«Rien n'a d'importance sans nous», telle est dorénavant la devise des personnes en situation de handicap. Cette catégorie sociale, largement marginalisée, est en train de développer sa position et sa condition dans la société, de réclamer un minimum de dignité et une égalité des chances, à travers un ensemble de processus de développement, de programmes et stratégies inclusives. Le point de départ de cette bonne action est la ratification de la convention internationale des droits des personnes handicapées et de son protocole facultatif, par Sa Majesté Mohammed VI, le 10 décembre 2008, lors du 60ème anniversaire de la Déclaration Universelle des droits de l'Homme. Cet engagement s'est traduit par un projet de loi (estimé par les experts compatible avec la convention internationale) auquel ont participé institutions gouvernementales et société civile et qui sera bientôt soumis à «l'expertise» devant le parlement. Cependant, l'objectif de cette mobilisation ne réside pas dans la signature des conventions ni dans les textes de loi, mais dans leur application sur le terrain et dans le suivi/évaluation. D'autant plus que la prise de conscience des souffrances de ces personnes, de leurs familles et du coût de l'handicap pour le pays ont nécessité l'action transversale, entreprise par les différents acteurs, selon une approche participative et de droits. Lors de la dernière session de formation des secteurs gouvernementaux, organisée par le Ministère de Développement social, de la Famille et de la Solidarité (MDSFS), en partenariat avec l'Organisation Arabe des Personnes Handicapés (OAPH), plusieurs points positifs ont été relevés. Tout d'abord, la transversalité de l'action, attestée par la présence des représentants des différentes institutions gouvernementales, l'élaboration du projet de loi pour la protection des personnes en situation du handicap, la «lutte» pour le développement inclusif de ces personnes, la conjugaison des efforts Faire pression pour l'application des textes Imad Eddine Chakir, président de l'OAPH, créée en 1998, a parlé des efforts déployés pour la cause, après la signature de la convention et de la nécessité de sessions de formation pour sensibiliser sur les textes de loi. Ces législations, sont, certes venus à point nommé mais ont besoin de textes exécutifs. La promulgation de la ratification par le Maroc et par d'autres pays arabes, de la convention des droits des personnes handicapées, entrée en vigueur le 3 mai 2008, est une première pour cette catégorie sociétale. Seulement, pour faire le «monitoring» ou suivi de la convention, qui pouvait rester lettre morte, il faut bien organiser quelques séminaires de formation au profit de la société civile et des différents acteurs gouvernementaux, leur expliquer les différents articles de ladite convention, introduire le handicap et la promotion des personnes handicapées dans toutes les politiques publiques et faire pression sur les gouvernements pour l'application de ces textes de loi dans tout programme gouvernemental. Pour ce qui est de la femme handicapée, elle est doublement handicapée dans certains pays arabes, à des différences près. Si les lois pour la promotion des personnes handicapées existent dans chaque pays arabe, tous n'ont pas de textes d'application. Développement inclusif des personnes en situation de handicap Rachid Guennouni, représentant de Mme Nouzha Skalli, ministre du DSFS a parlé du plan stratégique 2008-2012 et du plan d'action national 2008-2017, dont le principal axe d'intervention est le développement inclusif des personnes en situation de handicap. Cette volonté est à traduire dans toute politique publique, au niveau de tous les secteurs gouvernementaux, privés, collectivités locales, organisations non gouvernementales ou internationales de droits, parlement, partis et bien sûr, la société civile. Après l'élaboration de la stratégie nationale de la prévention des handicaps, le MDSFS se penche actuellement sur le dossier des autistes. Et en 2012 sera finalisée la stratégie nationale de développement inclusif des personnes en situation de handicap. Considérer la personne en situation de handicap comme une entité à part entière dans la société Que du chemin parcouru par le mouvement de la promotion de la personne handicapée au niveau arabe, affirme pour sa part, Jahda Abou Khalil, Directeur Général de l'OAH. Le sentiment de pitié et de protection «planent» encore sur certains pays arabes alors que, c'est l'approche de droit qu'il faut considérer dans la prise en charge de cette catégorie de la société. Les récentes conventions poussent à considérer l'handicapé comme une personne intègre, une entité à part entière de la société. Au Maroc, comme indiqué par M. Adnane El Jazouli du MDSFS, la politique du ministère vise l'approche participative et de droit. Il est difficile dans certains pays de parler de droits des handicapés, partie prenante de ce tissu social avec lequel il faut se comporter sans discrimination. Pour ce qui est de la femme, elle est triplement handicapée, de part sa condition physique, sa condition féminine et par rapport à sa provenance, pour la plupart d'un milieu défavorisé, marginalisé et pauvre. De part notre action pour la promotion de la condition de la personne handicapée, on s'est rendu compte, dans nos périples, au sein du monde arabe, qu'il faudrait, dans certains pays, une coordination entre les différents ministères. Le Ministère de la Santé n'a aucune idée des efforts déployés dans le domaine de l'handicap par le ministère de l'éducation et vice versa…, ce qui nécessite une action transversale et selon une approche participative. Pour ce qui est de bonnes pratiques ou bonnes expériences de certains pays arabes, Mme Jahda a cité la Syrie, laquelle a des points focaux au niveau de chaque ministère, sous les directives du conseil supérieur des personnes handicapées, lequel fait partie du ministère du développement. Pour ce qui est d'instituer un quota dans toute politique publique pour les personnes en situation de handicap, Jahda Abou Khalil opte plutôt pour l'égalité des chances, l'application des textes de loi et la conformité dans le travail. « Même si le quota existe dans certains pays arabes, la plupart ne tiennent pas leurs promesses. En plus, certaines sociétés préfèrent donner de l'argent plutôt que de faire travailler un handicapé ». Levée des barrières et développement intégré pour une meilleure insertion des personnes handicapées Pour M. Abdelmajid Makni, Coordonnateur Régional de la région Fès Boulemane à l'Agence de Développement Social, le projet de loi tient compte de tous les concepts véhiculés par la convention, en particulier le concept inclusif, élément transversal permettant à tous les acteurs d'introduire dans leurs programmes la notion d'handicap et de retrouver toutes les doléances des personnes handicapées. Ce texte de loi est actuellement en cours d'étude. Une fois présenté au Conseil du Gouvernement, il ferait du Maroc l'un des premiers pays à avoir adopté une loi concernant les handicapés, s'adaptant avec les principes de la convention internationale. Son importance réside également en la forte participation des personnes concernées dans sa conception, conformément à la convention, qui insiste sur le fait que rien ne se fait sans la participation des personnes handicapées. D'après l'enquête nationale réalisée en 2004, et promulguée en 2006, le nombre de personnes handicapées avoisine le un million et demi. Autrement dit, une famille sur quatre est touchée par l'handicap. Seulement, il ne faudrait plus considérer les chiffres mais la levée des barrières qui permettraient l'insertion des personnes handicapées, surtout que notre société est en pleine mutation. Un développement intégré, permettant à l'ensemble des citoyens de jouir de ses droits, de se retrouver et d'avoir une place dans la société. La discrimination des personnes handicapées n'a plus de mise avec tous les principes de la convention. A savoir que l'enquête nationale sur les personnes en situation du handicap a révélé un certain nombre de discordances se rapportant particulièrement à l'éducation : 2 % des personnes qui ont suivi une formation accèdent à une formation universitaire. Du côté de l'emploi, les personnes handicapées se confinent dans l'auto emploi. Quoique, plusieurs efforts soient déployés dans le secteur de la santé, il n'y a pas encore une réponse adéquate aux besoins spécifiques des personnes handicapées. D'autant plus que ce sont les plus pauvres des pauvres au Maroc. C'est pour cela que l'une des priorités est la réduction de la pauvreté à travers différents mécanismes élaborés par les ministères et qui profiteraient à l'intégration de ces citoyens, encore marginalisés. On parle toujours dans les textes de lois de l'intégration de la personne handicapée mais très peu de la situation de la femme handicapée. Si l'on considère le CEDAW, il n'a fait allusion à la situation de la femme handicapée qu'à travers le recommandation 18, une action minime par rapport à une frange de la population qui constitue au Maroc plus de 55 % des marocains(es)s.