Les forêts marocaines subissent de plein fouet les dégâts de la gestion non-durable, de la surexploitation et du changement climatique, selon le Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE) qui prône une approche inclusive de développement de ce domaine. Détails Au moment où le Maroc s'efforce à lutter contre la rareté de l'eau en raison de la succession des années de sécheresse, un autre patrimoine naturel, non moins important, reste toujours très peu protégé malgré les mille et une mesures. C'est la conclusion rendue par le Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE) dans son dernier avis intitulé : « Les écosystèmes forestiers du Maroc : risques, défis et opportunités ». Le rapport qui vient d'être examiné par la Commission compétente à la Chambre des Représentants tire la sonnette d'alarme sur la situation de la forêt marocaine. Le patrimoine forestier couvre 13% de la superficie totale du territoire national et fait vivre 50% de la population rurale, soit près de 7 millions d'habitants. Sans nul doute, « ces écosystèmes, caractérisés par une très riche biodiversité, jouent un rôle crucial, notamment dans la régulation du cycle de l'eau, l'adaptation au changement climatique et la contribution à la sécurité énergétique et alimentaire », souligne le Conseil dirigé par Ahmed Reda Chami. Sur le plan économique, le domaine forestier contribue à hauteur de 1,5% au PIB et génère près de 10 millions de journées de travail, soit l'équivalent de 50.000 emplois permanents. Outre cela, le secteur forestier couvre 30% des besoins en bois d'œuvre et d'industrie, assure 17% des besoins en alimentation du cheptel et représente 4% de l'offre mondiale de liège.
Dégradation continue
Pourtant, près de 17.000 hectares du capital forestier se dégradent chaque année en raison des effets négatifs du changement climatique couplés aux pressions anthropiques excessives. Le Conseil pointe également du doigt l'absence d'une véritable offre écotouristique, le prélèvement excessif du bois de feu estimé à 3 millions de tonnes par an ainsi qu'une surexploitation fourragère excédant de deux à trois fois la capacité de charge. Si le Maroc avait déjà mis en place en 2020 la stratégie « Forêts du Maroc 2020-2030 », promise à rendre le secteur forestier plus compétitif et durable, préserver et développer l'ensemble des ressources naturelles, l'évaluation de son impact sur le secteur demeure prématurée à ce stade de déploiement, selon le Conseil de Chami. Mais une chose est sûre : la protection et le développement de l'écosystème forestier nécessitent une convergence des approches. Ainsi, il est question, selon le CESE, d'établir un code forestier qui recense, regroupe et actualise les dispositions juridiques y afférentes. Dans ce code seront notamment explicités les droits et obligations de toutes les parties prenantes, les méthodes de préservation de la biodiversité, d'amélioration de l'état de santé des écosystèmes et de lutte contre les incendies de forêts ainsi que les modalités de sécurisation du domaine forestier. Population locale VS pouvoirs publics
Dans cette même perspective, le Conseil appelle à acter une réhabilitation des écosystèmes forestiers en passant progressivement d'un droit d'usage accordé aux populations locales à une récupération par l'Etat de ce droit dans toutes les aires protégées, en proposant des activités alternatives aux populations concernées. L'idée étant de préserver le capital forestier de la surexploitation. Au regard du Conseil de Chami, il est temps d'augmenter, conformément aux engagements internationaux du pays, l'espace des aires protégées pour les faire passer progressivement de 3,76 % actuellement à 30% en 2050. En outre, le CESE recommande une intensification des opérations de reboisement et de régénération naturelle en identifiant le potentiel des espaces à reboiser et en organisant à l'échelle nationale des campagnes de plantation. A cet égard, le Conseil privilégie l'action de promouvoir les investissements durables, et ce, à travers l'octroi d'incitations fiscales aux entreprises impliquées. La population locale ne devrait guère être exclue dans le processus de développement de notre capital forestier. Ainsi, le Conseil privilège d'accompagner les groupements de populations dépendantes et les éleveurs, en favorisant le développement de l'économie sociale et solidaire. Cela passe notamment par la mobilisation de subventions imputées sur le Fonds national forestier pour soutenir les projets de plantation d'arbres fruitiers et de plantes aromatiques et médicinales sur les terres privées et collectives. La technologie au service de la forêt Dans un contexte où la technologie continue de faire ses preuves dans plusieurs domaines, l'instance appelle à profiter des solutions qu'offre l'Intelligence Artificielle pour relever les défis liés à la protection et au développement de nos forêts, et ce, en s'appuyant sur les expertises avérées développées par le secteur privé. Une mobilisation efficace et efficiente de l'Intelligence Artificielle permettra, selon la même source, d'effectuer les opérations de suivi des plantations, la surveillance et la lutte contre les incendies de forêts, entre autres. Le Conseil aborde également l'importance de valoriser les ressources forestières à travers le développement de concessions forestières éco-responsables et transparentes au bénéfice de la population dépendante et des entreprises locales, tout en favorisant la sylviculture, notamment par la mise en place de la certification forestière dans le secteur forestier, la révision du statut des arbres forestiers à forte valeur économique et commerciale pour les appréhender en tant qu'arbres fruitiers (exemple édifiant de l'arganier dans le domaine privé).
Ecotourisme
Outre cela, le Conseil insiste sur l'importance de développer l'écotourisme dans les aires protégées en tenant compte de leurs spécificités culturelles, territoriales et écologiques. Cette filière peu développée au Maroc est la voie à parcourir, selon l'instance de Chami, pour valoriser le potentiel forestier dont dispose le Royaume. Le ministère de l'Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et Forêts semble conscient des défis qui entravent sa stratégie visant à valoriser et à développer la forêt marocaine. Intervenant, mardi, lors des discussions autour des recommandations du Conseil, le ministre de tutelle, Mohammed Sadiki, a relevé la nécessité de revoir l'approche de protection de l'eau et la forêt en engageant toutes les parties prenantes dans la gestion du domaine forestier. Il a exprimé l'intention de son département à modifier les textes de loi qui organise ce domaine. Des instances à opérationnaliser
Dans son avis sur la situation des écosystèmes forestiers, le Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE) a pointé du doigt le manque d'implication des différentes parties prenantes. Selon l'instance, la création du Conseil National des Forêts (CNF), destiné à contribuer dans la mise en place de la politique du gouvernement en matière de développement économique des zones forestières et de parcours, n'a pas donné les résultats escomptés, du fait que le CNF ne s'est réuni qu'une seule fois en 2015 pour discuter du bilan de la mise en œuvre des différents plans forestiers. Le Comité national de la biodiversité, créé pour assurer le suivi de l'élaboration de la stratégie et du plan d'action national concernant la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité, n'est toujours pas pleinement opérationnel, et ce, faute d'absence d'un cadre réglementaire approprié et d'un système d'information intégré permettant le recensement des espèces et le suivi de la biodiversité.