De retour de la Côte d'Ivoire, où SM le Roi Mohammed VI a effectué une visite de travail du 23 février au 3 mars deniers dans le cadre d'une tournée africaine, qui après le Mali, a conduit le Souverain par la suite en Guinée et au Gabon, SEM. Idrissa Traoré, Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire de la République de Côte d'Ivoire au Maroc, s'est confié à L'Opinion. Dans cet entretien, le diplomate ivoirien fait une lecture de cette visite royale tout en mettant l'accent sur les perspectives de la coopération fraternelle et solidaire entre Rabat et Abidjan. L'Opinion : Vous rentrer de la Côte d'Ivoire au lendemain de la visite de travail et d'amitié que vient d'effectuer SM le Roi Mohammed VI à Abidjan, pour la deuxième fois consécutive, et qui fut sanctionner par la signature d'importants accords de coopération dans plusieurs domaines. Quelle analyse faites-vous de ce déplacement du Souverain dans votre pays ? M. Idrissa Traoré : Je voudrais avant tout propos vous remercier pour cette opportunité que vous m'offrez de m'exprimer sur les relations d'amitié et dae coopération qui unissent la République de Côte d'Ivoire et le Royaume du Maroc. Ces relations, nous ne le répéterons jamais assez, sont excellentes et empreintes d'une cordialité et d'une fraternité que j'apprécie énormément. Ma satisfaction est d'autant plus grande que Sa Majesté a, tout au long de ses séjours, multiplié des gestes simples de sympathie et d'amitié qui ont donné une dimension humaniste et africaine à ces visites, fait rarissime dans les rapports entre Etats. Le premier de ces gestes simples a été pour le Roi de se rendre, presque sans escorte, spontanément et incognito à la rencontre de simples citoyens marocains et ivoiriens dans des quartiers populaires, lors de son premier séjour en mars 2013 à Abidjan. Ensuite, Sa Majesté le Roi n'a pas hésité à bousculer les règles du protocole en modifiant son programme pour aller accueillir le Chef de l'Etat, Son Excellence Monsieur Alassane OUATTARA, de retour de sa convalescence à Paris. Les Ivoiriens, dans leur ensemble, ont bien apprécié ces gestes à travers lesquels Sa majesté le Roi a montré ce que doivent recouvrer désormais les relations entre nos deux pays à savoir : la fraternité. Vous le souligniez fort à propos, Sa majesté le Roi a séjourné à Abidjan du 23 février au 03 mars pour une visite d'amitié et de travail. Il était accompagné d'une forte délégation composée essentiellement d'hommes d'affaires marocains qui ont pris part activement au forum ivoiro-marocain, tenu les 23 et 24 mars 2014 à Abidjan. Cette visite essentiellement stratégique a produit des résultats palpables: elle a été sanctionnée par la signature de 26 accords de coopération dans de nombreux domaines de l'économie. Sans entrer dans le détail, je peux vous dire que, de nombreux secteurs économiques sont concernés par ces accords, notamment le tourisme, les mines, les investissements et les projets de développement entre autres. De même, dans le secteur de l'Education nationale et de l'Enseignement technique, une convention de partenariat permettra la construction de 5500 classes en Côte d'Ivoire. Des accords ont été également conclus dans les domaines de la construction de logements sociaux, la promotion des petites et moyennes entreprises ainsi que le financement et les micros crédits. En plus de tous ces accords de coopération, Sa Majesté a procédé au lancement de nombreux projets d'infrastructures dont le futur village de pêche de Locodjoro, dans la commune d'Attécoubé (Nord-ouest d'Abidjan) et des logements sociaux à Koumassi (Sud d'Abidjan) et Anyama (Nord d'Abidjan). Le déplacement du Souverain, en terre ivoirienne, contribuera, à n'en point douter, à renforcer les relations entre nos deux pays, en imprimant une nouvelle dynamique à la coopération économique selon les vœux des deux Chefs d'Etat. Dans le même sillage de l'amitié entre le Maroc et la Côte d'Ivoire, la Princesse Lalla Salma, Présidente de la Fondation Lalla Salma-Prévention et Traitement des cancers, a été l'invitée d'honneur de la Présidente de la Fondation Children Of Africa, initiée par Mme Dominique Ouattara. A votre avis, quelle est la portée de ce regain d'intensité des relations entre le Maroc et la Côte d'Ivoire ? Les relations entre les deux pays, je l'indiquais d'entrée, sont excellentes, portées qu'elles sont par une vision et une volonté communes de leurs dirigeants. Mme Dominique OUATTARA a toujours été sensible aux questions et aux œuvres caritatives. C'est ainsi qu'elle a créé en 1998, « Children of Africa », une Fondation caritative qui œuvre à l'amélioration du bien-être des enfants d'où le slogan « Children Of Africa, un autre avenir pour les enfants d'Afrique ». Forte de l'expérience acquise à travers les nombreuses missions de terrain dans toutes les contrées dans plusieurs pays dont la Cote d'Ivoire, Mme Dominique OUATTARA a décidé de s'inscrire dans les œuvres pérennes, continues et soutenues à savoir la construction d'un hôpital de référence spécifiquement dédié à la mère et à l'enfant et dénommé « HOPITAL MERE-ENFANT DOMINIQUE OUATTARA DE BINGERVILLE ». Cet hôpital, le premier du genre en Côte d'Ivoire et en Afrique de l'Ouest, est destiné à donner une réponse aux taux de mortalité maternelle et infantile sans cesse croissant dans le pays. Et c'est en vue de la levée de fonds pour la construction et l'équipement de cet hôpital que Madame OUATTARA a organisé ce diner gala dénommé cabaret du cœur, le deuxième du genre après celui de 2012. Elle a donc tenu à associer la Princesse Lalla Salma à cet événement en qualité d'Invitée d'Honneur non seulement au regard des relations excellentes existant entre la Côte d'Ivoire et le Maroc mais également pour saluer l'énorme travail que la Princesse abat au quotidien en matière d'aide au développement, dans la prise en charge du cancer en Afrique et en particulier du cancer de l'enfant, à la tête de la « Fondation Lalla Salma de Prévention et Traitement du Cancer » créée en 2005. Je voudrais ajouter que la Princesse Lalla Salma avait déjà fait parler son cœur en faisant don d'un important lot de médicaments anticancéreux pour le traitement des enfants atteints du Cancer à l'hôpital de Treichville (Abidjan) en juin 2013. Comme vous le constatez, ces deux grandes dames sont engagées en faveur de la même cause: le bien-être des enfants africains. Quelle est la place de l'économie dans ce partenariat revisité à la lumière du forum Maroc-Côte d'Ivoire ? L'économie occupe inéluctablement la première place. En témoigne d'abord la composition de la délégation qui a accompagné Sa majesté le Roi dans cette visite. Ensuite le discours que sa majesté le Roi a prononcé à l'ouverture du Forum est révélateur de l'importance accordée à l'économie dans les relations entre nos deux pays. Il a dit et je cite : « Auparavant la diplomatie était au service de la consolidation des relations politiques. Aujourd'hui, c'est la dimension économique qui prime et constitue l'un des fondamentaux des relations diplomatiques ». Sa Majesté a raison également de dire, dans le cadre de la coopération Sud-Sud, que « l'Afrique doit faire confiance à l'Afrique ». Son Excellence Monsieur Alassane OUATTARA ne dit pas autre chose quand il engage sa politique étrangère à se tourner résolument vers l'éco-diplomatie. Pouvez-vous nous parler des investissements marocains en Côte d'Ivoire ? Les relations ivoiro-marocaines ne cessent de se renforcer et de s'élargir, surtout depuis les visites du Souverain marocain à Abidjan en mars 2013 et récemment en février 2014. Les opérateurs économiques marocains sont de plus en plus nombreux à investir en Côte d'ivoire, à l'instar de la Banque Attijariwafa-Bank, à travers sa filiale de la Société Ivoirienne de Banque (SIB), la Banque marocaine de commerce extérieur à travers sa filiale Bank of Africa, et de la Banque Populaire et sa nouvelle acquisition Banque Atlantique pour ce qui est du secteur bancaire. Cet engouement ne se limite pas seulement au secteur de la finance, mais touche également les secteurs du BTP, des nouvelles technologies de l'information et de la communication, de l'eau et de l'électricité...etc. Ainsi le Groupe Addoha a implanté une cimenterie à Abidjan et lancé un projet pour la construction de dix mille logements ainsi qu'une usine de sacherie. Nous avons également le Groupe Alliances qui vient lui aussi de lancer les travaux d'un premier projet pour la construction de huit mille logements sociaux. Sur le plan intérieur, le Président Alassane Ouattara vient de donner le coup d'envoi du recensement général de la population ivoirienne. Dans quel cadre s'inscrit ce programme ? Et qu'en est-il de la logistique et du financement ? Le chef de l'Etat vient effectivement de donner le coup d'envoi du recensement général de la population ivoirienne, lundi 17 mars 2014, en se faisant recenser avec son épouse à leur Résidence à Abidjan. Pour rappel, la dernière enquête nationale date de 1998. Le pays comptait alors 16,3 millions d'habitants. Je voudrais relever que le recensement général de la population et de l'habitat en Côte d'Ivoire, organisé tous les dix ans, n'avait pu se tenir en 2008 en raison de la crise que le pays vivait. Comme l'a indiqué le chef de l'Etat, « la connaissance des données démographiques et socio-économiques des habitants d'un pays, est une obligation pour un Etat moderne comme la Côte d'Ivoire dont l'objectif est d'aller plus vite et plus loin dans les réformes afin de devenir un pays émergent à l'horizon 2020. » Je voudrais, pour répondre au second volet de votre question, indiquer que le Recensement Général de la Population et de l'Habitat, qui prendra fin le 16 Avril 2014, a coûté 12 milliards de francs CFA (environ 18 millions d'euros), dont 60 % financés par la Côte d'Ivoire et 40 % par la communauté internationale. Elle mobilise 30 000 Agents, et permettra au pays de disposer de « statistiques fiables » sur l'ensemble de la population vivant en Côte d'Ivoire. Notons enfin que la collecte des données se fera électroniquement, en vue de faciliter leur traitement, leur analyse et leur archivage. Un mot sur le processus de réconciliation. Il faut dire qu'au sortir de la grave crise qu'a connue la Côte d'Ivoire, les clivages étaient exacerbés et les positions tranchées. Aujourd'hui, la méfiance est entrain progressivement de faire place à la confiance retrouvée. J'ai foi que les filles et fils du pays sauront faire l'impasse sur ce qui les a divisés pendant un certain temps pour envisager ensemble une Côte d'Ivoire réconciliée où le « vivre ensemble » sera érigé en vertu cardinale. Il faut avoir présent à l'esprit que la réconciliation ne se décrète pas. C'est un processus qui va s'inscrire dans la durée.