Les travaux de la commission Stiglitz (Joseph Stiglitz, Amartya Sen, Jean-Paul Fitoussi, Richesse des nations et bien-être des individus : performances économiques et progrès social, Editions Odile Jacob, 2009.) ont étudié en profondeur les défauts du PIB en tant qu'indicateur de richesse produite. Ils citent notamment de nombreuses activités qui ne sont pas prises en compte dans le PIB telles que: - Le travail bénévole (associatif et autre), - L'autoproduction (travail domestique, bricolage, consommation de produits du potager), - La contribution des parents à l'éducation des enfants (scolaire, civique), Etc. Ceci fait dire aux auteurs de ce rapport que le PIB oublie une richesse immatérielle qui peut être estimée à 35 % du PIB. Au PIB de 2012 (2032 Ma d'euros ) il faudrait donc rajouter 711 milliards de valeur immatérielle. Mais le PIB souffre d'un autre défaut qui est, par essence, au coeur de l'immatériel: l'ensemble des postes de cet indicateur sont comptabilisés à leur coût de transaction ou à leur niveau de dépense. Ainsi, que les produits et services achetés ou obtenus soient de bonne qualité ou pas, ils ont la même valeur. Or chaque prestation ou produit peut être porteur d'un goodwill (le produit ou le service vaut plus que son coût) ou d'un badwill (le produit ou le service vaut moins que son coût) comme nous l'avons vu dans le chapitre sur la valeur des bâtiments. Notons enfin que le PIB ne prend pas en compte les destructions: destruction de capital naturel et destructions liées à des accidents (incendie, marée noire, tremblement de terre, dégradations volontaires, terrorisme...) Il ne prend pas non plus en compte la création de capital organisationnel du pays (les lois, la réglementation, institutions). Et comme on l'a si souvent dit, il ne mesure pas le bien-être. Nous restons à ce stade sur l'hypothèse que l'on pourrait augmenter le PIB de l'ordre d'un tiers pour prendre en compte la valeur immatérielle qui ne s'y trouve pas. Le PIB comptabilise de la fausse richesse. Il se trouve, en dernier lieu, que le PIB comptabilise de la fausse richesse. Par exemple, des activités marchandes qui ne sont pas bonnes pour l'homme mais qui sont légales entrent dans cette catégorie. C'est le cas du blanchiment d'argent de la drogue, des arnaques en tous genres, de toutes les prestations de santé injustifiées (arrêts maladie notamment). Dans ce registre, viennent se rajouter les transactions qui découlent des dérives de la finance de marché : - Solde des investissements des entreprises financières dans des produits dérivés « pourris » (CDS, CDO), - Rémunérations excessives des traders, - Prix de l'immobilier lors de la crise des subprimes et excès de transactions immobilières qui n'étaient pas soutenables (le cas est flagrant pour les USA), - Par analogie pour la France, accord de crédits non soutenables (crédit revolving) entraînant des risques de surendettement, Etc. Trois conclusions majeures peuvent être tirées de ce qui vient d'être exposé. Il apparaît ici que le PIB devrait faire l'objet de nombreuses modifications afin de donner une vision plus juste de la richesse créée en une année. En outre, l'impact économique de ces améliorations serait majeur sur le niveau national de richesse mesurée. Il a été que la France est en train de sortir de la crise puisque le second trimestre de l'année présente une croissance du PIB de 0,5 %. Cette conclusion est-elle robuste si le PIB ne mesure notre vraie richesse qu'à 20 ou 30 % près voire davantage? Poussons plus loin le raisonnement quitte à caricaturer. Avons-nous finalement connu une crise si grave que ça? Et si notre perception de la réalité économique nationale fluctuait, en fonction de l'image que nous renvoie un miroir déformant (le PIB), de façon assez différente de la réalité ? Se pourrait-il que cette image nous fasse conclure que « Ça va » alors que c'est le contraire ou que « Ça ne va pas » alors que finalement la situation n'est pas si mauvaise ? Le propos est ici évidemment très provocateur. Il est évident que nous avons connu ces dernières années une crise économique très grave car d'autres indicateurs moins complexes que le PIB nous en ont apporté la preuve: taux de chômage, déficits publics, etc. Il ne serait pas tenable de penser qu'un pays dont les produits se vendent mal à l'étranger et qui détruit, au début 2013, 1000 emplois par jour, est en pleine santé économique. Enfin, les variations du PIB sont bien corrélées à d'autres grands indicateurs de santé macro-économique de sorte que malgré tous ses défauts, largement étudiés et confirmés par les meilleurs économistes, le PIB garde aux yeux du plus grand nombre sa crédibilité. Il n'en demeure pas moins que des variations faibles de PIB peuvent plus que vraisemblablement donner l'illusion de reprises ou de dégradations qui n'existent pas. - Lorsque la variation du PIB est positive ce n'est pas grave car elle génère de la confiance. Or la confiance est ce qui manque le plus souvent en France pour prospérer. Nous avons du capital et du travail...mais sans confiance le moteur économique cale. - Lorsque la variation est négative, si elle n'est pas le reflet de la réalité, c'est plus gênant. En outre, si un tiers de la richesse nationale n'est pas prise en compte, il peut s'y passer de bonnes ou de mauvaises choses sans aucun contrôle. Tout ceci milite pour une réforme du PIB.