Tout comme les pays voisins, le Maroc est confronté à un problème structurel de chômage des jeunes diplômés urbains. Malgré une tendance baissière du taux de chômage déclaré au niveau national de 11.6 % en 2002 à 8.9 % en 2011, celui-ci reste particulièrement élevé parmi les jeunes de 15 à 24 ans avec un taux de 17.6 % au niveau national et de 31.3 % au niveau urbain en 2011. Les primo-demandeurs d'emploi sont particulièrement touchés : ils représentent la moitié des chômeurs en 2010. Cependant, ces statistiques doivent être interprétées avec précaution car les jeunes diplômés du supérieur ne représentent que 11 % de la population âgée de 15 à 24 ans. Les indicateurs de chômage n'intègrent pas les « chômeurs découragés ». Ils ne considèrent pas non plus le secteur informel, dont la contribution à l'emploi est estimée par le Haut commissariat au plan (HCP) à 37.3 % de l'emploi non agricole en 2007. Ces chiffres expliquent pourquoi dans les enquêtes de ménages, menées par le HCP, l'accès à l'emploi est la première priorité pour un chef de ménage sur cinq. La stratégie de création d'emplois axée sur la croissance économique s'est avérée insuffisante, malgré la création annuelle de 156 000 postes d'emploi lors de la dernière décennie (sur une population de 31.8 millions en 2011, dont la population économiquement active est de 11.5 millions). La catégorie des jeunes de 15 à 29 ans a perdu près de 9 000 emplois par an sur la même période. Les services et le BTP n'ont qu'un faible effet multiplicateur sur l'emploi, ce qui explique l'incapacité d'absorber les nouveaux entrants sur le marché du travail. Ces difficultés vont persister car la population en âge d'activité (15 à 49 ans) est appelée à croître de 190 000 personnes par an d'ici 2030, selon les projections du HCP, atteignant son niveau maximum vers 2018. Dans ce contexte, les autorités mettent en oeuvre une stratégie portant sur deux piliers : d'une part promouvoir une croissance économique plus forte, au-delà des 6 % annuel, afin de générer suffisamment d'opportunités d'emplois et, d'autre part, la mise en oeuvre d'une série de politiques volontaristes de facilitation de l'emploi salarié et de l'auto-emploi. La planification stratégique sectorielle, développée depuis le début des années 2000, vise à dynamiser l'économie marocaine afin de développer des secteurs économiques à plus haute valeur ajoutée et fortifier la composante de demande extérieure dans le modèle de croissance. Chaque initiative sectorielle prend spécifiquement en compte l'objectif de création d'emplois. Par ailleurs, les politiques de promotion de l'emploi visent la facilitation de l'insertion professionnelle, l'adéquation formation-emploi et la promotion de l'entreprenariat. Dans ce cadre, le programme Idmaj propose des contrats d'insertion, donnant lieu à des exonérations fiscales et sociales modulées en fonction du niveau du salaire mensuel. Le programme Taehil propose des formations qualifiantes pré-emploi, payées en partie par l'Etat. Le programme Moukawalati encourage l'entreprenariat à travers la mise à disposition d'un fond de garantie et un accompagnement des jeunes entrepreneurs lors de l'élaboration de leur business plan. Depuis leur lancement en 2007, les programmes Idmaj et Taehil ont permis l'insertion de 228 000 et 50 335 chercheurs d'emploi respectivement. De son côté, le programme Moukawalati a permis la création de 3 315 entreprises et environ 10 000 postes d'emploi. Ces résultats restent en dessous des objectifs escomptés, notamment, pour le programme Moukawalati dont la mise en oeuvre a été compromise par la carence de culture entrepreneuriale, le manque d'encadrement des jeunes porteurs de projets, conduisant à un rejet massif des dossiers et la faible implication des banques dans l'octroi de financement malgré la garantie assurée par l'Etat. En février 2011, dans le cadre du projet « Vision 2020 » de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) visant la création de 2.5 ‡ 3.5 millions d'emplois à líhorizon 2020, les autorités ont lancé une concertation avec les partenaires sociaux en vue de signer une charte de l'emploi pour dynamiser les trois programmes, Idmaj, Taehil et Moukawalati. Cette charte inclurait deux mesures additionnelles : le Contrat d'insertion amélioré, qui prévoit une couverture sociale pour les bénéficiaires du programme Idmaj, tout en ciblant les tranches de la population qui ont de grandes difficultés d'insertion professionnelle, et le Contrat d'intégration professionnelle, qui prévoit une prime à l'embauche à condition de passer en contrat à durée indéterminée à la fin du programme. D'autres propositions formulées par la CGEM, comme la mise en place d'un contrat de première expérience (BaccalaurÈat + 2) et d'intégration professionnelle (Bac + 3 et plus), visent à améliorer l'adéquation entre l'offre et demande sur le marché du travail, l'accélération de la réforme du contrat de formation et le renforcement des liens entre les universités et les entreprises. Au-delà des mesures mises en avant, le développement d'un mécanisme de coordination entre les différents ministères semble nécessaire pour garantir une meilleure efficacité de ces programmes. Par ailleurs, à l'exception d'une minorité issue de l'enseignement privé et professionnel, les jeunes lauréats marocains n'ont ni les compétences, ni les aptitudes requises par le secteur privé. Ainsi, en complémentarité avec la stratégie de promotion de l'emploi, le gouvernement a engagé une profonde réforme du système de l'enseignement supérieur, encadré par le Programme d'urgence (2009-12), visant à développer des filières qui répondent mieux aux besoins du secteur privé. Cette réforme propose l'application du système de Bologne (Licence, Master, Doctorat) au Maroc et la diversification de l'offre de formation. Elle prévoit également d'augmenter l'autonomie des universités publiques, à travers des contrats affichant des objectifs quantitatifs d'insertion, pour qu'elles puissent concevoir leurs propres programmes de formation en adéquation avec la réalité régionale. Le développement des compétences est mis en avant à travers l'introduction de filières scientifiques, techniques, linguistiques, technologiques et entrepreneuriales. Un programme pilote a été initié pour aider la mise en relation entre l'étudiant et l'entreprise et faciliter l'obtention de stage. Une base de données doit être créée, pour le suivi des lauréats et leur insertion dans la vie professionnelle. Pour résumer, le chômage des jeunes au Maroc s'explique par trois facteurs : un manque d'esprit entrepreneurial, le déficit de création d'emploi et l'inadéquation formation/emploi. Cette problématique peut être traitée, comme le fait le gouvernement, à travers des mesures de reconversion et d'insertion relativement peu coûteuses. Cependant, d'autres mesures structurelles, touchant notamment au droit du travail, devront être mises en place pour favoriser la création d'emplois. Modifier la préférence pour l'emploi dans le secteur public s'avérera difficile, tant que le secteur privé ne sera pas en mesure d'offrir la même stabilité d'emploi et les mêmes avantages sociaux. Les mesures envisagées pour améliorer le code du travail et le projet pilote d'allocation pour perte de travail pourraient promouvoir cette tendance. Le développement de l'esprit d'entreprise pourrait également être encouragé par l'amélioration du cadre des affaires et du cadre juridique, l'instauration d'une sécurité sociale et la réduction des entraves administratives notamment. Le maintien des plans sectoriels devraient pousser le modèle économique marocain vers une économie plus ouverte, dynamique et plus productive, à même de créer des emplois pour les jeunes, à condition que le système éducatif soit en mesure de former les ressources humaines attendues par une économie compétitive.