Alors qu'une délégation de la FIFA vient d'effectuer une visite d'inspection au Maroc, les enjeux liés à la Coupe du Monde 2030 se précisent, notamment ceux liés à l'environnement. Après la soumission du bidbook (dossier de candidature) conjoint par le Maroc, l'Espagne et le Portugal en fin juillet dernier, une délégation de la FIFA a effectué la semaine dernière une visite d'inspection au Maroc dans le cadre du processus de préparation de la Coupe du Monde 2030 de football. Si la FIFA n'a pas publié de communiqué officiel à cet égard, il suffit de parcourir les documents disponibles sur son site (notamment : FIFA World Cup 2030TM and FIFA World Cup 2034TM Bidding Regulations) pour comprendre que cette visite s'inscrit dans la phase 3 relative à l'évaluation des candidatures qui « devrait commencer au cours du troisième trimestre 2024 et se terminer au cours du quatrième trimestre 2024 ». Durant son passage au Maroc, la délégation de la FIFA a certainement dû parcourir divers aspects de la candidature « Yalla Vamos » qui s'articule autour de 17 sections (également téléchargeable dans son intégralité dans la plateforme en ligne de la FIFA).
« Changement positif »
Divisé en 5 parties, le bidbook conjoint du Maroc, de l'Espagne et du Portugal détaille plusieurs enjeux (vision, infrastructures, services...) et se clôture par le chapitre 17 qui met en avant les dimensions liées au développement durable et aux droits de l'Homme. A l'image des autres parties du bidbook, ce chapitre répond au cahier des charges de la FIFA, synthétisé dans le document « FIFA World Cup 2030TM Overview of Hosting Requirements ». L'organisation en charge du football au niveau international y demande, entre autres, « un résumé de l'impact environnemental et climatique de l'accueil de la compétition et des mesures d'atténuation prévues... ». Un enjeu qui apparaît comme vital au vu de la taille de l'événement, mais également des critiques que la FIFA a pu essuyer par le passé concernant la protection de l'environnement et des droits de l'Homme durant d'autres éditions de la Coupe du Monde. « La FIFA prendra en considération non seulement l'adhésion d'une candidature aux exigences de base, mais aussi son engagement à conduire un changement environnemental et social positif à moyen et long terme », y précise l'organisation.
Impact carbone
« Le Maroc, le Portugal et l'Espagne s'engagent à valoriser leurs réalisations respectives dans ces domaines (environnement et droits de l'Homme, NDLR) et à collaborer étroitement avec la FIFA pour intégrer les bonnes pratiques dans le cadre de l'organisation de la Coupe du Monde de la FIFA 2030TM, tout en les adaptant aux contextes locaux, nationaux et régionaux », peut-on ainsi lire dans la version française de l'Executif Summary du dossier de candidature Maroc, Espagne et Portugal. « L'évaluation préliminaire de l'empreinte carbone lors de la Coupe du Monde de la FIFA 2030TM a estimé les émissions à 3,5 millions de tonnes d'équivalent CO2, dont la majeure partie liée au trafic aérien. Les risques climatiques incluent les émissions de gaz à effet de serre, des phénomènes météorologiques plus extrêmes, ainsi que des variations de température entraînant une augmentation du recours à la climatisation », précise le même document dans le paragraphe « Effets sur l'environnement et le climat et mesures d'atténuation ».
Eau et déchets
« Les risques environnementaux impliquent une augmentation de la pression sur l'eau et sur la chaîne de valeur de la gestion des déchets. Enfin, d'autres risques comprennent d'éventuels enjeux autour de la qualité de l'air dans certaines villes hôtes, ainsi que des effets potentiels sur la biodiversité », poursuit la même source, qui ne manque pas de souligner l'engagement des trois pays à « réduire l'impact de l'événement sur le climat conformément à l'Accord de Paris, à renforcer la résilience face aux risques climatiques, à diminuer la consommation d'énergie, à transitionner vers l'énergie durable, à minimiser l'utilisation des ressources et des matériaux et à promouvoir les pratiques de l'économie circulaire ». A noter que le cahier des charges de la FIFA liste en détail les parties prenantes qui devront travailler avec l'organisation pour mettre en œuvre les stratégies de développement durable. Il s'agit notamment des fédérations de football, des autorités des pays hôtes, des villes hôtes, des aéroports, des hébergements, des stades et des terrains d'entraînement.
3 questions à Yousra Madani, présidente de LPM « Il faut considérer la Coupe du Monde 2030 comme un événement sportif majeur, mais également comme un catalyseur pour le progrès social et environnemental» * Sur quels volets votre ONG a-t-elle collaboré avec la candidature pour la Coupe du Monde 2030 ? - Comme indiqué dans le bidbook, Living Planet Morocco a principalement apporté sa contribution sur des thématiques liées à l'eau, la biodiversité et la gestion des déchets. Il a été question de participer à l'identification des risques potentiels ainsi que des mesures de mitigation sans oublier les opportunités qui permettraient de garantir le meilleur héritage possible de la Coupe du Monde 2030 dans ces domaines.
* Quelle est justement la perspective de votre ONG concernant les enjeux de développement durable au Maroc de la Coupe du Monde 2030 ? - Au vu du dynamisme de son secteur touristique, notre pays est habitué à gérer des flux importants de visiteurs internationaux. Cela dit, nous pensons que la phase de préparation et d'organisation de cet événement est une occasion inédite pour notre pays afin d'accélérer encore plus ses chantiers liés à l'environnement. Les standards exigés ainsi que les objectifs institutionnels nationaux dans ce domaine sont des leviers qui offrent autant de possibilités pour avancer, sans oublier la collaboration et l'échange des expertises et des bonnes pratiques entre les trois pays hôtes.
* Quels sont, selon vous, les prérequis nécessaires pour atteindre ces objectifs de durabilité ? - Il est possible d'atteindre les objectifs de durabilité si toutes les parties prenantes participent activement à concrétiser cette ambition. C'est autant valable pour les institutions que pour la société civile et le secteur privé. Pour cela, il faut considérer la Coupe du Monde 2030 comme un événement sportif, mais également comme un catalyseur pour le progrès social et environnemental.
Evaluation : Gare aux risques liés à la rareté de l'eau et à la gestion des déchets ! Le dossier de candidature fournit une analyse détaillée des risques environnementaux et climatiques associés à l'organisation de la Coupe du Monde 2030 par le Maroc, l'Espagne et le Portugal. « Les risques climatiques identifiés sont communs à tous les pays mais diffèrent en termes de gravité et de probabilité. Aucun risque n'est considéré comme critique, mais les risques suivants ont été identifiés comme significatifs pour nos pays : émissions importantes de gaz à effet de serre, phénomènes météorologiques plus extrêmes et inhabituels, fluctuations des températures habituelles entraînant un recours accru au refroidissement de l'air », souligne le bidbook, qui précise par ailleurs que « les risques environnementaux identifiés sont également communs à tous les pays, mais diffèrent en termes de gravité et de probabilité. Globalement, deux risques connexes ressortent comme importants : la tension sur la chaîne de valeur de la gestion des déchets et la rareté de l'eau qui a un impact sur les populations locales et le bon déroulement des activités ».
Stratégie : Les mesures prévues pour mitiger les risques environnementaux Sur la base de l'identification qu'elle a réalisée, la candidature conjointe du Maroc, de l'Espagne et du Portugal pour la Coupe du Monde 2030 propose un ensemble de mesures afin de mitiger et de maîtriser l'impact potentiel sur l'environnement. Ces mesures, listées en fin du dossier de candidature, se focalisent notamment sur l'utilisation d'énergies renouvelables pour alimenter les stades, les infrastructures et les installations temporaires. Ces sites seront conçus et exploités conformément à des normes écologiques strictes, avec une priorité donnée à l'efficacité énergétique et aux pratiques durables. La gestion de l'eau, un enjeu particulièrement sensible dans le contexte de la rareté croissante des ressources, sera également optimisée à chaque étape. Des systèmes de conservation d'eau innovants seront déployés, permettant de limiter au maximum la consommation d'eau et de promouvoir des pratiques responsables. En parallèle, la gestion des déchets dans les villes hôtes suivra les principes des 4R : Réduire, Réutiliser, Recycler et Récupérer. Chaque site de compétition adoptera des stratégies de tri sélectif et de valorisation des déchets visant à limiter au maximum l'enfouissement. Le transport est également un volet clé avec l'encouragement de l'utilisation de véhicules à faibles émissions. De plus, des connexions ferroviaires renforcées entre les différentes villes hôtes permettront de réduire les trajets aériens internes, souvent responsables d'importantes émissions de gaz à effet de serre.