Chacun s'accorde à reconnaître la place centrale de l'école comme lieu d'acquisitions et d'apprentissages, de socialisation, d'intégration sociale, d'émancipation, et d'éducation à une citoyenneté active. Or depuis longtemps, et malgré le consensus national autour de la charte nationale d'éducation et de formation qui énonce les principes fondamentaux qui comprennent les fondements constants du système éducatif, ses grandes finalités, les droits et devoirs des différents partenaires et la mobilisation nécessaire pour la réussite de la réforme tout en déclinant six espaces de rénovation (Extension de l'enseignement et son ancrage à l'environnement économique, l'organisation pédagogique, l'amélioration de la qualité, les ressources humaines, la gouvernance et enfin le partenariat et le financement), le caractère fragmentaire de l'action publique, le manque de cohérence, l'absence d'une vision claire et de perspectives qui puissent inscrire toute réforme dans la durée, indépendamment du ministre en charge du département de l'éducation parce qu'il s'agit d'un projet sociétal qui demande capitalisation sur les acquis et respect des instances légitimes et légales de validation de tout projet éducatif, le système s'enlise dans une opacité inquiétante. On s'attarde trop et souvent sur un diagnostic connu, reconnu et partagé par tous les intervenants au lieu de réfléchir sur des propositions susceptibles d'aider notre école publique à mieux remplir la mission qui lui revient d'être un creuset de la cohésion sociale et civique, comme de l'intégration et de la préparation des citoyens de demain. Il ne s'agit ni de se contenter d'énumérer l'existant avec ses dysfonctionnements et ses défaillances, ni de mettre à bas tout l'édifice. Il s'agit de corriger pour améliorer, de réexaminer pour donner du sens en se ressourçant sur les valeurs et les constantes de la nation. Apparemment, M. Belmokhtar qui a compris que l'école est malade et que le département de l'éducation est incapable, à lui seul, sans la mobilisation de toutes les forces vives de la nation, de tous les partenaires, des intervenants dans le champ éducatif, d'en trouver les remèdes adéquats qui, à défaut de la guérir, puissent au moins en atténuer les souffrances, a lancé des rencontres de concertation autour de l'école marocaine avec la participation de l'ensemble des acteurs éducatifs, des élèves, des partenaires du ministère, des acteurs politiques, de la société civile ainsi que d'experts. L'objectif étant d'explorer de nouvelles pistes de réflexions et d'amélioration de la situation actuelle de l'école marocaine afin d'identifier les contours et les priorités d'un nouveau projet éducatif, à court, moyen et long termes. Des concertations qui rappellent, par leur méthodologie, leur timing et les thématiques prédéfinies le modèle français lancé en 2012 par Vincent Peillon, ministre de l'éducation du gouvernement Jean-Marc Ayrault afin d'entamer une refondation de l'école et préparer une nouvelle loi d'orientation et de programmation. Les concertations actuelles, lancées par le ministère de l'éducation nationale et de la formation professionnelle ont au moins le mérite d'être appuyées sur une démarche novatrice d'approche participative tout en s'inscrivant dans une complémentarité avec les consultations menées auparavant par le conseil supérieur de l'enseignement. Visant à susciter, à travers l'implication de toutes les parties prenantes, un débat direct et fructueux autour des limites du système éducatif actuellement et, de recueillir les attentes et les propositions de toutes les parties dont les élèves, le ministère ambitionne de dépasser les discussions stériles autour du diagnostic, pour avancer en évaluant l'écart entre l'existant et l'école souhaitée. Les résultats attendus sont clarifiés dans la fiche qui encadre ces consultations, à savoir une analyse objective des causes de l'échec enregistré par le système éducatif, la collecte des attentes des parties prenantes, les propositions pragmatiques avancées pour dépasser cette situation et in fine dégager les principes fondateurs qui serviront de base à l'édifice d'un nouveau projet éducatif consensuel. La réflexion s'articule autour de sujets majeurs comme la gouvernance, la complémentarité entre l'éducation et la formation professionnelle, l'égalité des chances, le rôle des collectivités locales, le rôle de la société civile, la vie scolaire, les méthodes éducatives et ce selon les préoccupations des partenaires et des intervenants. Tous les marocains sont, en principe, conviés à s'exprimer dans le cadre de ces initiatives décentralisées comme à travers les quatre forums hébergés dans le site internet du ministère dédié à la concertation. Si par l'écho médiatique qui l'a accompagnée, la concertation a atteint un premier objectif : remettre l'école au coeur du débat public, les clivages apparus, le manque de confiance des partenaires dans une administration qui avait l'habitude d'ignorer leurs propositions, la complexité des problématiques soulevées qui s'adaptent mal avec le carcan des fiches à remplir, a permis de dégager, sous l'inévitable et féconde diversité des opinions, des malentendus regrettables. «Depuis des années, le monde éducatif a l'habitude d'être convié à des concertations. En effet, pour faire passer auprès des enseignants et des partenaires sociaux certaines réformes, les responsables ont recours au principe managérial de les associer, ne serait-ce que pour la forme, à certaines décisions afin qu'ils soient contraints de les appliquer puisqu'ils ont eu leur mot à dire. À la nuance près que ces concertations sont de véritables marchés de dupes. Souvent les décisions sont déjà prises en amont sur le rapport de prétendus experts, la vision est déterminée, et pour légitimer tout cela, on appelle à des concertations qui ne sont en fait que des consultations de forme » nous a confié un responsable syndical. « Quand on crée des instances de concertation, qu'on perde autant d'énergie et de temps, il faut rompre avec l'habitude de ne pas tenir compte des avis qu'elles émettent. Nous avons accepté de participer à ces concertations pour une raison simple, le ministère a annoncé que le rapport final sera rendu public, ce qui nous permettra de voir si nos préoccupations ont été rapportés avec clarté et exactitude » nous a annoncé un membre de la fédération des parents d'élèves. En effet Selon le ministère, les résultats de ces concertations seront rendus publics dans un rapport final., base de réflexion pour les phases d'élaboration, de validation, de partage et de mise en œuvre du nouveau projet éducatif en conformité avec de les orientations stratégiques du Conseil supérieur de l'enseignement. A noter qu'un corps aussi important que celui des inspecteurs a décidé de boycotter ces concertations. Dans un communiqué daté du 21 avril dernier, le syndicat des inspecteurs de l'éducation ont décidé ce boycott pour protester contre, « le refus du ministère d'un dialogue constructif avec le syndicat sur la base de ses revendications malgré sa représentativité légitime et légale » Si les concertations peuvent être un outil d'approche participative salvatrice pour notre système éducatif, un nombre de signaux doivent aujourd'hui nous alerter pour donner un sens à ces concertations. Un débat ouvert et responsable devrait être capable de mettre en lumière, dans la sérénité, les faiblesses et les limites d'un système, et les conséquences, lourdes, que celles-ci portent en matière sociale, capitaliser sur les expériences accumulées et avoir une vision claire qui puisse dépasser certaines réformes devenues illisibles et souvent non appliquées faute d'un projet et d'une politique éducative qui transcende les clivages politiques et les conjonctures idéologiques.