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• Un constat accablant de la Banque Mondiale • Sans emploi ou exclue du monde du travail La majorité des jeunes marocains consacre 80% de son temps au… sommeil et à des activités de loisir
Le chômage peut créer un sentiment d‘oisiveté et encourager les comportements à risque Le Maroc est confronté, à l'heure actuelle, à un défi majeur : celui de faciliter l'inclusion active et significative de sa jeunesse dans la vie économique et civique, permettant ainsi sa transition vers l'âge adulte. A ce constat, nous sommes tenté d'ajouter une précision concernant cette transition vers un âge adulte, auquel immanquablement cette jeunesse arrive, mais qui doit se réaliser en débarrassant celle-ci de ses appréhensions et désespérances accumulées durant de nombreuses années. Celles-ci sont, pour la plupart des jeunes marocaines et marocains, de véritables années blanches faites de chômage et d'oisiveté. De telles situations que vit pleinement et affreusement une large partie de la jeunesse marocaine, ont été explorées par la Banque mondiale dans son dernier rapport intitulé « Royaume du Maroc : Promouvoir les opportunités et la participation des jeunes ». Cette étude a le mérite d'aller au-delà de la question du chômage au Maroc, certes essentielle et grave, pour sonder des questions encore plus graves, touchant la vie même des chômeurs et des sans emploi, relatives à leur exclusion du marché du travail et des espaces sociaux et civiques. L‘étude de la Banque mondiale, sans nous éloigner des chiffres relatifs au chômage, dont nous connaissons la plupart, nous introduit dans les espaces effrayants dont il tracent arithmétiquement les contours : ceux des modes de vie et des comportements des chômeurs qui se réduisent à des espaces étriqués d'oisiveté, de désespoirs et de risques aux limites extrêmes de ces désespoirs. L'étude de la Banque mondiale tire la sonnette d'alarme sur une situation que toutes les forces vives et les acteurs de la société marocaine doivent s'employer à changer pour contourner les risques de dérapage ou d'explosion sociale. Selon la Banque mondiale, les jeunes âgés de 15 à 29 ans, soit environ un tiers de la population du Maroc, font face à des défis majeurs en termes d'intégration dans la vie économique et civique de leur pays. Un nombre considérable d‘entre eux est au chômage et un nombre encore plus important demeure inactif au sein de la main d‘oeuvre, découragés par les maigres perspectives de trouver un emploi. Parmi les jeunes employés, une bonne majorité travaille dans le secteur informel avec peu ou pas de sécurité d'emploi ni d‘avantages sociaux. Dans le même temps, l'engagement des jeunes dans des activités civiques est très faible, ces derniers ne participant pas, dans une large mesure, à des associations de la société civile et aux affaires communautaires. Par conséquent, la société marocaine doit aujourd'hui faire face à un défi fondamental qui est de faciliter l'inclusion active et significative de sa jeunesse dans la vie économique et civique, permettant ainsi leur transition vers l'âge adulte. Les niveaux d'exclusion socio-économique des jeunes sont élevés dans une économie qui par ailleurs se porte bien. Durant la dernière décennie, le Maroc a connu une croissance économique soutenue, avec un taux de croissance annuel moyen d'environ 5%, presque le double du taux de croissance moyen dans les années 1990. Cette croissance a été accompagnée par de nombreuses tendances encourageantes : inflation stable, une plus grande intégration dans l'économie mondiale, une augmentation des niveaux des investissements, une réduction de la dépendance de l'agriculture, et une baisse du chômage et des niveaux officiels de la pauvreté par rapport à la décennie précédente. Le Maroc a également réalisé des gains substantiels dans le secteur de l'éducation ces dernières années, avec un accès plus important à l'éducation de base et des améliorations dans le nombre de personnes atteignant des niveaux d‘études supérieures. Malgré ces améliorations, une grande partie de la population des jeunes ne participe pas au développement économique du pays. La jeunesse pourrait être un moteur de la croissance et développement économiques au Maroc, mais elle ne l‘est pas. Au contraire, leur exclusion constante de la vie économique et civique pourrait entraver la croissance économique et contribuer aux tensions sociales, comme c‘est le cas récemment dans de nombreux pays voisins. Le chapitre consacré à l'exclusion des jeunes de la vie économique et civique au Maroc, exploite les micro données à partir d'une enquête récente auprès des ménages et des jeunes au Maroc (EMJM) menée en 2009-2010. Les débats sur l'exclusion économique des jeunes au Maroc ont mis l'accent sur le chômage des jeunes diplômés. Bien que les données de l‘EMJM 2009-2010 suggèrent que ce chômage est important, l'analyse de la banque mondiale se concentre sur les dimensions multiples de l'exclusion de la vie économique auxquelles sont confrontés les jeunes des deux sexes. Elle apporte une contribution essentielle en se concentrant sur le nombre élevé de jeunes hommes et des jeunes femmes qui ne sont pas actifs dans la main d‘oeuvre, en particulier ceux qui ne font pas partie de la population active par découragement. Les études réalisées dans le monde montrent que la participation des jeunes à la vie sociale et politique, en d‘autres termes, l‘exercice de leur « citoyenneté » forge leur identité et renforce leur bien-être et statut social. La citoyenneté active influence les résultats du développement en renforçant le capital humain et social des individus, en encourageant la responsabilisation des gouvernements en termes de prestation de services et en stimulant la prise de décision privée et le climat général des investissements. Par conséquent, la citoyenneté active dès le jeune âge aura probablement une incidence durable, tout au long d‘une vie même, sur le niveau et la qualité de l‘engagement politique et social de tout individu. Des données rigoureuses sur les pratiques et les opinions des jeunes par rapport à leur participation active dans la vie civique ne font pas légion au Maroc. Les données de l‘enquête EMJM 2009–2010, permettent cependant d‘examiner ces questions. En utilisant ces données, la banque mondiale s‘interroge dans un premier temps sur la manière dont les jeunes passent leur temps. (Le module d‘utilisation du temps de l‘enquête réunit les réponses des jeunes à la question de savoir s‘ils étaient engagés dans une liste d‘activités et le temps qu‘ils y consacraient.) Elle examine ensuite la participation des jeunes à des activités sociales et des programmes spécialement conçus pour eux. Le chapitre suivant qui utilise les résultats de l‘étude qualitative, vient compléter cette discussion. A quoi les jeunes marocains passent-ils leur temps? Il est frappant de constater qu‘en moyenne, les jeunes marocains indiquent consacrer 80% de leur temps à des activités personnelles non productives (dormir, se baigner, manger) et à des activités de loisir, et que le sommeil absorbe près de la moitié de ce temps. Alors que les jeunes femmes signalent qu‘elles consacrent en moyenne environ 15% de leur temps à des tâches ménagères, les jeunes hommes déclarent ne pratiquement pas consacrer de temps à de telles activités. Le reste de leur temps est consacré au travail ou à des activités scolaires, et un minimum de temps pour leurs déplacements. Compte tenu du nombre important de jeunes dans le pays, cette constatation est frappante. La majorité des jeunes au Maroc est sans emploi ou hors du monde du travail et consacre la majorité de son temps à des activités non structurées. L‘étude qualitative récemment menée au Maroc dont les résultats ont examinés pa la Banque, traite du risque que comporte l‘inactivité de ces jeunes pouvant les pousser à s‘adonner à des comportements improductifs et risqués. Une étude récemment orchestrée par la Banque mondiale planche aussi sur la manière dont le chômage, couplé à un manque d‘activité ou de moyens de distraction peut « créer un sens d‘oisiveté chez les jeunes lequel peut, à son tour, les encourager à s‘adonner à des comportements à risque. » Les jeunes hommes et les jeunes femmes qui ne travaillent pas et qui ne sont pas scolarisés consacrent davantage de temps à des loisirs que les jeunes qui ont un emploi ou qui sont scolarisés. Ils consacrent aussi beaucoup de temps à des activités personnelles, principalement à dormir. Le sommeil et les loisirs prennent pratiquement tout le temps — presque 100% — des hommes sans emploi ou inactifs. Les jeunes femmes qui ne sont pas scolarisées et sans emploi consacrent un cinquième de leur temps aux tâches ménagères et le reste à des activités personnelles ou des loisirs. En revanche, les femmes qui travaillent ou qui sont scolarisées consacrent moins de 10% de leur temps à des tâches ménagères. Dans la mesure où les jeunes consacrent autant de temps à des activités de loisirs, la question qui s'impose est la suivante : de quelles activités s'agit-il ? (…) les jeunes consacrent le gros de leur temps de loisirs en compagnie de leur famille et de leurs amis, à écouter la radio, regarder la télévision et écouter de la musique. Ces activités absorbent en moyenne 90% de leur temps de loisirs. En général, les jeunes femmes passent plus de temps avec leur famille et moins de temps avec leurs amis que les hommes. Les jeunes femmes passent aussi plus de temps à regarder la télévision que les jeunes hommes. Les jeunes femmes qui sont des travailleuses découragées ou en dehors du monde du travail pour d‘autres motifs, consacrent environ 30% de leur temps de loisirs à regarder la télévision. Les jeunes hommes consacrent une partie considérable de leur temps de loisirs —plus de 20% — avec des amis. Ceux qui sont sans emploi ou en dehors du monde du travail passent plus de temps avec leurs amis que les hommes ayant un emploi ou scolarisés. Ce chiffre avoisine les 25% chez les jeunes travailleurs découragés. Les jeunes hommes ont aussi tendance à consacrer une grande partie de leur temps libre à regarder la télévision ou à écouter la radio ou de la musique. Le bénévolat est pratiquement inexistant dans les activités de loisirs des jeunes. De plus, les jeunes consacrent très peu de temps à des activités comme la lecture. Ils signalent clairement qu‘ils ne passent que très peu de temps dans des clubs, associations ou organisations de la société civile. Les discussions des groupes de réflexion avec les jeunes et les réponses des jeunes à certaines questions de l‘enquête quantitative indiquent que ce type de clubs est rare. Les jeunes Marocains semblent très intéressés par les services Internet. En effet, les jeunes hommes et jeunes femmes scolarisés ont exprimé un fort intérêt et ont indiqué y consacrer environ 6% de leur temps de loisirs. Par ailleurs, il semble que les jeunes en situation de chômage passent plus de temps sur Internet que ceux qui sont inactifs en âge de travailler. En général, environ 30 % des jeunes interrogés ont indiqué avoir utilisé les services Internet dans le mois précédent, et il n‘est pas surprenant de voir que l'utilisation est supérieure en milieu urbain qu'en milieu rural. Les conclusions de ces données montrent que les jeunes utilisent Internet principalement à des fins sociales et récréatives, comme la communication par e-mail et la navigation sur les sites sociaux. La disponibilité d‘Internet reste faible au Maroc : seulement 12,2% des ménages ont une connexion Internet chez eux. De plus, ces connexions sont inégalement réparties sur les ménages de différents niveaux de revenus : alors que 63,5% des ménages les plus riches ont une connexion Internet, seuls 2,5% des plus pauvres en disposent. Les ménages urbains sont également plus susceptibles d‘avoir une connexion Internet que les ménages ruraux. Les activités de loisirs des jeunes Marocains se résument à des occupations peu productives ou constructives par manque d‘opportunités. Ils passent beaucoup de temps à «traîner», faute de mieux à faire. En même temps, ils accordent un temps limité au travail, études et engagement civique. Participation des jeunes à des activités récréatives et sociales Les données de la participation des jeunes à des activités sociales et récréatives dans leur quartier ou à l'école dressent un tableau tout aussi modeste de leur participation à la vie civique. Environ un tiers des jeunes hommes déclarent avoir participé à des activités liées aux sports (pour au moins deux mois), contre seulement un cinquième des jeunes femmes. Les activités sportives augmentent avec le niveau de vie des familles et sont plus élevées dans les zones urbaines que les zones rurales. Mis à part le sport, la participation des jeunes à des activités récréatives ou sociales est insignifiante. Alors que les niveaux de participation sont faibles, les possibilités de participation semblent, elles aussi, limitées. Quelque 40% des jeunes hommes et 25% des jeunes femmes font état de la disponibilité d‘infrastructures sportives dans leurs quartiers ou établissements scolaires. Parmi ceux qui indiquent que des infrastructures sportives sont disponibles, 80% prennent effectivement part à des activités sportives, ce qui implique un niveau d‘intérêt élevé. Ceci étant, les jeunes signalent des niveaux de disponibilité nettement moins élevés pour d‘autres activités. Il est tout à fait possible que les faibles chiffres communiqués soient liés au manque de connaissance des organisations qui proposent ces activités. En réponse à la rareté des débouchés en termes d'activités sociales et de possibilités d'éducation locales non scolaires, le ministère de la jeunesse marocain avait créé les Maisons de Jeunes. Toutefois, il semble que ces centres restent largement sous-utilisés. Comme l‘indiquent les réponses de l'enquête, seulement 3 % des jeunes interrogés ont déclaré les fréquenter. Leur utilisation semble légèrement plus élevée chez les étudiants (7,5 %), les jeunes urbains (4,6 %) et les hommes (4,4 %). Bien que les taux d‘utilisation soient peu élevés, près de 70% des jeunes interrogés signalent être informés de l‘existence de ces Maisons de Jeunes, les jeunes hommes les plus instruits étant les mieux informés. Ceci ne se traduit toutefois pas en plus forte utilisation. Le chapitre 3 s‘interroge sur les raisons qui sous-tendent cette situation, qui incluent notamment les problèmes d‘accessibilité et de pertinence des programmes proposés. L'étude de la Banque mondiale qui s‘appuie sur les résultats qualitatifs souligne également la faible participation des jeunes aux activités civiques. Toutefois, les résultats qualitatifs ont clairement fait ressortir les aspirations des jeunes Marocains à être impliqués dans la vie civique et dans les institutions de la société civile. Ils souhaitent que ces associations leur offrent des opportunités de loisirs et de créativité. Mais c‘est surtout la question de l‘emploi qui les préoccupe, le travail étant l‘objectif majeur et, par conséquent, les jeunes attendent également des associations civiques qu‘elles leur fournissent une formation professionnelle pertinente et des services d'intermédiation. Beaucoup de jeunes se disent déçus face à l'inadéquation du système scolaire actuel à les aider à trouver un emploi. Bien que peu désireux d‘acquérir une éducation plus formelle, les jeunes estiment que les associations civiques devraient leur fournir une formation professionnelle pertinente et des services d'intermédiation.