Aujourd'hui commencent à Skhirat, au niveau de la Région Rabat-Salé-Zemmour-Zaër et pour deux jours, les consultations pour l'élaboration de la Charte Nationale de l'Environnement. Suivront celles de la Région de Tanger-Tétouan, dès demain, et de la Région de Ouad Eddahab-Lagouira, le mercredi 20 janvier. C'est la première étape d'une longue série de consultations, qui concerneront les seize régions du Royaume, en vue de faire participer toutes les forces vives du pays, partant des simples individus jusqu'aux secteurs étatiques, en passant par les organisations de la société civile et les entités économiques, à la conception de la Charte Nationale de l'Environnement. Dans le but affiché d'en faire un engagement commun, respecté par tous. Dans ce dossier consacré à la problématique environnementale au Maroc, il est donné un aperçu de la situation actuelle à ce sujet, les trésors naturels à préserver et les menaces qui pèsent dessus. Il y est également question de ce que fait le gouvernement pour mettre en oeuvre des mesures adaptées afin de préserver les patrimoines naturels et culturels nationaux. C'est à un véritable changement de leurs habitudes et comportements que les Marocains sont invités à s'engager, au profit des générations futures. Les Marocains sont fiers du pays où ils vivent, que leur ont légué leurs ancêtres et parents. Pourtant, ils se posent rarement la question de savoir quel pays vont-ils léguer à leurs enfants. Sûrement pas le Maroc des ancêtres et parents. Celui-ci a été transformé. En mieux, à travers toutes les infrastructures dont les Marocains ont doté leur pays. Ce pourquoi ils sont méritants. En moins bien également, hélas, à travers toutes les destructions qu'ils ont inconsciemment portées au patrimoine naturel de leur beau pays. Ce en quoi ils se sont montrés moins dignes. Maintenant, il est temps d'arrêter les dégâts et de veiller à préserver le milieu d'habitat des Marocains de demain. Et il y a une charte à élaborer et à respecter pour ce faire. La Charte Nationale de l'Environnement. «Nous appelons le gouvernement à élaborer un projet de Charte nationale globale de l'environnement, permettant la sauvegarde des espaces, des réserves et des ressources naturelles, dans le cadre du processus de développement durable» a déclaré SM le Roi lors de son discours à l'occasion de la Fête du Trône, le 30 juillet 2009. «La Charte devrait également prévoir la préservation des sites naturels, vestiges et autres monuments historiques qui font la richesse d'un environnement considéré comme un patrimoine commun de la nation, dont la protection est une responsabilité collective qui incombe aux générations présentes et à venir». Tel est le cadre de la future charte de l'environnement. A ceux qui doutent encore de la pertinence de cette nouvelle orientation stratégique dans la conception du développement du Maroc, que l'on veut durable, au prétexte que la croissance économique passe en premier lieu, la preuve à avancer est évidente. Les faits constatés au sujet de l'état de la dégradation de l'environnement au Maroc sont alarmants et les chiffres choquants. Les 31,67 millions de Marocains produisent chaque jour que Dieu fait 18.000 tonnes de déchets ménagers. Chaque citadin marocain produit quotidiennement 0,7 kilogrammes de déchets domestiques, loin devant le rural, dont les déchets ne pèsent pas plus de 0,3 kilogrammes. 70% de ces déchets seulement sont collectés. Et il existe plus de 300 décharges non autorisées à travers le pays. Puis, il y a les déchets médicaux, 6.000 tonnes par an, dont plus des deux tiers sont rejetées par les unités médicales de Rabat et de Casablanca. Le genre de déchets dont il est dangereux de se débarrasser n' importe où et n'importe comment mais dont le traitement est coûteux. Il y a aussi les eaux usées, rejetées à 90% dans la nature sans le moindre traitement. Tous les ménages n'étant pas raccordés au réseau d'évacuation des eaux usées, surtout dans les zones déshéritées ou reculées, entre autres raisons. Et ces eaux usées, domestiques et industrielles, évacuées dans le milieu naturel, dans les oueds et en mer, sans assainissement, ont fini par contaminer et dégrader la qualité des eaux de surface et souterraines. Et pour rendre l'air encore plus irrespirable dans les villes marocaines, le parc automobile s'accroît au rythme de 5% par an. C'est à la fois le signe d'un enrichissement des Marocains, mais aussi un plus grand nombre de tuyaux d'échappement qui dégagent encore plus de fumée nauséabonde et de gaz à effet de serre. La pollution de l'air est responsable d'une hausse de morbidité liée aux maladies respiratoires. Le tissu industriel marocain génère, pour sa part, 1.600.000 tonnes de déchets industriels par an, dont 256.000 tonnes de déchets dangereux. Ces déchets son éliminés par recyclage, stockage dans les décharges publiques ou valorisés dans les fours des cimenteries. Fortes pressions et dégradations Autre menace de taille qui pèse sur le Maroc, la désertification. 95% du territoire marocain est concerné. Autant dire tout le pays. Déjà, la part du désert dans le territoire national est de 65%. Et la désertification, c'est la disparition pure et simple du couvert végétal et de la biodiversité. Une biodiversité actuelle qui fait que le Maroc occupe avec la Turquie une situation de premier plan au niveau du bassin méditerranéen. Il s'agit de 40 types de grands écosystèmes naturels. Un véritable trésor national, qu'il faudrait jalousement préserver. Les causes de la désertification ne sont pas seulement naturelles, c'est-à-dire les sécheresses récurrentes. Il y a également le prélèvement exorbitant en bois de feu et le surpâturage. La charge pastorale est 4 à 5 fois supérieure aux capacités fourragères des parcours en forêt. L'urbanisation et les défrichements pour la recherche de nouvelles terres de cultures constituent un autre facteur de désertification. Il en découle l'ensablement, qui résulte lui-même de l'érosion éolienne, principale manifestation de la désertification dans les zones du littoral et les régions du Sud et de l'Oriental du Royaume. La salinisation des terres agricoles est une autre manifestation de la désertification. 10 millions d'hectares sont soumis à l'érosion hydrique à divers degré. Le territoire marocain occupe une surface de 71.085.000 hectares. Les terres cultivées comptent à peine pour 9 millions d'hectares. Celles de pâturage, 65 millions d'hectares. L'utilisation de pesticides et autres substances chimiques dans l'agriculture de manière exagérée a un effet nocif sur la santé. Qui dit cultures irriguées, dit aussi exploitation des nappes phréatiques. Mais comme il y a eu surexploitation de ces ressources hydriques au niveau de plusieurs bassins, la conséquence logique en a été le tarissement de certaines nappes et sources. Après les dégâts causés par l'eau, ceux du feu. La forêt marocaine est grande de 9,7 millions hectares, soit 12% du territoire national. Seulement, 3.000 hectares de forêts disparaissent chaque année dans des incendies. Sur les 7.000 espèces de flore répertoriées au Maroc, 23% sont menacés de disparition. Et sur les 24.000 espèces de faune, 2,5%. Heureusement que le Maroc s'est déjà doté de 10 parcs nationaux et 164 sites d'intérêt biologique et environnemental, soit une superficie de 750.000 hectares. Mais est-ce suffisant? Parmi les régions qui subissent le plus l'effet pervers du développement rapide que connaît le Maroc, celles du littoral. Le pays jouit d'une côte longue 3446 Kms. Une richesse. Ce qui explique la concentration de population dans ces régions. 62% des citadins marocains y vivent. 80% des activités industrielles s'y trouvent situées également. Sauf que les facteurs de dégradation de cet environnement sont nombreux ; l'urbanisation, la concentration des unités industrielles sur les régions côtières, l'aménagement de terres agricoles, l'exploitation outrancière des carrières de sable, pour répondre à la demande d'un secteur du bâtiment en pleine essor. L'effort de pêche démesuré est, de son coté, une autre menace qui pèse sur les côtes marocaines, ainsi que l'augmentation du trafic maritime. Il est donc question de prendre le taureau par les cornes et de parer à la dégradation constatée de l'environnement du pays, ce qui ne peut se faire sans le participation de tous. Il est étonnant de constater que les gens peuvent être à la fois conscients et se comporter de manière inconsciente et insouciante. Demandez à n'importe quel citoyen marocain ce que veut dire «préserver l'environnement» et il se lancera dans une longue dissertation sur la pollution et les changements climatiques. Alors que le comportement des Marocains est loin de dénoter d'une prise de conscience écologique assumée. Le consumérisme est entrain de devenir un fait de société. Enormes potentiels d'énergie propre et…d'économie ! Autre travers à dénoncer, le fait que les citoyens attendent toujours ce que l'Etat va faire pour résoudre tel ou tel problème, mais ne se posent jamais la question de savoir ce qu'ils doivent eux même faire pour participer à la résolution de ces problèmes qui les concernent pourtant de manière directe. Là, il est question de l'avenir des prochaines générations qui est en jeu. Ainsi que de l'état de santé des générations actuelles. Et outre les efforts législatifs et opérationnels pour préserver le patrimoine naturel du Maroc, c'est au niveau même des comportements quotidiens des citoyens qu'un profond changement doit être réalisé. C'est difficile, mais pas impossible. Il suffit que tous les citoyens prennent conscience que c'est de gestes concrets qu'il faudrait faire preuve. Ce qui est attendu de tous, c'est de faire l'effort sur soi même de perdre certaines mauvaises habitudes et de prendre l'habitude de meilleurs comportements. Pour donner aux générations à venir une chance de vivre dignement. Les responsables politiques, pour leur part, semblent bien conscients de la menace qui pèse sur l'avenir du pays et de l'ampleur des changements à apporter pour remédier à cette situation. La mise en oeuvre de programmes de lutte contre la pollution, ainsi que d'instruments incitatifs et financiers pour ce faire en témoigne. Il existe, comme instruments de veille environnementale, l'Observatoire national de l'environnement et les observatoires régionaux de l'environnement et du développement durable, qui assurent un suivi permanent, outre le développement d'outils d'aide à la prise de décision. Ainsi que des Comités régionaux des études d'impact sur l'environnement. Sur le terrain et préalablement à la réalisation des infrastructures de base, le ministère de l'Equipement procède à des études d'impact sur l'environnement et ce pour tous les projets d'infrastructure. Les impératifs du développement socio-économique du pays ne sont pas omis, mais c'est la manière même de concevoir ce développement qui est entrain d'évoluer vers le concept de durabilité. Le terme développement durable désigne un développement qui répond aux besoins des générations actuelles sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Ainsi en est-il du secteur de l'énergie, puissant levier du développement s'il en est. A ce sujet, le Maroc, importateur de l'énergie fossile sous forme d'hydrocarbures, à tout intérêt à exploiter au mieux son potentiel en énergie renouvelables, ce qu'il ne va pas manquer de faire, à travers la mise en oeuvre d'une stratégie ambitieuse, qui comporte également un volet consacré à l'efficacité énergétique. Le Maroc possède un potentiel d'énergie solaire très important, grâce à une irradiation moyenne de plus de 5 KWh par m2 et par jour et de 3000 heures d'ensoleillement par an. Et l'exploitation de cette source d'énergie pour la production d'électricité est à l'ordre du jour. Pas plus longtemps que le 2 novembre 2009, Sa Majesté le Roi Mohammed VI a lancé un vaste programme intégré de production électrique à partir de l'énergie solaire. Il s'agit de construire, entre 2015 et 2019, sur cinq sites, des centrales électriques d'une puissance totale de 2000 MW. Leur mise en service va signifier l'économie d'un million de tonnes équivalent pétrole et d'éviter l'émission de 3,7 millions de tonnes de dioxyde de carbone par an. Le Maroc dispose aussi d'un potentiel éolien considérable, estimé à près de 25000 MW. 2280 MW d'énergie électrique sera ainsi produite d'ici 2020 et 6.000 MW à l'horizon 2030. La protection de l'environnement est devenue un enjeu majeur dans les relations internationales. L'échec du sommet de Copenhague sur le réchauffement climatique ne signifie pas pour autant que la partie est finie. Les partenaires occidentaux du Maroc se sont déjà résolument engagés dans la lutte contre les émissions des gaz à effet de serre. Il faudrait s'attendre à ce que le respect des normes environnementales devienne, dans un proche avenir, un moyen d'accès privilégié aux marchés internationaux. Le Ministère de l'Environnement a mis en place un système de management environnemental, dans le but de recenser l'impact de l'activité humaine sur les différentes composantes de l'environnement et de mettre à niveau la gestion environnementale des villes. Ce département envisage de tester ce système, dans le cadre d'une expérience pilote, dans les villes de Benslimane et Ifrane, avant de l'étendre aux autres villes intéressées. Le modèle marocain en matière de gestion de l'environnement, c'est Marrakech. Cette ville gère de manière édifiante son environnement. La formule est simple: propreté, multiplication et entretien des espaces verts. Marrakech a obtenu la certification ISO 14001 en 2007. Tout incite les Marocains à prendre le train de l'avenir en marche, en adoptant la culture et les comportements adaptés qui le permette. A commencer par s'engager dans l'élaboration de la Charte de l'environnement et dans son application.