La disponibilité permanente d'une électricité de qualité et à un coût abordable renforcera la résilience des populations mais aussi accélérera l'industrialisation de l'Afrique. Telle est l'ambition affichée par la Banque africaine de développement à travers projets porteurs au moment où le changement climatique s'invite dans tous les débats. Grille de lecture. Au lendemain de la tenue de la COP28 de Dubaï, on ne peut terminer l'année 2023 sans parler des projets structurants de la Banque africaine de développement (BAD) dans le domaine de l'électrification. Un sujet qui a dominé les débats sur la question fondamentale à savoir : produire des énergies propres ou décarbonées. D'ailleurs, les participants à cette conférence sur le climat n'ont pas pu faire une déclaration commune à ce sujet. En effet, demander aux pays en développement, notamment ceux de l'Afrique, de renoncer aux énergies fossiles et au gaz pour s'orienter vers les énergies renouvelables redeviendrait à leur couper une source de revenu importante. Une manne financière qui devrait accélérer leur développement, leur industrialisation. Mais cela est un autre débat car la protection de l'environnement incombe à tous les Etats du monde. Même si des institutions telles que le Fonds pour l'économie circulaire en Afrique (ACEF), le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) et l'Alliance africaine pour l'économie circulaire (ACEA), les différentes parties prenantes s'accordent à dire que l'Afrique peut être un pôle d'opportunités pour lutter contre le changement climatique. D'ailleurs, Anthony Nyong, directeur du Département du changement climatique et de la croissance verte à la Banque africaine de développement, souligne pour sa part qu'en Afrique, l'économie circulaire représente un marché annuel d'environ huit milliards de dollars. Selon lui, le continent a de nombreuses possibilités non seulement de s'attaquer au changement climatique, mais aussi de se positionner comme une solution mondiale pour résoudre la crise climatique.
Dans ce contexte, l'Initiative Desert to Power, à laquelle le Fonds africain de développement vient d'accorder un prêt de 303 millions de dollars pour financer un projet d'interconnexion électrique de 225kV entre la Mauritanie et le Mali, constitue un coup d'accélérateur dans l'électrification de ces Etats. Car le secteur industriel et la population pourront en profiter.
Opportunités d'entrepreneuriat agricole Dans le détail, cet appui du guichet concessionnel du Groupe de la Banque africaine de développement comprend 269,6 millions de dollars pour la Mauritanie et 33,3 millions de dollars pour le Mali. Le reste du financement du projet, d'un coût d'environ 888 millions de dollars, sera fourni par d'autres partenaires et des fonds climatiques. Selon la BAD, le projet a pour objectif d'établir une interconnexion électrique haute tension sur 1 373 kilomètres, avec une capacité de transit de 600 mégawatts (MW) entre les deux pays, de construire une centrale solaire de 50 MW à Kiffa, en Mauritanie, reliée à l'interconnexion, et de connecter 100.000 nouveaux ménages (80.000 en Mauritanie et 20.000 au Mali) au réseau électrique dans les localités traversées. En outre, le projet permettra de créer des opportunités d'entrepreneuriat agricole et de services pour les jeunes et les femmes. Opération prioritaire de l'Initiative Desert to Power, ce projet est inscrit dans la feuille de route régionale approuvée en 2021 par les pays bénéficiaires du programme. Il s'agit d'un premier tronçon de la dorsale trans-sahélienne devant relier la Mauritanie au Tchad, en passant par le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Pour l'institution financière panafricaine l'interconnexion permettra de développer de nouvelles centrales d'énergie renouvelable, dont la production sera plus intégrée aux réseaux interconnectés. Sa mise en exploitation facilitera l'accès à une électricité de qualité, à faible teneur en carbone et à un prix abordable. En effet, la disponibilité permanente d'une électricité de qualité et à un coût abordable renforcera la résilience des populations dans les localités bénéficiaires. Au Mali, le projet interviendra dans la région de Kayes et bénéficiera à 500.000 habitants dont 20.000 ménages répartis dans les 50 localités qui seront raccordées au réseau. C'est dire l'importance dudit projet.
Fiabilité et flexibilité Ce n'est pas tout. Car dans la même année qui s'achève, le Fonds pour l'énergie durable en Afrique de la BAD a accordé 9,72 millions de dollars pour moderniser la flotte hydroélectrique africaine. Il s'agit d'intensifier le Programme de modernisation de l'hydroélectricité en Afrique, un guichet unique qui remet en état les systèmes hydroélectriques africains afin d'en améliorer la fiabilité et la flexibilité. À travers ce nouveau financement, le Programme de modernisation de l'hydroélectricité en Afrique étendra la modernisation d'une réserve de douze projets menés par le secteur privé dans huit pays sélectionnés sur une base concurrentielle. Les travaux physiques et les activités de préparation permettront d'augmenter la capacité disponible de 570 mégawatts (MW) pour un investissement estimé à un milliard de dollars, y compris de la part du secteur privé, soutient la BAD. Les travaux réduiront également les émissions de gaz à effet de serre de 1700 kilotonnes d'équivalent CO2 par an. Les projets comprennent la modernisation du système d'eau de refroidissement de la centrale soudanaise de Roseires, d'une capacité de 280 MW, afin de réduire les arrêts forcés, et le remplacement des équipements électromécaniques de plus de 60 ans de la centrale Lubilanji 1, d'une capacité de 7 MW, en République démocratique du Congo. Ce qui fait dire aux experts climatiques que l'année 2023 augure d'un réel espoir dans l'électrification du contient.
Bon à savoir Lancée en 2019, Desert to Power est une initiative conçue et mise en œuvre par la Banque africaine de développement. Son objectif est d'exploiter le potentiel solaire de onze pays du Sahel (Burkina Faso, Tchad, Djibouti, Erythrée, Ethiopie, Mali, Mauritanie, Niger, Nigeria, Sénégal et Soudan) par des investissements dans la production solaire et la fourniture d'un accès à l'électricité. L'initiative a pour ambition d'augmenter la capacité de production solaire de 10 gigawatts d'ici à 2030 grâce à des projets publics et privés, en réseau et hors réseau, afin de permettre à 250 millions de personnes d'avoir accès à l'électricité. Quant au Fonds pour l'énergie durable en Afrique (SEFA), il s'agit d'un fonds spécial multi-donateurs qui fournit des financements catalytiques pour débloquer les investissements du secteur privé dans les énergies renouvelables et l'efficacité énergétique. L'objectif principal du SEFA est de contribuer à l'accès universel à des services énergétiques abordables, fiables, durables et modernes pour tous les Africains, conformément au « New Deal » pour l'énergie en Afrique et à l'Objectif de développement durable n°7 des Nations Unies.