Un éventuel démantèlement de l'arsenal chimique syrien, à supposer que le régime de Bachar al Assad l'accepte, risque d'être difficile à mettre en oeuvre tandis que sa destruction pourrait prendre des années, estiment les spécialistes de la question. La Russie, principal allié de la Syrie, a proposé lundi que Damas mette ses armes chimiques sous contrôle international et évite ainsi les frappes militaires envisagées par Barack Obama pour sanctionner le régime du président syrien Bachar al Assad pour l'attaque chimique du 21 août dernier près de Damas. Cette proposition a été prudemment accueillie par les Etats-Unis et par leur allié français. «Pratiquement, c'est quand même très difficile à organiser, à appliquer», a estimé mardi sur Europe 1 le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius. «On sait que la Syrie a plus de 1.000 tonnes d'armes chimiques», a-t-il souligné en insistant sur la nécessité d'effectuer le démantèlement et la destruction sur strict contrôle international. «Ce n'est pas les Syriens et les Russes auxquels eux seuls on peut faire confiance, donc il faut un contrôle international», a dit le chef de la diplomatie française. La Syrie, qui n'a pas ratifié la Convention sur l'interdiction de la fabrication et du stockage des armes chimiques entrée en vigueur en 1997, détiendrait d'importants stocks de sarin, de gaz moutarde et de VX, un gaz innervant. Damas n'est partie qu'au Protocole de Genève de 1925 qui prohibe l'emploi des armes chimiques. La localisation des stocks chimiques, qui sont, semble-t-il, répartis dans des dizaines d'endroits différents, sera difficile, comme le sera la protection des inspecteurs chargés de vérifier. «C'est une bonne idée mais difficile à réaliser», commente un responsable américain sous le sceau de l'anonymat. «On est en pleine guerre civile où le régime syrien massacre son propre peuple. Est-ce que quelqu'un pense vraiment qu'il va brusquement cesser de tuer pour permette aux inspecteurs de sécuriser les armes chimiques et de les détruire ?» Amy Smithson, experte en armes de destruction massives au Centre James Martin pour les études sur la non-prolifération, souligne le manque de données précises sur les stocks syriens, ce qui compliquera d'autant leur vérification. Et de rappeler les années de cache-cache en Irak entre les inspecteurs de l'Onu et le président de l'époque Saddam Hussein comme un exemple de ce qui pourrait arriver en Syrie. «Les Irakiens ont menti. Ils ont fait tout de qui était possible pour dissimuler ces programmes d'armement ultrasecrets», affirme Amy Smithson. «La Libye non plus n'était pas complètement nette quand elle a renoncé à son programme d'armes de destruction massive.» Selon le Center for Strategic and International Studies américain, c'est le Centre d'études et de recherches scientifiques (CERS) syrien qui supervise les sites d'armes chimiques syriens à Doumaïr, Khan Abou, Chamat et Firaklous. Le général Moustapha al Cheikh, un déserteur de l'armée syrienne, a déclaré à Reuters cet été que les armes chimiques syriennes avaient été transportées pour l'essentiel à Lattaquié et près de la côte méditerranéenne. Certains stocks sont toutefois restés dans des bases près de Damas, a-t-il ajouté. Les Etats-Unis observent le manège syrien depuis l'an dernier et reconnaissent que ces mouvements compliquent l'identification des sites. Les experts estiment qu'il faudra des mois pour localiser et sécuriser les armes chimiques syriennes et des années pour les détruire.