c'est hier qu'a débuté à Casablanca la desserte des quartiers à l'aide des lignes tramway mises à la disposition des casablancais qui ont attendu très longtemps cet événement de taille. Le tramway va à coup sûr bouleverser leurs habitudes et marquer de ses empreintes le rythme de vie infernal de la capitale économique. Y a-t-il vraiment besoin d'énumérer les retombées salvatrices de cette inédite offre jamais réalisée par le passé ? Ce dont nous avons besoin de parler par contre, c'est la manière dont le tramway va évoluer. Oui, l'Etat et le conseil de la ville ont fait preuve d'une formidable détermination afin d'en être aujourd'hui à ce niveau de la qualité de l'offre. Des milliards de dirhams engloutis dans ce chantier titanesque et des millions d'heures de travail créées, accompagnées d'un gigantesque manque à gagner en raison de l'installation du chantier et tout ce qui en a découlé comme perte de temps, d'opportunités d'affaires (casa est le cœur battant de l'économie nationale) et la liste est longue pour la survoler en détail. On dit qu'il ne suffit pas de promulguer une loi, mais d'attendre son évolution sur le terrain. Le même adage s'applique à notre cas, dans la mesure où c'est le comportement de ce nouveau moyen modal qui est le plus important parce que c'est ce qui compte le plus dans la vie des citoyens. Mais réaliser un projet structurant de grande taille sans le doter des moyens de sa bonne conduite, c'est comme acheter un gadget pour son enfant avec la certitude qu'il va le bousiller dans les vingt quatre heures qui suivent. Nous évoquons les gadgets par peur que le tramway de Casablanca ne se transforme en gadget pour se retrouver, dans quelques mois ou quelques années, au point mort. Aucune réalisation ne peut résister aux aléas du temps et aux risques d'usage au quotidien si elle n'est pas accompagnée d'une véritable organisation pour pouvoir l'entretenir et la protéger. Nous ne pouvons pas fermer les yeux, comme si de rien n'était, alors que nous savons tous l'énorme risque à courir à cause de la délinquance qui sévit dans la ville. Cet invité d'honneur dans la ville pourrait très vite se trouver dans des situations non enviables dans certains endroits connus pour le comportement vandale d'une partie de la jeunesse. On nous rassure que le conseil de la ville a engagé quatre cent agents de police relevant de la sûreté nationale et quatre cent gardiens relevant de la sécurité privée. Oui, cet engagement est nécessaire, mais il demeure en de ça des intérêts en jeu. C'est une organisation à la vision très courte du fait qu'elle n'est pas le produit d'une stratégie globale qui aurait dû être lancée en même temps que la pose de la première pierre de ce projet titanesque. Une stratégie qui aurait intégré en son sein la dimension sociale du projet, renforcée par une étude sociologique dans le but d'inventer les moyens de réplique et les astuces technologiques et autres pour faire face à tous les risques effectifs et potentiels. Nous citons deux volets qui auraient pu galvaniser une telle étude, à savoir la sensibilisation des citoyens qui, à elle seule, nécessite énormément d'intelligence et de moyens et devait s'étaler sur plusieurs années. Cette sensibilisation n'a pas été faite et les spots et affiches publicitaires rédigées en français est la preuve que l'improvisation et le manque de savoir faire ont pris le pas sur le côté purement technique. Le projet avait besoin de sociologues, de psychologues, de pédagogues et d'artistes pour ne citer que ceux là. Le deuxième volet manqué à ce grand chantier est celui imprégné aux nouvelles technologies de l'information et de la communication qui offrent une gamme de produits destinés à renforcer la vigilance et le contrôle des humains. La vidéo surveillance est tout à fait indiquée pour une agglomération de plus de cinq millions d'habitants. On aurait pu s'en servir à deux niveaux : des vidéos incorporées dans l'espace interne des trames pour contrôler les passagers et assurer à distance leur sécurité et des vidéos le long des tracés pour contrôler l'environnement immédiat du tramway. Pour n'avoir pas accompli ce travail dans les règles de l'art, il ne faudrait pas s'étonner des éventuels dérapages