Le gouvernement peine à faire avancer les discussions sur le projet de loi relatif à l'exercice du droit de grève. Même si le texte est censé être soumis aux députés avant la fin de la session parlementaire du printemps, conformément à l'accord social du 29 avril 2024, l'accord tant attendu est reporté. Devant les Conseillers, le Chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, a surpris tout le monde en promettant un accord pendant le prochain round du dialogue social, prévu en septembre. Cela dit, à défaut d'une convergence de vues avec les partenaires sociaux, l'Exécutif n'a nul autre choix que de déroger une nouvelle fois au calendrier initial, quitte à mécontenter le patronat qui appelle depuis longtemps à accélérer la sortie de cette loi organique. Cela fait plus de deux ans que la CGEM se montre si pressée de voir ce texte adopté au Parlement, au point de conditionner la mise en œuvre des hausses du salaire minimum. Mais les choses ne sont pas si simples que ça. Les syndicats ne partagent pas la vision patronale et veulent à tout prix garder intact un droit précieux, garanti par la Constitution, alors que les patrons veulent les encadrer plus strictement. Le patronat semble dans une logique mercantile en voulant concéder les hausses salariales en échange d'une réforme du Code du travail plus flexible pour les chefs d'entreprises et d'une loi plus ou moins dure à l'égard des grévistes. Une logique perçue comme un marchandage déguisé par les syndicats qui n'acceptent de restreindre le recours à la grève sous aucun prétexte, parce qu'il s'agit, pour eux, de l'unique moyen de se prémunir contre les abus des employeurs. Plus des deux tiers des grèves observées au Maroc sont dues à des violations du Code du travail. Il faudrait donc un argument irréfutable, mais difficilement concevable, pour convaincre les syndicalistes à lâcher du lest. Difficile de l'imaginer d'autant plus que les centrales syndicales se sont déjà engagées auprès de leurs bases à ramener un texte favorable aux travailleurs. Quelles que soient les positions des uns et des autres, la consolidation du recours à la grève comme droit inaliénable peut avoir un effet vertueux au sein de l'entreprise vu la sérénité qu'elle peut ancrer dans l'esprit des salariés, pour qui la grève n'est pas un luxe mais un moyen légitime de pression. Au milieu de ce bras de fer, le ministre de tutelle, Younes Sekkouri, est tenaillé, ce qui laisse deviner que seule l'implication personnelle du Chef du gouvernement lors du prochain round pourrait peser sur le cours des pourparlers.