« Bouksasse Boutfonaste » est l'un des premiers marocains parlant amazigh sachant qu'il a été précédé par un grand nombre de films sur support vidéo destinés à la consommation à domicile. Par contre, «Bouksasse Boutfonaste » tout comme « Tilila » ont connu une carrière commerciale dans les salles. Ce film a été réalisé par un cinéaste marocain résidant en Belgique, natif de 1963. Sa première expérience cinématographique a eu lieu sur le tournage du film italo-américain : « Casablanca-Express» réalisé par Sergio Martino. C'est en Belgique que Abdelilah Badr a suivi des études de cinéma avant d'assister des réalisateurs. Chorégraphe de combats, il dirigea les bagarres dans des films notables notamment «Les Bandits» de Saïd Naciri et « Yarit » de Hassan Benjelloun. En Belgique également, il a tourné « Shades » avec l'acteur américain Mickey Rourk puis «the Crossing ». Parallèlement, Badr assure la direction de la société « Brabant verte » et animateur à l'ASBI Renovas. Abdellah Badr a réalisé de nombreux courts métrages en Belgique avant de s'attaquer au long métrage a travers l'expérience de « Bouksasse Boutfonaste » qu'il a tourné à Aït Ourir et en Belgique conformément au scénario où il a bénéficié d'un sérieux soutien financier. La traduction en arabe du titre original est «Le propriétaire de la vache », où le rôle de Bouksasse est campé par le comédien Mohamed Id Lkadi, qui a déjà incarné le rôle de Bouksasse dans d'autres films. Badr reprend le même nom comme il s'agissait d'une suite. Evidemment, le film parle amazigh, le langage du Souss essentiellement, mélangé avec l'arabe, avec un sous-titrage en arabe et en français ce qui permet à tout le monde de communiquer avec le film, tout publics confondus. C'est aussi un film de spectacle avec des intrigues, du suspens et des combats. Rien d'étonnant sachant que le réalisateur est un champion des arts martiaux, du kung fu et du karaté. C'est ce qui explique la présence d'un autre champion, en la personne de Mohamed Kaissi, en guise de clin d'œil. « Bouksasse Boutfonaste » se base sur un style simple qui permet de suivre les événements sans difficultés, imbibés dans un spectacle grand public, c'est un film d'action aussi où les personnages se meuvent tout le temps exploitant à outrance la présence de champions en arts martiaux, prêts à démontrer leurs exploits. Bien sûr, il est inévitable de ne pas penser à l'autre « Bouksasse » celui des films vidéo, rebaptisé « Bouksasse et les 40 voleurs » incarné par Mohamed Id Lkadi, héros de la série de huit épisodes. Cependant le contenu n'est pas le même car là où la série puise dans la légende, le film s'avère réaliste et social sans rompre avec l'héroïsme. Il se trouve que cet héroïsme est mené par Miloud Arbaoui, la révélation du film qui n'est autre que le frère du chanteur « Chaâbi », qui délaissa ici, par moment, la musique pour s'ériger en comédien. Révélation parce que Miloud s'acquitta convenablement de son rôle de chef de gang sans scrupule. On peut se réjouir également de la présence à l'écran de Ali Soltane, co-producteur du film et qui croya à cette entreprise depuis le début. De Belgique, il investit dans le projet croyant en son succès commercial et il n'en fut pas déçu. Notons enfin que l'histoire du film fut écrite par Bouchta Ibrahimi et reproduite en langue amazigh par Abdelilah Badr, qui ne manqua pas d'user du langage arabe par souci de crédibilité et de réalisme. C'est à Bouchta Ibrahimi qu'on doit la transformation en VCD et DVD d'une grande partie des films marocains, permettant une survie au film comme aux cinéphiles d'enrichir leurs modestes cinémathèques.