Est-ce une fatalité de plus ? Une parmi tant d'autres dans ce pays ? Des patrimoines, ailleurs vecteurs de développement économique et culturel sont chez nous et par on ne sait quelle fatalité, symboles de laideur, d'acculture et de misère. El Jadida a pourtant tous les atouts nécessaires pour être une cité de charme. Mais ce qui lui manque, c'est que les Hommes adéquats soient aux places appropriées. Une pathologie qui semble se propager à une telle vitesse que l'on doit se demander s'il n'est pas plus adapté de parlez de pandémie. Après sa colonisation, El Jadida a hérité comme d'autres villes du royaume de magnifiques monuments historiques : théâtre municipal, la Banque du Maroc, l'ex-Bureau Arabe, la Poste Principale, la Cité Portugaise, le Château Rouge, l'Immeuble El Cohen... Des édifices, véritables joyaux architecturaux, qui ont fasciné et charmé plus d'un. Mais, au fil du temps, cette beauté majestueuse s'est mise à se faner, à se rider, à se défigurer jusqu'à s'enlaidir et enlaidir par ricochet, toute la cité. Et si sous d'autres cieux, de tels monuments sont bichonnés, car générateurs de visiteurs et donc de recettes, chez nous, c'est le délabrement, la détérioration et l'effritement qui semblent être leur destinée. A titre d'exemple : le phare construit vers 1904 à Sidi Bouafi, véritable tour Eiffel d'El Jadida, a perdu tout son attrait d'antan. Sa cour est squattée par des dizaines de maisons de fortune et offre une vue panoramique hideuse et lugubre. L'hôtel Marhaba a une forme architecturale qui épouse celle du Titanic, comme si ses bâtisseurs, au début du siècle dernier, cherchaient à travers cet hôtel, à pérenniser la légende faite autour de ce paquebot et à rendre un eternel hommage à tous ses naufragés . Plusieurs grands tournages d'ailleurs y ont eu lieu. Le dernier en date n'est autre que le film « Harem », avec Nastasia Kinski et Ben Kingsly dans les rôles principaux. Aujourd'hui, l'hôtel est devenu un dépotoir, squatté par toutes sortes de marginaux. Et si la carcasse du Titanic repose à plusieurs centaines de mètres aux fonds de l'atlantique, l'autre « carcasse », de hôtel cette fois-ci, trône comme une fatalité, en plein centre d'une ville dite Jawhara de l'atlantique. La majestueuse citerne portugaise, qui ne manqua pas de séduire Orson Welles si bien qu'il y tourna certaines séquences de son film Othello, est également menacée d'écroulement, à cause des eaux de pluie qui s'y infiltrent depuis des décennies. Ses plafonds verdâtres sont la prémonition d'une catastrophe prochaine, si personne ne daigne bouger le petit doigt et si aucune mesure préventive n'est prise d'urgence. Quant aux aquariums à ciel ouvert du parc Mohammed V et ceux du parc Spinny... Si nous en sommes là aujourd'hui, c'est par la faute des hommes. Ceux censés être les décideurs, les responsables, les têtes pensantes, les illuminés...Mais il n'y a pas qu'eux. Comment expliquer le silence choquant de la société civile, pour ne pas dire de la société tout court ? Qu'attendent les composantes de la ville pour parer au plus urgent ? Que ces témoins de l'Histoire d'El Jadida, dont certains sont reconnus par l'UNESCO comme patrimoine mondial de l'humanité, soient déclassés ou écroulés ? En dépit de ses festivals, de son Salon du Cheval, de ses Complexes touristiques, qui y ont vu le jour très récemment, El Jadida a perdu beaucoup d'atouts en relation avec son passé, son histoire et son âme. Dans l'espoir de voir chaque homme assumer sa responsabilité et El Jadida redevenir le Deauville marocain d'antan... A bon entendeur !