Samedi dernier, les dirigeants des pays ont pris part au Sommet extraordinaire arabo-islamique à Riyad pour trouver une solution au massacre que vit la Palestine. Tout en dénonçant le mutisme occidental, les pays arabes ont décidé de faire front commun dans cette affaire. Des hôpitaux privés d'électricité, des bombardements aériens à longueur de journée, des centaines de milliers de Palestiniens forcés de quitter leurs foyers... c'est dans ce contexte que s'est tenu le Sommet extraordinaire arabo-islamique à Riyad en Arabie Saoudite, dont l'objectif primaire est de mettre fin au massacre israélien à Gaza, qui a conduit à la mort de plus de 11.000 Palestiniens, dont 4.500 enfants. L'inquiétude est à son comble, alors que les hôpitaux qui contenaient le compteur des décès peinent à fonctionner faute d'électricité. Le chef de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, s'est alarmé tôt le dimanche d'avoir perdu le contact avec ses interlocuteurs au sein de l'hôpital al-Chifa de Gaza-ville, le plus grand du territoire, objet d'«attaques répétées». Médecins sans Frontières (MSF) redoute qu'en l'absence d'un cessez-le-feu, les urgences deviennent « des morgues ». Raison pour laquelle SM le Roi Mohammed VI a appelé lors du Sommet arabo-islamique à un sursaut de la conscience humaine et à une action commune pour que cesse le massacre de vies humaines dans la Bande de Gaza. Le discours du Souverain, dont lecture a été donnée par le Chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, a déterminé quatre priorités urgentes.
Vérité historique
La première priorité consiste à induire une désescalade urgente et concrète, mettre fin aux agressions militaires, pour aboutir à un cessez-le-feu durable et vérifiable. La deuxième est de garantir la protection des civils de sorte qu'ils ne soient plus pris pour cible, conformément au droit international et au droit international humanitaire. La troisième priorité est, selon le Souverain, de permettre l'acheminement fluide et en quantités suffisantes des aides humanitaires au profit des populations de Gaza, tandis que la quatrième consiste à projeter une perspective politique pour la question palestinienne de nature à relancer la solution à deux Etats, tel que convenu par la communauté internationale.
SM le Roi a, par ailleurs, soutenu que l'avenir de la région ne saurait tolérer les surenchères creuses, et encore moins les agendas et les calculs « étriqués », assurant que cette conjoncture cruciale exige d'être appréhendée en ayant chevillée au corps la responsabilité historique qui s'appuie sur quatre postulats. Le premier postulat est qu'il n'y a pas d'alternative à une paix réelle dans la région garantissant aux Palestiniens leurs droits légitimes dans le cadre de la solution des deux Etats. Deuxièmement, « il n'y a pas d'alternative à un Etat palestinien indépendant avec Al Qods-Est pour capitale », a affirmé le Souverain. Le troisième postulat est qu' «il n'y a pas d'alternative au renforcement de l'Autorité palestinienne », sous le leadership du Président Mahmoud Abbas Abou Mazen. Le dernier est qu' «il n'y a pas d'alternative à la mise en place de mécanismes pour une sécurité régionale durable, fondée sur le respect du droit international et des référentiels y afférents, tels qu'universellement reconnus ».
Position arabe unifiée ! Tout en confortant les positions exprimées par SM le Roi Mohammed VI, les dirigeants des pays qui ont pris part au Sommet extraordinaire arabo-islamique ont réaffirmé de leur côté que l'Organisation de Libération de la Palestine (OLP) est le représentant légitime et unique du peuple palestinien. Ils ont appelé à ce propos toutes les factions et les forces palestiniennes à s'unir sous sa bannière et à assumer leur responsabilité dans le cadre d'un partenariat national répondant aux aspirations du peuple palestinien, sous la direction de l'OLP. Les ministres arabes ont également appelé la communauté internationale, lors du Sommet, à bouger dans le cadre des prérogatives du droit international, s'exclamant par la même à propos du mutisme de l'Occident vis-à-vis du bain de sang que connaît la Bande de Gaza. Mais, si les Etats occidentaux trahissent leurs propres valeurs de droit humain, les citoyens organisent des manifestations partout dans le monde pour dénoncer le crime israélien. A Londres, quelque 300.000 personnes ont manifesté, samedi, pour demander un cessez-le-feu « imminent ». Même son de cloche à Paris, où plus de 16.000 individus ont investi les rues appelant à un arrêt du bain de sang. Des manifestations qui font pression sur les gouvernements, estime Mohamed Badine Yattioui, Professeur d'Etudes Stratégiques au Collège de Défense (NDC) des Emirats Arabes Unis à Abou Dhabi, notant que les fractures sont d'ores et déjà palpables. Notre interlocuteur précise, toutefois, que le gouvernement israélien se compose de droite et d'extrême droite. Leurs acteurs politiques n'accordent pas une grande importance à leur image et à leur réputation à l'étranger.
3 questions à Mohamed Badine Yattioui « La question des négociations va certainement s'imposer, mais pas tout de suite » - Le Sommet extraordinaire arabo-islamique a fortement critiqué la position de l'Occident vis-à-vis du massacre dans la bande de Gaza. La crise palestinienne peut-elle causer une fracture entre les pays arabo-musulmans et l'Occident ? - Je ne pense pas. Car il y a des pays qui connaissent déjà des fractures avec l'Occident pour des raisons politiques, comme l'Algérie, mais sans incidence sur les relations diplomatiques. On a également des pays arabes qui ont engagé un processus de normalisation avec l'Israël, depuis déjà des décennies comme l'Egypte et la Jordanie, et d'autres avec qui les relations sont encore fraîches comme les EAU et Bahrein, et finalement le Maroc qui a une relation historique et particulière avec Israël grâce à sa communauté juive. Il est donc difficile de parler d'une fracture entre l'Occident et le monde arabo-musulman, car les relations de départ sont très variées et liées à l'histoire géopolitique. Sur le plan géographique par exemple, pour l'Egypte et la Jordanie, il est impossible de renoncer à leur relation avec l'Israël. La situation change donc d'un pays à un autre. - Les Etats arabes peuvent-ils faire pression sur Israël pour arrêter le bain de sang ? - Il y a des pays qui ont des instruments, comme le pétrole, qui peuvent faire pression sur l'Israël, sachant que des pays pétroliers, tels que les EAU et Bahreïn ont refusé d'utiliser la carte pétrolière dans ce conflit. C'est dire que certains Etats mettent la cause palestinienne d'un côté et les relations internationales d'un autre. Ceci dit, la conjoncture actuelle empêche d'avoir des décisions communes car les visions varient selon le contexte géopolitique de chaque pays. L'Arabie Saoudite, à titre d'exemple, souhaitait jusqu'à la veille du 7 octobre normaliser ses relations avec Israël. Il faut donc dire qu'il y a des équilibres intra-régionaux à maintenir, comme la récente réconciliation « entre les Saoudiens et les Iraniens ». Il y a également la Turquie qui est un pays à majorité musulmane, qui peut jouer le jeu, surtout qu'il est membre de l'OTAN, et qui a des relations avec l'Israël. Bref, on a des situations différentes où chaque pays essaye de trouver une solution tout en préservant ses relations avec Israël. - Peut-on revenir aux tables des négociations après tant de massacres ?
- La question des négociations va certainement s'imposer, mais pas tout de suite. On a pratiquement deux camps qui refusent de discuter, le premier est le gouvernement de Benjamin Netanyahou, qui est sur une position très radicale en voulant éradiquer Hamas, et ce dernier qui refuse également de mener des discussions car il rejette la reconnaissance de l'Etat d'Israël. Rappelons que le Hamas refuse de séparer sa branche politique de celle militaire. Ceci ne convient pas aussi à Israël, ce qui rend les négociations impossibles. Dans un avenir proche, ces négociations vont avoir lieu, mais avec une volonté sérieuse des deux camps, avec évidemment une Administration américaine qui pousse vers la tenue de ces négociations comme dans le cas à Oslo. Recueillis par S. A. MSF : Les hôpitaux risquent de devenir des morgues « Si nous n'agissons pas maintenant, si nous n'arrêtons pas immédiatement ce bain de sang avec un cessez-le-feu ou au minimum une évacuation médicale des patients, ces hôpitaux deviendront bel et bien une morgue ». C'est ainsi que Médecins sans Frontières (MSF) a décrit, tôt le dimanche, la situation à Gaza. L'ONG a fait état ces derniers jours de « bombardements incessants » sur les hôpitaux de Gaza-ville. A Gaza, près de 200.000 Palestiniens ont fui en trois jours le Nord du territoire via des « corridors » ouverts quotidiennement pendant des « pauses » humanitaires, pour se réfugier au Sud, moins ciblé. Le poste-frontière de Rafah, contrôlé par l'Egypte, a été rouvert dimanche pour laisser passer des blessés, des étrangers et des binationaux, selon les autorités locales.
Pilonné sans relâche depuis plus d'un mois, le petit territoire palestinien, où plus de 1,5 des 2,4 millions d'habitants ont été déplacés selon l'ONU, est plongé dans une situation humanitaire catastrophique. Un siège total imposé par Israël depuis le 9 octobre prive la population d'eau, d'électricité, de nourriture et de médicaments. Diplomatie marocaine : Appel à un cessez-le-feu immédiat Quelques jours avant le Sommet de Riyad, l'ambassadeur, directeur général au ministère des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l'étranger, Fouad Yazourh, a souligné à Paris l'importance d'une « mobilisation internationale en vue d'un arrêt, dans les plus brefs délais, des hostilités à Gaza ».
"Attaché à l'importance de parvenir à la paix, à la stabilité, au bien-être et à la prospérité de tous les peuples de la région, le Royaume du Maroc réitère son adhésion, en coordination avec tous les partenaires, à une mobilisation internationale en vue d'un arrêt, dans les plus brefs délais, des hostilités à Gaza", a souligné l'ambassadeur.
Il a aussi réaffirmé le rejet par le Royaume de toute forme de violence à l'égard des civils, insistant sur la nécessité de protéger ces derniers et de lancer une action collective pour mettre fin à la situation tragique et extrêmement dangereuse à Gaza, qui n'est plus acceptable sur le plan juridique et humanitaire. La situation dangereuse que traverse la région du Moyen-Orient est due à la persistance de la question palestinienne sans solution depuis des décennies, a indiqué le diplomate marocain, relevant que la création d'un Etat palestinien indépendant avec Jérusalem-Est pour capitale, vivant côte à côte avec Israël et sur la base de la solution à deux Etats, est à même de sortir la région de la logique du conflit et de la spirale de la violence vers la logique de la coexistence, la sécurité, la paix et la prospérité.