L'installation du mobilier urbain et l'embellissement qui accompagnent l'aménagement du site du tramway, commencent à prendre consistance à quatre mois de la date de la mise en service officielle de la première ligne du tramway de Casablanca prévue le 1er décembre prochain. On le constate avec la plantation de palmiers et autres arbres, poteaux d'éclairage public et, tout dernièrement, des bancs métalliques couleur marron tout au long du tronçon piétonnier du boulevard Mohammed V. Ces bancs ont été installés de telle façon qu'ils tournent le dos à la voie du tramway ce qui a surpris et étonné plus d'un par cette position alors qu'il aurait mieux valu poser des bancs à double siège où l'on puisse se placer selon son choix pour regarder vers la voie du tramway ou vers les vitrines des commerces sous les arcades du boulevard. Dans cette phase de réalisation du projet du tramway, les plus importants sites où l'effet du changement dû à l'aménagement de l'espace sera le mieux perçu, sont, à ne pas douter, les grandes stations appelées pôles d'échanges ou stations multimodales où se rencontrent tramway, bus et taxi. Il y en a cinq: Hay Mohammadi, Place Sidi Mohammed à la gare Casa-Voyageurs, Place des Nations Unies, Rond-Point Bachkou et enfin la station des Facultés sur la Route d'El Jadida. L'espoir formulé est que l'aménagement esthétique de ces espaces influe, par effets en chaîne, sur les quartiers environnants normalement appelés à s'aligner et à se mettre à niveau. Mais que d'espoirs sont restés des vœux pieux diront les sceptiques. Parmi les grandes stations, il y a celle de la place des Nations Unies située dans le tronçon piétonnier partant du marché central, boulevard Mohammed V, à l'avenue Hassan II et se terminant au croisement de ce dernier avec le boulevard de Paris. Il s'agit en plus du tronçon piétonnier d'un seul tenant, le plus long du genre à Casablanca, s'allongeant sur quelques 800 mètres. Quand on sait que le piéton est l'usager de la chaussée le plus injustement traité à Casablanca avec l'accaparement anarchique des trottoirs par les étalages des commerçants, des cafés et même les voitures, faute d'espace de stationnement, on saisit alors, à sa juste mesure, l'importance de l'aménagement d'un espace piétonnier d'une si généreuse superficie. Encore faut-il préserver à l'avenir cet espace qui risque d'être détourné de sa fonction initiale par les vendeurs ambulants, voitures ou autres. Un autre aspect de l'aménagement de ce grand espace piétonnier est la valorisation du patrimoine architecturale de cette partie de la ville très riche en architecture Art Déco. D'où la décision d'accompagner les travaux du tramway d'un programme de ravalement des façades dont les frais sont pris en charge par les soins de la ville et dont le budget vient d'être récemment alloué. Malheureusement, cette action de ravalement de façade s'inscrit uniquement de manière circonstancielle, soit juste à l'occasion de la prochaine inauguration du tramway comme une festivité passagère. Ce qu'il faudrait c'est de voir la sauvegarde du patrimoine dans la durée avec une stratégie claire. Ce qui n'est pas le cas jusqu'à présent et le risque que l'exemple du Lincoln se répète pour d'autres bâtisses n'est pas totalement exclu. Avec l'aménagement de l'espace piéton du boulevard Mohammed V et de la place des Nations Unies, ce qu'on retient surtout ce sont les transformations du passage souterrain piétonnier dont les escaliers à proximité du siège de la BMCI ont été définitivement obstrués. La raison en est que, étant donnée l'annulation de la circulation automobile de ce côté, cette partie du souterrain devient inutile. Par contre, l'autre partie qui passe sous la chaussée prévue entre la place piétonne et l'hôtel Hyatt et sous le boulevard des FAR, reste utile pour un passage piéton sécurisé vers la médina et Bab Lkbir, la médina dont les travaux de mise à niveau devraient s'achever fin 2013. Autrement dit, la circulation piétonne entre le boulevard Mohammed V et la médina sera rétablie de manière efficace comme elle ne l'a peut-être jamais été auparavant. On sait que cela fait des années que le passage piéton créé pour relier la ville moderne à l'ancienne médina n'a plus servi puisqu'il était resté fermé si longtemps qu'il est devenu un point noir à fortes nuisances pour les riverains et les passants avec les émanations de fortes odeurs de latrines et dépotoir. On connait l'histoire du projet de réaménagement du souterrain avec le concours de la BMCI et qui fut un fiasco avec des moyens matériels engagés pour un résultat nul. Aujourd'hui donc, le droit des piétons semble être remis au goût du jour, du moins dans ces stations clairières et l'on sent comme si un véritable tort est redressé. Le monument Lkora Lardiä (globe terrestre) du nom du grand dôme métallique aux dessins cubistes de la place des Nations Unies, emblème du passage souterrain dont la conception revient à l'architecte français Jean-François Zevaco en 1975, sera préservé. Ce monument est devenu tellement reconnaissable par les Casablancais qu'il constitue l'un des plus importants repères pour l'orientation. Il est devenu l'un des symboles du centre de la ville alors que le centre était, dans le passé, le boulevard Mohammed V avant que ce dernier ne tombe en décrépitude avec les ruines de l'hôtel Lincoln qui témoignent du laisser aller et du retard considérable des décideurs dans la prise de conscience et la volonté de la sauvegarde du patrimoine comme une priorité urbaine. Le boulevard Mohammed V est devenu une périphérie qui ne dit pas son nom des quartiers huppés dont le Maarif, Gauthier, Racine avec des symboles nouveaux comme le Twin Center donnant sur les grands boulevards Massira et Zerktouni. L'aménagement du site du tramway aurait pour œuvre justement, entre autres, de redonner de la valeur au vieux centre avec, parmi d'autres nombreux sites, la place des Nations Unies, ancienne place de France aménagée en 1915, ayant porté le nom de place Mohammed V après l'Indépendance. Cet aménagement aurait aussi pour objectif d'atténuer l'exclusion des grands quartiers périphériques puisque la ligne de 30 kms permet de joindre le grand quartier Sidi Moumen à Ain Diab en une heure de trajet.