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Entretien avec Mme Maria Charaf, Présidente de l'association Deve Network, œuvrant pour l'égalité professionnelle mesurable L'égalité professionnelle et salariale, une justice économique et sociale à instaurer à travers un guide
Depuis l'intégration, il y a quelques années, de l'approche genre dans tous les programmes de développement et les stratégies gouvernementales, on se rend compte que l'égalité salariale et professionnelle n'est pas encore palpable, surtout au niveau des entreprises. D'autant plus que les mécanismes pour la « matérialiser » n'existent pas. Pour avoir des statistiques sur le sujet, collecter les données, faire un audit en bonne et due forme et une évaluation ciblée, on avait besoin d'outils adéquats pour un engagement durable. C'est pour cela que le Ministère de l'Emploi et de la Formation professionnelle, en partenariat avec un partenaire international, la GIZ, et la société civile à travers l‘association Deve Network, ont pensé à élaborer un guide, en faveur des patronats, des directeurs des ressources humaines, des syndicats et même des victimes de discriminations au sein du travail. Encore des écarts en matière d'égalité salariale : Les femmes touchent 25% de moins que hommes Harmoniser les pratiques réelles des entreprises avec la législation et le contexte national Le guide élaboré est un outil essentiel pour mesurer l'impact des discriminations envers les femmes au niveau des entreprises, qu'elles soient salariales ou professionnelles, insiste Mme Maria Charaf, présidente de Deve Network, Directrice qualité et développement durable à la SAMIR, experte dans la responsabilité sociale des organisations et experte de l'égalité genre. L'association œuvre pour l'égalité professionnelle mesurable à travers l'accès équitable des femmes au marché du travail. Un équilibre mesurable aussi bien dans la participation des femmes à l'activité économique qu'au niveau de la participation des femmes dans la gouvernance. D'ailleurs, l'objectif de l'association et qui est la parité, est actuellement conforté, après avoir été instaurée dans la nouvelle réforme constitutionnelle du 1er juillet 2011. Le concept est de mesurer le nombre de femmes dans un conseil d'administration, le nombre des femmes dans les postes de direction, bref, dans les postes de décision en général. Il ne suffit pas de donner la même chance aux femmes et aux hommes, faut-il s'assurer au bout, qu'on a les mêmes résultats : autant de femmes que d'hommes dans les entretiens de recrutement et après le processus de sélection, autant de femmes que d'hommes dans les filières à haute valeur ajoutée, sachant qu'il y a des filières qui permettent d'accéder aux hauts postes de responsabilité et de direction générale et d'autres non. Atteindre l'égalité professionnelle et salariale dans le milieu du travail avait besoin d'un mécanisme qui accompagne le contexte réglementaire au Maroc, favorable à l'égalité, dans le champ de mire des objectifs nationaux, à travers les différentes stratégies nationales, l'agenda gouvernemental 2011-2015, la réforme du Code du Travail qui confirme l'égalité en milieu professionnel… D'autant plus que, le constat sur le terrain est autre, il y a encore des écarts. « Les femmes touchent un salaire de moins de 25% par rapport aux hommes et c'est une situation qui n'est pas tolérable. Elles sont quasi-inexistantes dans les postes stratégiques de direction générale, encore moins dans les comités d'entreprise et dans les comités d'organisation ». Aujourd'hui, il faut harmoniser les pratiques réelles des entreprises avec les législations internationales et nationales mais aussi avec le contexte national. Pour ce qui est de l'inspection du travail, de par sa mission, c'est de contrôler le respect des législations par les employeurs et de protéger les droits des travailleurs et des travailleuses. Il est vrai que les inspecteurs font des visites aux entreprises, mais souvent, l'approche genre est oubliée. « Ils vont vérifier si les gens sont payés, s'ils ont leurs cartes de travail mais ne vont pas jusqu'à vérifier si l'égalité est respectée ». Ce guide va leur permettre d'introduire l'approche genre et de vérifier l'égalité effective dans les entreprises au moment des inspections. L'introduction de ce contrôle va se faire de façon progressive, dans un premier temps. Après une phase de sensibilisation sur la question de l'égalité, au profit du patron et du DRH, une formation sur le concept législatif, sur les conventions auxquelles le Maroc a souscrit et les objectifs inscrits dans les stratégies et l'agenda gouvernemental. Puis l'étape du questionnaire à remplir et à rendre au bout de deux à quatre semaines, suivie de l'identification des écarts à travers le contrôle de l'égalité, la vérification, par l'inspecteur, de chaque situation égalitaire entre les hommes et les femmes. C'est du cas par cas, en termes d'effectif (quel est le pourcentage des femmes), en termes d'effectifs par rapport aux postes internes et externes, par rapport aux filières (s'il y a plus de femmes dans les supports que dans les postes techniques), le pourcentage des femmes dans les postes de direction... Après évaluation, les écarts sont à combler, via des objectifs stratégiques, des actions à identifier, des plans d'action à développer et des engagements à tenir, passibles de tout un arsenal de procédures administratives et juridiques. Mais, le plus avantageux, c'est d'inscrire le patron dans une démarche volontariste. En cas de résistance, l'inspecteur se doit de respecter et de suivre la procédure juridique de l'inspection du travail, entre lettres d'observation, lettres de mise en demeure… L'association Deve Network basée à Casablanca, bien que créée récemment, en 2008, est très active. Elle a procédé, entre autres, à l'organisation d'une conférence en 2009 sur l'entreprise équitable, avec le partenariat de la CGEM et du Ministère de l'emploi et de la Formation professionnelle. L'élaboration du projet de loi-cadre pour l'égalité professionnelle mesurable, soumis à une réunion d'experts et au MEFP, vu que le Code du Travail a été estimé par Deve Network insuffisant pour instaurer l'égalité professionnelle. La formation de plusieurs experts genre en égalité professionnelle, en collaboration avec le ministère de l'emploi, le Ministère de Développement Social, de la Famille et de la Solidarité, et, la GIZ : 19 expertes et deux experts. Côté académique, l'association organise chaque année, au sein de l'Université Hassan II, Aïn Choq, Casablanca, faculté des lettres et des sciences humaines, un cycle de formation d'experts de l'égalité. Egalement, l'accréditation avec cette université du RUSE : le Réseau Universitaire de Recherche pour l'égalité et qui pourrait également jouer le rôle d'observatoire. En matière d'égalité, Deve Network a également contribué au plaidoyer pour la parité avec d'autres associations féminines, et contribué donc, à l'introduction de la parité dans la constitution. Le dernier né de l'association, c'est la réalisation du guide de l'égalité salariale et professionnelle, destiné aux inspecteurs et inspectrices du travail mais aussi, aux patronats, aux victimes de discrimination au travail, aux syndicats pour enrichir leurs cahiers revendicatifs, pour les salariées comme guide de droits et, pour les responsables, en cas d'atteinte, parfois inconsciemment, aux droits des femmes.