Au moment où les crises au Soudan et, surtout, en République Démocratique du Congo (RDC) alarment la communauté internationale, le Maroc a affirmé que toute approche sécuritaire ou militaire ne ferait qu'aggraver la situation et éloigner la perspective d'une réconciliation durable entre les parties concernées. Rabat appelle à une action concertée pour prévenir toute escalade supplémentaire. «La persistance de l'instabilité dans la région compromet la paix et la sécurité continentales, d'où l'urgence d'agir avec détermination et responsabilité pour amorcer une dynamique de règlement pacifique, pérenne et durable du conflit». Prenant part, vendredi, à une réunion du Conseil de Paix et de Sécurité de l'Union Africaine (CPS-UA) sur la situation au Soudan et en RDC, Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères, a plaidé en faveur d'une solution à travers le dialogue, qui garantit l'intégrité territoriale et la stabilité de la RDC, précisant l'attachement indéfectible du Royaume au respect de la souveraineté, de l'unité et de l'intégrité territoriale de cette dernière et de tous les pays souverains.
Du moment que les répercussions de la crise à l'Est de la RDC affectent la région et l'ensemble du continent, Bourita a souligné l'impératif de s'engager dans un processus de dialogue constructif et sincère, car il s'agit de la seule voie viable pour prévenir une escalade supplémentaire et promouvoir la paix et la stabilité dans le pays et la sous-région. La priorité de Rabat étant la cession immédiate des hostilités, le respect du cessez-le-feu et la reprise des négociations.
La situation en RDC suscite de grandes craintes sur la scène internationale, surtout depuis vendredi, quand le groupe armé «antigouvernemental» est entré quasiment sans résistance dans la capitale de la province du Sud-Kivu, peu après avoir pris l'aéroport provincial à une trentaine de kilomètres. Après s'être emparé fin janvier, au terme d'une offensive-éclair, de Goma, capitale de la province voisine du Nord-Kivu, le M23 (Mouvement du 23 mars) et les soldats rwandais ont poursuivi leur avancée dans le Sud-Kivu.Selon des sources sécuritaire et locale, ils ont été perçus dimanche au centre de Bukavu. Des tirs sporadiques ont résonné quasiment tout le week-end dans Bukavu, alors qu'environ 10.000 soldats burundais sont déployés dans l'Est de la RDC aux côtés des forces armées congolaises (FARDC).
C'est dans ce contexte que le Maroc plaide, comme il l'a toujours fait, pour le plein respect, par toutes les parties, des principes de coexistence, de bon voisinage et de règlement pacifique des différends, par le biais du dialogue et de la négociation, a ajouté Bourita, exprimant son opposition à toute forme de séparatisme et condamnant fermement les actions déstabilisatrices des groupes armés qui mettent en péril l'unité nationale des Etats.
Une mesure qui s'impose du fait que la situation humanitaire dans l'Est de la RDC est «très précaire», comme s'est alarmée, samedi, la Première ministre congolaise Judith Suminwa Tuluka. Le Secrétaire Général de l'ONU, Antonio Guterres, lui, a exhorté à respecter la souveraineté et l'intégrité territoriale de la RDC. Et au moment où l'Union Européenne a dit examiner «en urgence toutes les options», le porte-parole de l'UE pour les Affaires étrangères, Anouar El Anouni, a affirmé sur X que «la violation en cours de l'intégrité territoriale de la RDC ne restera pas sans réponse». Paris a de son côté appelé, samedi, à l'arrêt «immédiat» de l'offensive du M23 sur Bukavu et demandé «le retrait sans délai» des forces rwandaises soutenant ce groupe armé.
Place aux trêves humanitaires
Convaincu que seule une solution politique consensuelle peut mettre un terme à cette crise, le Maroc, de son côté, demeure persuadé, selon le ministre, que toute approche sécuritaire ou militaire ne ferait qu'aggraver la situation et éloigner la perspective d'une réconciliation durable entre les parties concernées. Il est donc urgent de mettre fin, à court terme, aux souffrances des populations civiles, résultant de cette crise, en facilitant l'accès humanitaire afin de répondre aux besoins les plus pressants des personnes affectées.
L'aide humanitaire doit être acheminée sans entraves, en garantissant la protection des populations, a affirmé le chef de la diplomatie marocaine, relevant que la communauté internationale et les acteurs régionaux doivent conjuguer leurs efforts pour alléger les souffrances et restaurer l'espoir dans cette région durement éprouvée.
S'agissant de la crise au Soudan, la délégation du Royaume a recommandé vivement d'observer une trêve humanitaire, durant le mois sacré du Ramadan, afin de permettre l'accès à l'aide humanitaire, sans restriction, ni discrimination. Une proposition qui a été retenue à l'unanimité par les chefs d'Etat et de gouvernement lors de cette réunion du CPS de l'UA.
Bourita a exprimé la conviction du Royaume du fait que la solution militaire ne saurait constituer une issue viable à la crise soudanaise. Il a par ailleurs réitéré la solidarité du Maroc avec le Soudan en ces circonstances difficiles et sa disposition à fournir tout soutien nécessaire pour l'aider à surmonter cette crise.
Le Royaume réitère aussi son appel à soutenir les efforts de réconciliation entre les parties soudanaises, à privilégier le dialogue, à préserver les institutions nationales et à éviter toute ingérence extérieure qui ne ferait qu'exacerber les tensions et compromettre la stabilité dans la région.
L'afflux d'armes au Soudan, ravagé depuis avril 2023 par une guerre, a déplacé 12 millions de personnes. Antonio Guterres a exhorté à la fin d'une «crise humanitaire sans précédent sur le continent africain».
Les affrontements entre les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), de Mohamed Hamdane Daglo, et l'armée du général Abdel Fattah al-Burhane, deux anciens alliés devenus rivaux, ont fait des dizaines de milliers de morts. Alors que l'armée contrôle l'Est et le Nord du Soudan, les paramilitaires maintiennent leur emprise sur la quasi-totalité du Darfour, une vaste région de l'Ouest du pays où vivent un quart des 50 millions de Soudanais. Aujourd'hui, la priorité pour les Etats membres de l'UA et de l'ONU est la protection des civils, l'acheminement des aides humanitaires et de faire barrage au flux d'armes.
La question palestinienne s'impose Outre les tensions en Afrique, la question palestinienne a également été abordée à Addis-Abeba. L'appel «par certains» à «la déportation systématique» des Palestiniens est un comble, a dénoncé samedi le président de la Commission de l'UA, après la proposition de Donald Trump d'une prise de contrôle américaine du territoire palestinien et d'un déplacement de sa population. La guerre à Gaza «continue de se dérouler dans le silence presque total des puissances du monde, si ce n'est l'appel par certains, à la déportation systématique des Palestiniens hors de leurs terres, c'est un comble», a a rmé Moussa Faki Mahamat. Le président américain Donald Trump propose, pour rappel, de placer Gaza sous le contrôle des Etats-Unis et d'expulser ses habitants pour en faire une «Côte d'Azur du Moyen-Orient» où les Palestiniens n'auraient pas le droit de revenir. Les pays arabes ont manifesté, unanimement, leur rejet de ce plan qui prévoit d'installer les habitants de la bande Gaza essentiellement en Jordanie et en Egypte. Le Maroc tient à sa position constante en faveur du droit du peuple palestinien à établir son Etat indépendant avec pour capitale Al Qods-Est. Déclaration de Tanger Le Maroc a réaffirmé, dimanche devant le 38ème Sommet ordinaire des chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union Africaine (UA), son engagement en faveur de la paix, de la sécurité et du développement durable sur le continent africain, mettant en avant plusieurs axes prioritaires de la vision stratégique de Sa Majesté le Roi Mohammed VI pour une Afrique prospère, intégrée et pacifique. Intervenant lors d'une réunion consacrée à la présentation d'un rapport du Conseil de Paix et de Sécurité de l'Union Africaine (CPS de l'UA) sur ses activités et l'état de la paix et de la sécurité en Afrique, et d'un autre sur «faire taire les armes en Afrique», la délégation marocaine a souligné que le Royaume réitère sa conviction qu'une approche strictement militaro-sécuritaire, bien que nécessaire, ne su t pas à elle seule pour répondre aux dé s complexes du continent. La délégation a insisté sur la nécessité d'une vision globale, intégrant les dimensions socioéconomiques, pour assurer une paix durable, notant que cette approche, prônée par le Maroc et baptisée «Déclaration de Tanger», a été endossée par la Conférence de l'UA en février 2023. Elle met l'accent sur le nexus développement - paix - sécurité, considéré comme essentiel pour résoudre les crises africaines, a précisé la délégation.
Force Africaine en Attente Le Mémorandum d'entente (MOU) sur l'utilisation de la Force Africaine en Attente (FAA), le Maroc a exprimé son soutien au plan d'engagement proposé par le Commissaire aux A aires politiques, à la paix et à la sécurité de l'UA, Bankole Adeoye, appelant à l'accélération du processus d'engagement avec le Conseil de Paix et de Sécurité, les Communautés Economiques Régionales (CER) ainsi qu'avec toutes les parties prenantes du continent, y compris le Comité Technique Spécialisé de la Défense, de la Sécurité et de la Sécurité (CTSDSS), selon la délégation marocaine. Elle a aussi indiqué que le Royaume réitère l'impératif de respecter les principes fondamentaux du bon voisinage, du dialogue et de la non-ingérence dans les a aires internes des Etats, soulignant l'importance du respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale des pays et appelant à éviter d'abriter ou d'inciter des groupes terroristes et séparatistes, qui menacent la stabilité des régions africaines.