Cet été a encore été marqué par un drame mortel ayant touché un adolescent. Les accidents, mortels ou laissant des personnes mutilées, ne se comptent plus, hélas, sur nos côtes et nos plages. Les jet-ski sont des engins qui sont de plus en plus répandus sur les plages marocaines, y compris les plages les plus appréciées du publics, des plus conviviales voire familiales à celles ayant vocation à recevoir le plus grand nombre de touristes. Il faut avoir clairement conscience que ces machines sont d'une puissance importante et dont le contrôle nécessite une technicité et une expérience certaines. Le drame de Kabila n'est pas le premier sur nos plages. Rappelons que cette année déjà, un touriste chinois est décédé à Agadir des suites d'un accident de jet-ski, que sur les seules plages de Bouznika, une fillette de 9 ans seulement et un homme de 35 ans sont également décédés et qu'un homme s'est vu amputé, également, des suites d'accidents de jet-ski. La liste ne se veut malheureusement pas exhaustive même si elle est déjà trop longue. Chaque été voit son lot de drames s'ajouter aux précédents. La question qui se pose est de savoir comment cette trop longue litanie de drames a pu se dérouler, chez nous, sur nos plages. Serait-ce une question de réglementation défaillante ? Certainement pas ! En effet, le ministère de l'Intérieur diffuse à l'attention des walis et gouverneurs une circulaire régissant les conditions de l'exercice de la pratique du jet-ski. Cette circulaire a expressément vocation à prévenir les accidents et les conditions posées sont suffisamment claires et précise pour être efficace. Ainsi, les jet-ski ont l'interdiction de pénétrer les zones de baignade et de circuler dans une bande de 300 mètres à compter de la rive, quand les conditions climatiques sont défavorables, au lever ou au coucher du soleil. De même, les pilotes doivent revêtir des gilets de sauvetages de couleurs vives et des panneaux d'affichages doivent permettre l'information du public sur les zones interdites et les vitesses autorisées ainsi que les mesures de sécurité à respecter. En outre, les engins doivent porter des marques d'identification, les usagers de ces machines doivent également souscrire une assurance couvrant leur responsabilité civile, en cas de dommage. Par ailleurs, les sociétés de location de tels engins, doivent avoir été autorisées et elles doivent être contrôlées en ce qui concerne le respect des règles en vigueur et des fiches de renseignement sur les utilisateurs doivent être établies. Enfin, des chenaux doivent être dessinés et respectés par les jet-ski et une police de proximité doit veiller au respect de l'ensemble de ces règles. Le moins que l'on puisse dire, c'est que les décideurs ont pris les mesures nécessaires, lesquelles devraient donc être suffisantes et protectrices. Le triste bilan évoqué plus haut est la preuve la plus patente qui puisse être de l'inefficacité concrète de ces mesures. La conclusion qui s'impose est donc qu'une fois de plus, l'application de la loi fait cruellement défaut. En l'occurrence que pouvons-nous constater, pour ainsi dire sur chaque plage, au quotidien et particulièrement au cours de la saison touristique ? Tout d'abord, les panneaux d'affichages requis sont singulièrement défaillants. Les plages qui en sont équipées sont tellement peu nombreuses qu'on pourrait les qualifier d'inexistantes... Ensuite, la définition de chenaux et la présence de forces de l'ordre veillant au respect des règles restent un grand mystère pour tous les usagers des plages. De plus, les mesures de sécurité et d'identification requises ne sont pas diffusées par les rares personnes qui en ont connaissance. Face à une telle défaillance, le défaut des panneaux d'affichage est d'autant plus dommageable. En outre, les comportements des pilotes ne respectent pas les mesures de sécurité simples qui consistent dans le port du gilet de sauvetage, le respect des vitesses maximales ainsi que la zone de sécurité pour les baigneurs. Par ailleurs, les professionnels de la location ont une responsabilité particulière. Pour 300 dhs, n'importe qui peut s'offrir un quart d'heure d'adrénaline, majeur ou mineur, pratiquant aguerri et respectueux des règles ou débutant au comportement léger voire inconscient. Aucun loueur ne vous demandera si vous avez une pratique et la maîtrise du jet-ski avant de mettre entre vos mains un engin d'une puissance équivalente à une moto de sport. Qui oserait mettre un deux-roues pouvant atteindre des vitesses de 250 à 300 km/h entre les mains d'une personne n'ayant jamais enfourché ne serait-ce qu'une mobylette ? A la lecture de ces constats simples, rapides et vérifiables à tout moment sur à peu près n'importe quelle plage du Royaume, une interrogation ressort, forte et révoltante : qui est responsable ? Au risque de paraître choquant, il ne faut pas totalement écarter la responsabilité des utilisateurs eux-mêmes (ou de leurs parents s'agissant de mineurs). Il ne s'agit pas d'accabler des familles au chagrin déjà incommensurable, loin s'en faut. Mais confier un tel engin à un enfant ou un adolescent sans s'être renseigné, sans avoir veillé au respect des règles de sécurité élémentaires, cela pose question. Tout autant, sinon plus, la responsabilité des loueurs de jet-ski, supposés être des professionnels. Pourquoi eux ne veillent-ils pas encore plus que tout autre au respect des conditions de sécurité ? En effet, leur activité économique leur fournit des revenus, parfois plus que confortables. Si cette activité devait être exercée dans des conditions de sécurité douteuse, il est inévitable qu'à terme les touristes ou les résidents à proximité des plages se détourneront de leurs services voire même des plages elles-mêmes. Ne pas veiller à un usage sûr et sécurisé de leur matériel revient donc à se tirer une balle dans le pied. Or, dans le cadre de cet usage sûr et sécurisé, il est nécessaire de passer les consignes basiques et essentielles prévues par la circulaire du ministère de l'Intérieur. Le sérieux et le professionnalisme est à ce prix. La pratique montre que l'appel du dirham est plus fort que la sécurité de ses concitoyens. L'Homme a beau être sacré, le portefeuille de certains semble l'être plus encore. C'est proprement inacceptable. La responsabilité des walis et gouverneurs, destinataires de la circulaire ne peut pas non plus être écartée. En effet, selon la circulaire, c'est à eux qu'incombe de veiller à l'applicabilité et l'application des termes de la note ministérielle, en faisant procéder à des contrôles inopinés. Qu'en est-il réellement ? Qui a vu des gendarmes interpeler tel loueur de jet-ski dont les machines ne sont pas en règle ou les pilotes de ces machines qui déchirent les flots au beau milieu des baigneurs à toute vitesse, risquant de tuer un estivant à chaque seconde ? La sécurité des personnes est pourtant une des missions les plus essentielles qui soit confiée à ces autorités. Dans un pays comme le Maroc qui compte sur le tourisme pour assurer une partie de son développement social et économique, quelle image est donnée du Royaume alors que la sécurité est clairement mise en jeu dans nos stations balnéaires ? Nous ne sommes plus à l'heure de la fin du XXe siècle, où Internet n'était que balbutiant et où les réseaux sociaux n'existaient même pas. En 2013, l'usage d'Internet est généralisé au Maroc et dans les pays d'où viennent quasiment tous les touristes étrangers, forts apporteurs de devises pour notre pays et notre économie. Les réseaux sociaux tels que Facebook ou Twitter comptent des centaines de millions d'usagers à travers la planète entière. Qu'un événement dramatique survienne, il ne manquera pas d'être relaté par tel ou tel site d'information ou tel ou tel internaute, personnellement touché ou simplement témoin d'un drame tel celui que nous avons vécu ce triste 7 juillet dernier. La caisse de résonnance qu'offrent aussi bien Internet en général et les réseaux sociaux en particulier déforment parfois la réalité en grossissant un point négatif de manière exagérée. Mais cette déformation marque et nuit aussi bien à l'image du pays qu'à l'attractivité du tourisme dans notre beau Royaume. Le laisser-aller, le laisser-faire en matière de sécurité est grave et commence à tourner sérieusement au tragi-comique. Pour assurer la sécurité des baigneurs, devrions-nous pousser le ridicule jusqu'à interdire les plages à la baignade ? Quand bien même la tartufferie serait poussée à ce niveau, le problème ne serait pas résolu, des accidents intervenant lors de collisions entre jet-ski... Des actions commencent à être menées, souvent à l'initiative des riverains qui réclament leur dû en matière de sécurité et paisibilité. Ainsi, l'exemple de Bouznika plage a été frappé par plus de drames que de nombreux sites. Les riverains ne sont pas restés les bras croisés et leur action a permis de bloquer l'accès de la plage aux jet-ski et à la prise d'un arrêté par le gouverneur de Benslimane interdisant la pratique du jet-ski sur ce site. Et pourtant, le même week-end qui vit le décès d'un adolescent dans le Nord du pays, pas moins de 35 jet-ski ont pu être comptés sur les plages de Bouznika. Il est temps de réagir, clairement et fortement. La question des jet-ski est donc essentiellement une question de prise de conscience. Prise de conscience par les autorités des dangers qui se jouent chaque jour sur nos plages. Prise de conscience aussi par les entrepreneurs de la location que leur activité et la sécurité des gens ne sont pas incompatibles, bien au contraire. Prise de conscience enfin par chacun que louer un jet-ski ou se servir du sien, ce n'est pas un acte anodin et qu'une telle machine peut trop vite devenir un objet mortel. Et puis, quand nous en aurons fini avec les jet-ski, il faudra bien aussi réfléchir à la question des quads. Ces motos à 4 roues, non homologuées par les services des mines et, par conséquent, non immatriculées, sont placées entre les mains de mineurs qui roulent à vive allure sur les routes et les plages, mettant en danger des populations entières en toute inconscience, sans même penser à se protéger le moins du monde. Quand on sait que la circulaire visant les jet-ski interdit également la pratique du quad sur les plages... Mohamed Kabbaj,Président de l'Association Pour La Promotion et la Préservation De Bouznika-Plages « APPB »