qui leur sont liés. Le Comité Marocain de l'AIH (CM-AIH) qui organise le Congrès AIH-2014, est une association professionnelle des personnes exerçant les disciplines liées à l'eau souterraine. Ses objectifs sont de fédérer les acteurs et de promouvoir et coordonner les activités scientifiques et l'enseignement de l'Hydrogéologie. Le CM-AIH a déjà organisé deux congrès internationaux sous le thème «Gestion Intégrée des Ressources en Eaux et Défis du Développement Durable» GIRE3D, le premier à Marrakech en 2006 et le second à Agadir en 2010. Ce nouveau Congrès que le Maroc à la chance d'abriter, correspond à la 41ème Assemblée de l'AIH. Il sera organisé pour la première fois dans la région MENA, l'une des régions du monde qui souffrent d'une grave pénurie en eau. Il offrira l'occasion d'échanger des connaissances, des expériences, des techniques et des savoir-faire dans divers aspects des eaux souterraines. A ce titre, L'AIH-2014 sera une vitrine pour les sciences et l'industrie mondiale de l'eau avec une saveur marocaine. Le Congrès est destiné aux scientifiques, chercheurs, étudiants, ingénieurs, spécialistes des ressources en eau, responsables gouvernementaux, ONG et personnes intéressées par les eaux souterraines et l'environnement. Il portera sur la recherche fondamentale et appliquée en hydrogéologie et mettra en évidence des liens vers la politique, l'économie, les valeurs sociales, etc. Les communications seront axées sur la fourniture de solutions et non pas simplement d'identifier les problèmes. L'Opinion : Pourquoi le choix du thème « Eaux souterraine : défis et stratégies » ? Fouad Amraoui : L'eau constitue un enjeu majeur pour le développement, la sécurité et la paix. Sa connaissance, sa maitrise et sa gestion rationnelle, sont les garanties de sa durabilité. L'eau souterraine constitue souvent une part importante du potentiel en eau. Celle-ci présente plusieurs avantages : meilleure répartition spatiale, régularité assurée, facilité d'accès et d'exploitation, faible coût de mobilisation. Tous ces avantages l'exposent souvent à une surexploitation. Pour les pays en développement, on assiste à une croissance de plus en plus forte des besoins en eau, liée à l'explosion démographique, au développement du tourisme, de l'industrie et de l'irrigation. Les conséquences des changements climatiques que connaît le monde viennent aggraver cette situation avec la réduction et l'irrégularité des précipitations. D'un autre côté, la qualité des ressources en eau souterraine connaît de plus en plus une dégradation croissante liée aux effets anthropiques (pollution domestique, agricole et industrielle). Ainsi, l'exploitation des eaux souterraines a connu au cours des dernières décennies un accroissement considérable conduisant localement voire régionalement à des situations conflictuelles et à des pertes économiques notables. Dans beaucoup de régions à travers le monde, les nappes d'eau souterraine enregistrent un fort déficit qui s'aggrave en continu et des teneurs alarmantes pour certains indicateurs de qualité de l'eau sont signalées. Pour remédier à cette situation alarmante, chaque pays, selon ses moyens et son savoir-faire, met en place son plan d'action ou sa stratégie nationale. Cette politique vise le plus souvent à sauvegarder les nappes comme ressources stratégiques et les réserver en priorité pour l'alimentation domestique. D'un autre il s'agit d'améliorer la connaissance des aquifères souterrains ainsi que des volumes d'eau prélevés. De même renforcer les responsabilités des organismes de gestion des nappes, impliquer tous les acteurs concernés pour une gestion rationnelle des ressources en eau souterraine et enfin reconstituer les stocks stratégiques quand c'est possible. Le Congrès AIH-2014 est donc une occasion pour l'échange des expériences et des bonnes pratiques dans divers aspects des eaux souterraines, en exposant les problèmes et les défis, mais en apportant des solutions adaptées qui ont fait leurs preuves ailleurs. L'Opinion : Peut-on parler d'une conjoncture particulière dans laquelle s'inscrirait ce congrès ? Fouad Amraoui : Compte tenu de son rôle, la question de l'eau est toujours d'actualité. Seulement, la gestion rationnelle qui est une nécessité devient une urgence dans une conjoncture caractérisée par une forte pression sur les ressources en eau, une dégradation de la qualité et une raréfaction de l'eau liée aux changements climatiques dans beaucoup de régions du monde. Il faut dire aussi que la mondialisation et le développement des moyens de communication, permettent aujourd'hui un meilleur accès à l'information et à la technique et donc aussi à un meilleur rapprochement entre les acteurs de l'eau à travers le globe. L'Opinion : Quels sont les différents participants ainsi que les axes abordés ? Fouad Amraoui : Le congrès AIH-2014 verra la participation de 600 à 700 scientifiques, représentant environ 70 pays dont plusieurs pays africains. Les jeunes chercheurs seront bien présents grâce à des prises en charges nationales et internationales. Le Congrès AIH-2014 aborde une dizaine de thèmes qui répondent aux diverses préoccupations internationales en la matière. Ces thèmes seront déclinés en sessions parallèles dans lesquelles seront présentés les résultats les plus pertinents des recherches autour des ressources en eaux. Il s'agit de : l'impact du changement climatique, de l'interaction avec les eaux de surface, de la vulnérabilité, la pollution et l'assainissement des nappes, des aquifères fracturés et des environnements karstiques, des aquifères côtiers, de la gouvernance, des outils et techniques d'investigation, des ressources en eaux non conventionnelles, d l'hydrogéologie des zones arides et des relations avec l'exploitation des hydrocarbures. L'Opinion : Quelle force de proposition peut avoir la recherche dans le domaine de la pénurie d'eau pour solutionner des problèmes posés surtout dans une démarche prospective ? Fouad Amraoui : La recherche dans le domaine de l'eau souterraine est plurielle et peut toucher plusieurs aspects : géométrie des réservoirs aquifères, fonctionnement hydrodynamique des nappes, modélisation afin de simuler les écoulements et la diffusion des polluants, la recharge artificielle, le contrôle des prélèvements, le traitement des eaux usées en vue de leur réutilisation... Le chercheur contrairement au gestionnaire, qui lui est confronté aux problèmes quotidiens, peut appréhender les problèmes avec un certain recul et avec une vision plus globale, afin de travailler sur des solutions innovantes et ambitieuses. Pour un pays comme le Maroc qui a déjà mobilisé une grande partie de ses ressources en eau, la recherche doit s'orienter vers l'économie, la bonne gouvernance, la récupération des eaux pluviales, la recharge des aquifères, le contrôle des prélèvements, la valorisation de l'eau et le recours aux eaux non conventionnelles. *Fouad Amraoui : Professeur hydrologue, du comité d'organisation