La Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) a dit reconnaître, mardi 7 décembre, en Alassane Ouattara le président élu de la Côte d'Ivoire. Elle a exhorté Laurent Gbagbo, qui a annoncé la composition de son nouveau gouvernement, à rendre le pouvoir. 'Les chefs d'Etat et de gouvernement ont reconnu M. Alassane Ouattara comme président élu de Côte d'Ivoire', a déclaré la Cédéao dans un communiqué. 'Le sommet invite M. Laurent Gbagbo à respecter les résultats de l'élection présidentielle en Côte d'Ivoire tels que certifiés par l'Unoci [mission de l'ONU en Côte d'Ivoire] et à rendre sans délai le pouvoir, dans l'intérêt supérieur de la Côte d'Ivoire', précise le communiqué de l'organisation. Réunis en sommet extraordinaire à Abuja, la capitale nigériane, au lendemain de l'échec de la tentative de médiation de l'Union africaine via l'ex-chef d'Etat sud-africain Thabo Mbeki, les membres de la Cédéao ont aussi annoncé la suspension de la Côte d'Ivoire. Laurent Gbagbo a formé mardi un gouvernement de combat pour mettre en échec son rival Alassane Ouattara, l'autre président proclamé de la Côte d'Ivoire, ignorant la communauté internationale qui le pousse vers la sortie, à l'image de la Cédéao qui a suspendu son pays. Deux présidents, deux Premiers ministres et désormais deux gouvernements concurrents: plus que jamais, deux Côte d'Ivoire se font face après le second tour de la présidentielle du 28 novembre. Le Premier ministre d'Alassane Ouattara, Guillaume Soro, a indiqué que son camp voulait "rendre effectif" son pouvoir, en misant sur une prise de contrôle des finances publiques dans les prochains jours. "C'est nous qui avons le pouvoir, il s'agit de le rendre effectif", a-t-il dit. Devant la montée de la tension qui fait redouter à beaucoup une confrontation violente, les Nations unies ont commencé à retirer leur personnel non essentiel, soit 460 personnes - sur plus de 10.000 Casques bleus, policiers et employés civils sur place - qui devaient être évacuées vers la Gambie. Mais Abidjan semblait s'accommoder de cette situation hors norme et depuis le Plateau, repaire des cols blancs, jusqu'à la turbulente commune de Treichville, les rues étaient presque aussi animées qu'à l'ordinaire. Si son adversaire a dû établir ses quartiers dans un grand hôtel gardé par la mission onusienne Onuci et des membres de l'ex-rébellion des Forces nouvelles (FN), c'est au palais présidentiel que le chef de l'Etat sortant Laurent Gbagbo a présidé le premier Conseil des ministres de sa nouvelle équipe. L'heure n'est plus aux cabinets d'"union nationale" que lui avaient imposés les accords de paix signés après la crise née en 2002 du coup d'Etat manqué des FN, qui contrôlent depuis lors le nord du pays. Face au gouvernement Ouattara dirigé par le chef des ex-rebelles Guillaume Soro, M. Gbagbo s'est doté d'une équipe de combat, plaçant des fidèles à des postes stratégiques comme Alcide Djédjé, puissant conseiller et ambassadeur aux Nations unies propulsé ministre des Affaires étrangères. Alors que l'ex-puissance coloniale française l'exhorte à quitter la scène, il réplique en confiant à Charles Blé Goudé le portefeuille de la jeunesse et de l'emploi. Soumis depuis plusieurs années à des sanctions de l'ONU, le chef des "jeunes patriotes" pro-Gbagbo a été le fer de lance des manifestations antifrançaises, parfois violentes, aux heures les plus chaudes de la crise de 2002. Avec ce gouvernement, M. Gbagbo opposait par avance une fin de non-recevoir à la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) qui, à l'issue d'un sommet extraordinaire à Abuja en fin d'après-midi, l'a appelé à "rendre le pouvoir sans délai". L'organisation a également suspendu la Côte d'Ivoire "de toutes ses activités", a annoncé le président nigérian Goodluck Jonathan, après cette réunion à laquelle aucun des deux rivaux ivoiriens n'avait été convié. A l'instar de la Cédéao, la communauté internationale, à commencer par l'ONU, soutient fermement M. Ouattara qu'elle reconnaît comme seul président légitime. L'ambassadrice américaine à l'ONU a accusé la Russie de "pinailler" à propos de la Côte d'Ivoire reprochant ainsi à Moscou d'avoir bloqué une déclaration du Conseil de sécurité estimant qu'il outrepassait son mandat en déclarant Alassane Ouattara vainqueur.