Au moment où l'Ordre international se métamorphose et où les rapports de force changent, le Maroc opte pour une diplomatie de résilience, dont Nasser Bourita définit les contours. Détails. Dans le tumulte des bouleversements géopolitiques auxquels on assiste actuellement, un nouveau monde est en gestation. Un monde de plus en plus multipolaire où les tensions entre grandes puissances et les conflits reviennent en force, succédant à une courte période de paix éphémère après la chute du Mur de Berlin. Guerre en Ukraine, conflit au Proche Orient, coalition des puissances émergentes sous l'étendard élargi des BRICS, montée en puissance de la Chine, réveil de l'Afrique, quasi-faillite des Nations Unies, autant d'indices qui montrent à quel point un nouveau monde se profile à l'horizon. Finie l'époque du monopole occidental de la puissance, comme l'a décrite pertinemment l'ex-ministre français des Affaires étrangères Hubert Védrine dans une interview précédente accordée à « L'Opinion ». Cela dit, le système international hérité de 1945 semble de plus en plus désuet compte tenu de la nouvelle balance des rapports de force. Dans ce nouveau monde où on parle de plus en plus de "Sud Global" qui émerge en opposition à la domination occidentale, le Maroc rebat ses cartes en tirant les conclusions nécessaires. Ce système international, tel qu'on le connaît, est en agonie, aux yeux du ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, qui a fait cette remarque lors de son dernier passage à la Commission des Affaires étrangères, de la Défense nationale, des Affaires islamiques et des MRE où il a présenté le budget de son département au titre de l'année 2024. Une occasion pour lui de mettre en avant la vision marocaine des mutations sur l'échiquier international et la nouvelle stratégie diplomatique du Royaume. Le Chef de la diplomatie marocaine a souligné que de nouveaux paradigmes régissent désormais les affaires internationales, citant le conflit russo-ukrainien comme exemple pour illustrer cette mutation. Cette guerre, aux yeux de Bourita, a propulsé le monde dans une période critique où les frictions entre les puissances se font de plus en plus nombreuses. En effet, la guerre ukrainienne a montré que le monde n'est pas homogène et qu'il demeure divisé. L'Occident, sous la houlette de l'Union Européenne et des Etats-Unis, n'a pas pu rallier toute la communauté internationale pour condamner la Russie. Le fameux vote de mars 2022 à l'Assemblée Générale de l'ONU a montré cela puisque plusieurs pays, dont la Chine, l'Inde, le Brésil et d'autres, qui représentent une grande partie de l'humanité, se sont abstenus. La mutation du monde telle que vue par Bourita Le conflit meurtrier au Proche Orient et l'agression israélienne contre Gaza qui soulève une vague d'indignations au sein même des pays occidentaux confirment cette mutation que connaît le monde actuellement. Raison pour laquelle Nasser Bourita, sur la base de tous les facteurs susmentionnés, a estimé que le système international tel qu'on le connaît est "en agonie". De nouveaux paradigmes surgissent qui redéfinissent même le concept de puissance, lequel ne repose plus sur la force militaire. Du point de vue de Nasser Bourita, la puissance militaire n'est plus le facteur décisif qui tranche les conflits internationaux étant donné, estime-t-il, que d'autres facteurs interviennent de plus en plus. Le nouveau monde est marqué par la résurgence du nationalisme effréné et le repli sur soi, ce qui contraste avec les idéaux de la mondialisation dite "heureuse" qui s'est basée sur le démantèlement des frontières, le libre-échange et le cosmopolitisme. Ceci n'est plus à l'ordre du jour autant qu'il l'était au début des années 2000. Les temps ont changé avec la montée des partis souverainistes en Europe, et même aux Etats Unis (l'élection de Donald Trump en est le symptôme), et partout dans le monde, ce qui risque de donner libre cours à de nouveaux conflits.
La diplomatie de la résilience dans un monde chamboulé L'Afrique demeure l'un des continents qui subissent le plus toutes ces mutations à tous les niveaux (économiques, politiques, etc...). "A peine on est-on sorti des ravages de la pandémie que le continent s'est retrouvé seul face aux conséquences de la guerre en Ukraine qui a menacé sa sécurité alimentaire. Les pays africains se voient aussi prisonniers des antagonismes entre grandes puissances, dont la Russie, la Chine, les ex-puissances coloniales européennes et les Etats-Unis, qui se cherchent des zones d'influence. Bras de fer économique entre Chinois et Américains, entrée sur scène de pays émergents, comme la Turquie, qui multiplient les investissements, recul de la France au profit de la Russie dont les milices Wagner s'installent de plus en plus dans les pays du Sahel... autant d'exemples qui illustrent comment le continent suscite les convoitises internationales. Au milieu de ce vacarme et de ces luttes géopolitiques, le Maroc se fait sa propre vision que Nasser Bourita a pris soin d'expliciter de la façon la plus simple. Avec une vision réaliste, le Maroc, selon Nasser Bourita, entend conduire une diplomatie qui réunit l'esprit d'initiative et la capacité de résistance aux chocs externes et aux bouleversements géopolitiques. Aussi, le Royaume veut-il tirer profit des opportunités qui en découlent pour se positionner confortablement sur la scène mondiale, que ce soit sur le plan régional ou international. Partenariat stratégique avec l'UE, alliance avec les Etats-Unis, diversification des partenaires avec l'ouverture sur la Chine, l'Inde et la Russie, renforcement des liens en Afrique... le Maroc vise toutes les directions. En témoigne son adhésion à l'initiative chinoise de la « Route de la soie » et la préservation d'une alliance quasi-exemplaire avec l'Union Européenne dont il est l'un des pays ciblés par le plan Global Gateway. Le Royaume, rappelons-le, a bénéficié de plusieurs investissements dans les énergies renouvelables et la numérisation dans le cadre de ce plan européen. Cette diplomatie d'équilibre permet d'avoir de bonnes relations avec tout le monde et accroître la capacité de résilience. En gros, ceci fait du Maroc un interlocuteur privilégié et respecté, notamment dans les questions de sécurité et de développement.
Instances multilatérales : L'importance d'une présence diplomatique plus large Nasser Bourita, qui a en partie rendu compte aux députés du bilan de l'action de la diplomatie marocaine, a indiqué que le Maroc a renforcé sa présence diplomatique en prenant activement part aux différents débats sur les questions internationales dans les instances multilatérales. Le Chef de la diplomatie marocaine a souligné que le Maroc ambitionne d'avoir un rôle plus déterminant dans les réunions multilatérales pour mieux faire entendre sa voix à la fois au niveau des instances des Nations Unies et de celles de l'Union Africaine.