L'Association de sauvegarde du patrimoine architectural du XX° siècle au Maroc (Casamemoire) est scandalisée et il y en vraiment de quoi. Une villa réalisée par un grand architecte du début du siècle dernier et retenue par les autorités pour être inscrite comme patrimoine architectural de Casablanca a été détruite en catimini à la fin du Ramadan. Dans un communiqué de dénonciation, Casamémoine indique que la villa Cadet, située rue des Charmilles à l'Oasis, est en cours de démolition depuis 8 septembre. Le bâtiment principal, poursuit la même source, est déjà largement démoli. « Pourtant cet édifice a été retenu dans la liste des bâtiments à inscrire comme patrimoine national architectural à préserver et œuvres exceptionnelles et représentatives de l'architecture et de l'urbanisme du 20ème siècle, lors de la réunion d'une commission du patrimoine le 8 janvier 2010, réunissant des représentants de la Wilaya, de l'Agence Urbaine, de l'arrondissement, du ministère de la culture, de l'inspection des monuments historiques à Casablanca et nous-mêmes. La liste a ensuite été envoyée pour publication au Bulletin Officiel. Nous sommes étonnés que dans ces conditions, et malgré un procès verbal officiel signé par l'ensemble des administrations présentes, un permis de démolir ait pu être délivré. Cette résidence est la maison personnelle de l'architecte Auguste Cadet où celui-ci a repris l'ensemble des éléments d'architecture marocaine que nous retrouvons dans la plupart des bâtiments qu'il a réalisé (patios, utilisation de matériaux traditionnels, espaces introvertis ). Elle est considérée par les experts comme «le dernier chef d'œuvre de l'architecture domestique néomarocaine. De plus, l'architecte Auguste Cadet est un des architectes majeurs du XX° siècle au Maroc. Il a réalisé seul ou en association avec Edmond Brion de nombreux édifices connus de tous comme la Préfecture du Mechouar au Habous, la Mosquée de Ain Chock, la plupart des Banques du Maroc du pays, le quartier des Habous à Casablanca, le quartier Diour Jamaa à Rabat Une exposition et un livre sont consacrés à ce travail. L'exposition a été présentée à Meknès, Casablanca, Fès et Tanger. Scandalisés, nous souhaitons que tout soit mis en œuvre pour faire la lumière sur cette démolition qui porte atteinte au patrimoine de notre ville au moment même où les casablancais montrent de plus en plus leur intérêt pour la préservation du patrimoine et de la mémoire». Fin de citation. C'est dans cette villa, édifiée dans un ancien verger dont tous les arbres ont été préservés, qu'Auguste Cadet est mort la 13 mars 1956. Dans son testament, il avait fait donation de cette propriété unique à l'Académie d'Architecture de Paris. Il espérait qu'elle deviendra après sa mort un refuge pour des architectes âgés et pauvres (cf. le livre « Architecture du XXème siècle, Edmond Brion et Auguste Cadet », par Gislhaine Meffre et Bernard Delgado). Seulement, l'Académie d'Architecture de Paris n'aurait pas respecté la volonté de Cadet et aurait cédé la propriété au privé qui s'est livré à de la spéculation, la villa aurait changé plusieurs fois de propriétaire et est restée à l'état d'abandon pendant des années jusqu'au lancement des travaux de sa démolition à la veille de sa publication au Bulletin Officiel comme faisant partie du patrimoine national à préserver.