La mort de trois membres des forces spéciales américaines, mercredi au Pakistan, dans un attentat revendiqué par les taliban, montre une fois de plus la délicatesse de leur mission de formation des troupes locales. Le Pentagone s'en tient d'ordinaire à une discrétion prudente en ce qui concerne la présence des troupes américaines au Pakistan, où tout ce qui concerne les Etats-Unis suscite l'hostilité d'une bonne part de l'opinion. La multiplication récente des raids menés par les drones américains dans les zones tribales du Nord-Ouest, frontalières de l'Afghanistan, n'a fait qu'accroître cette hostilité, tout en attisant les tensions avec Islamabad, qui veille jalousement au respect de sa souveraineté, au moins en public. Deux cents militaires américains, dont une centaine de membres des forces spéciales chargés de la formation des gardes-frontières, se trouvent au Pakistan, dit-on au département de la Défense, sous couvert de l'anonymat. Les trois soldats tués mercredi dans la vallée de Swat, explique-t-on on de même source, étaient affectés à cette mission, mais opéraient en tant qu'experts des "affaires civiles", auprès de dignitaires tribaux ou d'élus locaux. Ils se rendaient à l'inauguration d'une école de filles rénovée à l'aide de fonds américains, ajoute-t-on sans préciser leur rôle exact. Richard Holbrooke, représentant spécial des Etats-Unis en Afghanistan et au Pakistan, a démenti les allégations des taliban, selon lesquels il s'agissait d'agents de sécurité privés impliqués dans les opérations clandestines. "Notre présence là-bas n'a rien de secret", a-t-il assuré. Craignant les réactions de l'opinion, les autorités pakistanaises se sont opposées par le passé à un élargissement de la mission des forces spéciales américaines, malgré l'insistance de Washington, dit-on au Pentagone. Qui plus est, beaucoup au sein de l'état-major pakistanais restent focalisés sur la rivalité avec le voisin indien et jugent sans doute la lutte contre la guérilla islamiste secondaire. "L'armée pakistanaise a procédé à des ajustements en matière de formation anti-insurrectionnelle et de doctrine, mais sa priorité reste l'Inde", a ainsi déclaré mardi le général Ronald Burgess, directeur des services de renseignement militaires, devant une commission parlementaire. Le secrétaire à la Défense Robert Gates a toutefois jugé cette semaine, lors de la présentation de son budget, la formation des troupes pakistanaises de plus en plus prioritaire. Il a ainsi demandé au congrès un demi-milliard de dollars supplémentaires pour financer cette mission.