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Les Traducteurs Agréés près les Juridictions réclament une réforme de la loi régissant leur profession Quand des consulats se mettent à décider de qui peut traduire
L'Association des Traducteurs Agréés près les Juridictions (ATAJ) vient d'élire son nouveau président. Il s'agit de Me. Noureddine Saidi, traducteur agréé à Rabat, venu remplacer Me. Mohamed Boukhir. Mais la 3éme session de l'assemblée générale de l'Association des Traducteurs Agréés près les Juridictions, placée sous le signe «Ensemble pour la promotion de la profession», a été bien plus qu'un simple rendez-vous quadriennal des traducteurs agréés, au cours duquel les rapports moral et financier de l'association ont été lus et approuvés à l'unanimité et le président ainsi que le tiers du bureau national remplacé à la suite d'élections. Le long de la journée du samedi 26 mars, les traducteurs agréés près les juridictions ont dressé le constat des difficultés que traverse actuellement leur profession et en ont débattu à travers cinq ateliers thématiques, dans la Salle de conférences de l'Institut Supérieur de la Magistrature à Rabat. Hommage a d'abord été rendu à neuf traducteurs agréés, pour avoir dignement représenté la profession au cours de leur carrière et pour leurs efforts et services rendus à l'association. Il s'agit de Mme Fatma El Ghalya Leïli et de MM. Ahmed Byade, Abdessalam El Kharbachi, Nabil Ouahbi, Ghali Benboubker, Abdessalam Mouji, Mohamed Wahibi, Razouki Belaïd et Youssef Moumni. Au terme de la tenue des cinq ateliers thématiques, qui ont porté sur la structure et organisation de l'association, les sources de financement, la coopération et le partenariat, la formation continue et la couverture sociale, plusieurs recommandations ont été émises, mais les plus importantes ont porté sur les problèmes posés à la profession de traducteur agrée près les juridictions et à leur association. «Le texte de loi qui encadre notre profession nous soumet à pas mal d'obligations, mais sans pour autant protéger notre profession», s'insurge un traducteur qui estime que la loi 50.00 est loin de répondre aux attentes des traducteurs agréés près les juridictions. Certains traducteurs vont jusqu'à contester l'appellation même de leur profession. «Cette appellation prête un peu à confusion dans l'esprit des gens. C'est comme si notre champ d'action se limitait aux seules juridictions et que pour les autres secteurs, n'importe qui peut venir exercer», explique un traducteur au cours de l'atelier sur la structure et organisation de l'association. «Il vaut mieux en revenir à l'ancienne appellation, celle de traducteurs assermentés», ajoute un autre. C'est que la lecture du rapport financier de l'association a fait état d'une baisse de recettes, baisse que les traducteurs agréés ont directement ressenti au niveau de leurs propres recettes. «Il y a une mauvaise interprétation du texte de loi 50.00, ce qui nous a conduit à élaborer un projet de réforme de cette loi», explique M. Mohamed Boukhir, le président sortant de l'ATAJ. «Nous avons également un projet de réforme de notre statut et règlement intérieur et celui d'un code déontologique de la profession». Ce sont les traducteurs non agrées qui causent le plus de soucis à l'ATAJ et la loi 50.00 n'est pas assez claire pour assurer aux traducteurs agréés la protection de l'exercice de leur profession contre les intrus. «Elle est devenue la profession de ceux qui n'en ont pas», s'emporte une traductrice de Casablanca. Si certains tribunaux du Royaume, saisis des plaintes posées par l'ATAJ contre des traducteurs non agrées pour exercice illégal de la profession, ont fait cesser les activités des mis en cause dans leurs juridictions, d'autres par contre n'en ont rien fait, au motif que les dits traducteurs non agréés n'usent pas du titre de traducteurs agréés près les juridictions, et ne sont donc passibles d'aucune décision d'arrêt d'exercer, puisque seul ce titre serait protégé par la loi, pas l'exercice de l'activité de traduction de documents officiels en tant que tel. Libres donc à ces traducteurs non agréés, dont personne ne vérifie les compétences professionnelles, d'agir comme bon leur semble. Un Ordre pour structurer la profession plutôt qu'une simple association L'ATAJ a bien essayé de trouver le moyen de barrer le chemin aux faussaires et de se distinguer de ceux que le président sortant de l'association appelle les «traducteurs libres», en unifiant leur papier entête, ce que les traducteurs agréés appellent en arabe le «papier vert», un papier à entête standardisé et sécurisé, vendu aux adhérents 60 centimes la page. Mais peine perdue, certains consulats acceptent n'importe quel papier entête des documents traduits et n'exigent d'ailleurs pas que ces documents soient traduits par des traducteurs assermentés. Pire encore, certains de ces consulats peu coopératifs vont jusqu'à faire payer une taxe prélevée sur les traductions rédigées sur le papier à entête de l'ATAJ un montant plus élevé que pour ceux émis par n'importe quel intrus dans la profession ! «Nous avons besoin que l'entité qui nous représente soit plus qu'une simple association. Nous voulons un Ordre des Traducteurs assermentés, comme les médecins, les pharmaciens et d'autres professions. C'est le meilleur instrument pour barrer la route aux intrus». Mais ce qui fait le plus enrager les traducteurs agréés, ce sont les étranges décisions des consulats d'Italie et d'Espagne en ce qui concerne les documents traduits qui leur sont présentés pour la délivrance de certains visas. «Depuis un peu plus de trois ans, le Consulat d'Italie à Casablanca s'est mis à organiser des concours pour attribuer le titre de traducteur à des gens qui n'en sont pas», indique Mme Hayat Kissaie, traductrice spécialisée en italien. «Les «reçus» au concours sont inscrits en tant que traducteurs auprès de ce consulat, qui leur donne un bout de papier disant que ce sont des traducteurs ! C'est aberrant». «On se croirait revenus à la période qui a précédé le protectorat, quand les ambassades des pays étrangers au Maroc se permettaient d'accorder des privilèges à leurs quelques «valets» marocains», ajoute rageusement un jeune traducteur de la même ville. «Les consulats d'Espagne à Rabat et Casablanca, ont de leur côté, depuis près d'un an, décidé que seules les traductions faîtes en Espagne sont admises, alors même qu'il y a des accords entre nos deux pays qui stipulent que les documents officiels émis par les administrations des deux pays sont recevables sans légalisation des deux côtés du détroit et que seul est légalisée la signature du traducteur» déclarent d'autres traducteurs, pour qui il s'agit là d'une franche tentative de détourner le travail des traducteurs marocains vers les traducteurs espagnols. Une sorte de conquête forcée de parts du marché marocain de la traduction ! «En 2009, les traducteurs agréés marocains ont traduit de l'arabe vers l'espagnol pas moins de 146.000 pages de documents», détaille M. Boukhir. «En 2010, ce chiffre est tombé à 94.350 pages seulement, en net recul du fait de cette étrange décision de quelques consulats espagnols au Maroc». «Ce n'est heureusement toujours pas le cas à Nador», précise un traducteur de cette ville. «Mais alors, ce n'est pas une décision officielle du ministère espagnol des affaires étrangères, sinon, une note circulaire en aurait généralisé l'usage», répond un autre traducteur. «Ils sont peut être entrain de tâter le terrain pour une éventuelle généralisation par la suite», ajoute un troisième. «C'est la même situation avec la traduction des documents officiels pour la langue espagnole, nous sommes passés de 84.000 papiers traduits en 2009 à 73.000 en 2010. Nous avons mené toutes les démarches nécessaires auprès de notre ministère des affaires étrangères et des ambassades de ces pays, mais toujours en vain», déclare M. Boukhir. «Ce qui est certain, c'est que nous ne pouvons pas nous taire et que nous n'allons pas le faire. L'exemple de ces consulats risque de faire tâche d'huile et c'est notre gagne pain qui est ainsi directement menacé».