Avec « Larbi », Driss Mrini remet sous les feux de la rampe l'un des plus grands magiciens du football de tous les temps. Un devoir de mémoire pour réparer l'injustice de l'oubli. Au-delà de l'initiative, le travail dans son ensemble a été à la hauteur de ce que la Perle Noire a apporté au football. La mémoire de la Perle Noire réhabilitée. Mort dans la solitude et l'ingratitude presque vingt ans plus tôt, Larbi Benbarek a eu droit vendredi 19 août au Théâtre Mohammed V à un vibrant hommage posthume sous forme de film-fiction réalisé par Driss Mrini. De l'enfance jusqu'au décès, c'est toute la vie de l'illustre champion qui a été brillamment passée en revue…et pas seulement l'aspect purement sportif. Ainsi, après 90 minutes, nous en savons désormais davantage sur Larbi le pieux, Larbi le patriote, Larbi le compatissant et bien entendu Larbi la superstar des stades qui a envoûté toute la planète du football à une époque où la télévision n'existait pas. Un terrible handicap pour celui qui aurait pu être l'égal de Pelé, Maradona ou Messi s'il avait eu droit à la surmédiatisation dont ses successeurs ont bénéficié. Effectivement, ce n'est qu'à partir des premiers succès du Réal Madrid en Coupe d'Europe – 1956 – et de la Coupe du Monde 1958 que le football a réellement commencé à s'ériger, grâce à l'apparition de la télévision et à la popularité grandissante de cette discipline, en industrie génératrice de revenus. Et à ce titre, la génération d'avant-guerre incarnée par Benbarek, Stanley Matthews et autres Léonidas représente en quelque sorte une autre façon de vivre le football. Qualités extra-sportives Driss Mrini nous a fidèlement fait partager ce bon vieux temps où un simple tagine au lapin accommodé à la marocaine suffisait au bonheur de toute une famille. Une façon pour Benbarek de recharger ses batteries avant d'entreprendre une autre étape de sa brillante carrière. Les trophées, la gloire, les superlatifs… n'ont jamais fait attraper la grosse tête à l'homme originaire de Tata. Conscient des conditions de vie difficiles de l'époque, il mettait toujours son point d'honneur à ce que sa famille ne manque de rien et c'est justement l'un des aspects sur lesquels Driss Mrini s'est le plus attardé. Une générosité mal payée en retour puisque le film nous rappelle ce que les observateurs avertis du football savaient déjà : le frère de la Perle Noire a détourné une bonne partie des virements effectués par la star du temps où elle jouait à l'Olympique de Marseille, au Stade Français ou à l'Atlético de Madrid. Ce qui explique en partie la profonde amertume de l'homme au crépuscule de sa vie, lui qui a toujours obstinément refusé la nationalité française avec tout ce que cela aurait pu impliquer pour lui comme supplément de notoriété et d'aisance financière. Après l'avoir connu en 1985, date de la réalisation de la célèbre émission « Wathiqa », Driss Mrini a tissé avec la star des liens profonds d'estime et d'amitié dont la consécration ne pouvait être qu'un film réalisé dans les règles de l'art et dédié à la mémoire du champion. Il a ainsi veillé à ce que la ressemblance entre les deux acteurs principaux –Mouhcine Mouhtadi et Mohammed Khachla - et le personnage soit aussi frappante que possible. Et il y est largement parvenu. Aux côtés de ces deux comédiens, une pléiade d'artistes a participé à cette réalisation dont l'excellent Alexandre Ottovegio, très convaincant dans le rôle de Marcel Cerdan, mais aussi Hanane Ibrahimi, Fadéla Benmoussa, Marion Despouys ou encore Abdelhaq Belmjahed. Un bon point donc à mettre à l'actif de Driss Mrini qui n'en est certes qu'à son deuxième long-métrage après Bamou -1983 -, mais qui s'est largement rattrapé entre-temps avec des documentaires de qualité où la mise en valeur du patrimoine marocain s'est toujours érigée en principale préoccupation. On ne remerciera donc jamais assez ce réalisateur slaoui d'avoir porté à l'écran la carrière de la Perle Noire afin que la mémoire du champion demeure vivace et que la richesse de l'aura supplée à l'ingratitude des hommes.