Il fait bon arpenter les venelles abruptes de la Kasbah des Oudayas en ce bon bout d'année, histoire de (re)découvrir son Musée éponyme, témoin de la richesse muséale dont jouit le Royaume. Le Musée des Oudayas doit son nom à sa position au cœur de l'ancienne Kasbah de la capitale. Construite au XVIIème siècle sous le règne du sultan Moulay Ismaïl, qui l'utilisait comme résidence secondaire, cette ancienne demeure royale a connu autant d'histoires que de changements au fil des siècles.
Sur la suggestion d'un certain mécène qui répondait au nom de Prosper Ricard, alors directeur du département des arts indigènes, le bâtiment a été transformé en musée en 1915. De «Musée des Métiers et Arts Indigènes» à «Musée Prosper Ricard » en passant par «Musée d'Arts islamiques», les noms de la bâtisse se sont succédé à un rythme effréné au gré des époques.
À l'origine, le musée se devait d'être un «musée ethnographique », abritant de multiples collections des XVIIIème, XIXème et début du XXème siècles, en guise de témoignage de la richesse du patrimoine mobilier et immatériel du pays. Les premières collections ont été versées par Ricard et le Service des Arts Indigènes. La collection de faïences a été léguée par Alfred Bel. Plus tard, le musée s'est étoffé d'une collection de bijoux en argent offerte par Jean Besancenot.
Pour comprendre l'Histoire de la Kasbah, une rétrospective s'impose. En 1140, le grand Emir almoravide Tachfine Ben Ali construisit sur cette falaise, au carrefour de l'océan et du fleuve, une zone militaire proche de la mer appelée «Ksar Bni Targa ». Les fouilles archéologiques sur le site ont dévoilé des ouvrages datant de la même époque. Mais c'est sous le règne du premier calife almohade, Abdelmoumen, que fut édifiée l'actuelle kasbah, baptisée Mahdia, du nom du chef spirituel de la dynastie, Mehdi ben Toumart.
La kasbah occupait, à cette époque, une place prépondérante dans l'accueil des missions officielles et le lancement des expéditions vers Al-Andalus, et c'est d'ailleurs sous le règne de Yacoub al-Mansour qu'elle prend le nom de Ribat al-Fath.
À la mort de ce dernier, Rabat n'avait pas de résidence royale. Le palais de la Kasbah des Oudayas est la première résidence royale bâtie par les Souverains Alaouites et date du règne de Moulay Ismaïl entre 1672 et 1694.
Une histoire d'eaux
À la confluence de deux eaux, la Kasbah des Oudayas, joyau de la ville de Rabat, culmine, majestueuse, sur une falaise qui surplombe l'embouchure de l'Oued Bouregreg dans l'océan Atlantique. Sa place de choix en a fait le point de convergence et de conquête d'Al-Andalus, puis le siège du pouvoir d'une ville dont la marine naviguait sur les mers de l'Atlantique à la mer du Nord en transitant par la Méditerranée.
Encore de nos jours, sitôt que la météo affiche ses plus belles perspectives, les touristes d'ici et d'ailleurs, après avoir déambulé dans les ravins sinueux de la Grande Kasbah, n'ont d'yeux et de temps que pour ses remparts almohades, sa fameuse porte monumentale, sa demeure royale qui plonge ses racines dans le passé prestigieux de la dynastie alaouite, sa mosquée de style typiquement mauresque, sa maison princière à l'Ouest, sa structure de sécurité « Borj Sqala » et son célèbre jardin andalou.
Le Musée fait peau neuve
En janvier 2023, S.A.R. la Princesse Lalla Hasnaa a inauguré, officiellement, le Musée National de la Parure, qui retrace l'évolution historique de l'orfèvrerie marocaine, de la préhistoire jusqu'à nos jours, marquant de façon indélébile le processus de fabrication de la haute joaillerie, ainsi que l'Histoire du costume marocain. Cependant, quand bien même cette bâtisse qui domine l'Atlantique a fait l'objet de plusieurs transformations, elle a su conserver son cachet traditionnel d'une ère lointaine. D'ailleurs, la Kasbah des Oudayas a été inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO en 2012. In fine, c'est ainsi qu'à l'image de sa Kasbah et de son Musée, Rabat, Capitale Africaine de la Culture 2022-2023, ne cesse de se réinventer, de se renouveler et de se moderniser pour embrasser à bras le corps les gageures du troisième millénaire. 3 questions à Mehdi Qotbi « Nous avons inauguré le Musée de la parure aux Oudayas car il est important d'exhiber toutes les facettes de notre culture » Quelle place occupe le Musée des Oudayas dans le cercle muséal marocain ? Au Maroc, les musées nationaux se complètent par leur réputation, leur beauté et leur exotisme. Comme tous les autres musées du Royaume, le musée des Oudayas est riche en Histoire et en mémoire. D'innombrables touristes le visitent chaque jour et le constatent de leurs propres yeux. À Rabat, notre pays possède également l'une des plus belles collections de bronzes romains au monde. A quel point pourrions-nous, aujourd'hui, aspirer à devenir une destination touristique d'ordre muséal ? - Je peux vous garantir que les touristes ne viennent pas exclusivement pour se dorer la pilule sous le soleil marocain. Il y a beaucoup de visiteurs qui affluent en grand nombre pour découvrir la richesse muséale dont dispose notre pays. Nous avons inauguré le musée de la parure aux Oudayas car il est important d'exposer, arborer... exhiber toutes les facettes de notre culture. Parlez-nous de l'exposition itinérante paraphée par vos soins en collaboration avec l'Institut du Monde Arabe, organisée en mars dernier au Maroc ? - L'exposition, organisée en mars dernier en collaboration avec l'Institut du Monde Arabe, était une première. En effet, c'était la première fois, dans l'Histoire de l'IMA, qu'une institution aussi importante prêtait des œuvres d'une importance capitale pour une exposition hors des murs de l'Institut. Une centaine d'œuvres, dont des chefs-d'œuvre de la peinture arabe, ont été prêtées au Maroc pour être exposées d'abord au Musée Mohammed VI de Rabat.
L'exposition a, ensuite, été divisée en deux parties : l'une à Marrakech et l'autre à Tanger. Si l'IMA prête des œuvres aussi importantes, c'est parce que la Fondation des Musées Nationaux est respectée dans le monde entier.
Muséologie : Le Musée des Confluences se refait une beauté Dar El Bacha est à Marrakech ce que le Musée des Oudayas est à Rabat : un porte-drapeau de la richesse muséale du Royaume. Elle est, surtout, l'une des plus belles demeures seigneuriales du Maroc, dont l'origine remonte à l'époque coloniale. Sa singularité réside dans le fait qu'elle éblouit par son Histoire séculaire et fantasque à souhait, jalonnée de péripéties et de revirements.
Bâti en 1910, ce majestueux édifice enchante l'œil et subjugue l'esprit par son architecture marocaine du XXème siècle. Ce qui le rend si particulier, c'est qu'il fut la résidence de Thami El Glaoui, nommé Pacha de Marrakech par le Sultan Moulay Youssef en 1912.
Réhabilitée par la Fondation Nationale des Musées, inaugurée et ouverte au grand public en 2017, cette maison insolite, vieille de 112 ans à l'heure où nous écrivons ces lignes, a été transformée en un musée à même d'exposer un véritable aperçu de la culture et des traditions marocaines, grâce à ses nombreuses fontaines d'eau, ses orangers dans la cour centrale, ses salons sur le pourtour et, enfin, son hammam aux allures d'antan. Bien que rénové, le bâtiment a préservé son cachet typiquement traditionnel, repérable au premier coup d'œil par sa composition : le jardin, qui sent l'oranger à dix lieues à la ronde, est ceinturé, non sans élégance, d'une demi-douzaine de salons sur les quatre côtés. Installé au cœur de la cité ocre du Royaume, ce lieu emblématique aux airs de majesté en a séduit plus d'un par son architecture et la splendeur grandeur nature de sa décoration.
Durant le règne du sultan Moulay Youssef, Dar El Bacha a accueilli Winston Churchill, Franklin D. Roosevelt et, plus récemment, Meryl Streep et Owen Wilson, pour ne citer que ceux-là. Le Riad, résolument symétrique grâce à l'orientation des avenues centrales, témoigne à lui seul du caractère ancestral et seigneurial des lieux. Dar El Bacha abrite également plusieurs dépendances, dont le hammam traditionnel, la douiria (espace réservé aux serviteurs du palais), la bibliothèque et l'espace privé appelé harem, autrefois réservé aux dames du pacha et, à titre accessoire, à d'autres membres de sa famille.
Le tout est orné avec une finesse et une harmonie peu commune : les céramiques et les plafonds en bois sculpté reflètent l'opulence et la délicatesse du répertoire ornemental marocain. Le système d'alimentation et d'évacuation des eaux du hammam ainsi que son mode de chauffage sont autant d'illustrations de l'ingéniosité de l'artisanat marocain. De manière succincte, la vocation du musée est de rendre compte des apports patrimoniaux et culturels, matériels et immatériels, qui ont forgé l'identité du Royaume.
Mehdi Qotbi, président de la Fondation Nationale des Musées, nous rappelle qu'en sus de son cachet culturel, Dar El Bacha, désormais connu sous le nom de Musée des Confluences, a, depuis sa réouverture, un aspect touristique. En effet, depuis janvier 2022, après avoir été fermé en 2018 pour des travaux de rénovation, le public visite le musée chaque jour que Dieu fait.
Actualité : Une exposition itinérante franco-marocaine La Fondation Nationale des Musées (FNM) et l'Institut du Monde Arabe (IMA) ont signé, en novembre 2022 au Musée des Confluences Dar El Bacha à Marrakech, une convention de partenariat pour co-organiser la première exposition itinérante au Maroc des chefs-d'œuvre de la collection unique de l'Institut du Monde Arabe en mars 2023.
Initié par Mehdi Qotbi et Jack Lang, respectivement président de la FNM et président de l'IMA, cet accord s'inscrit dans la dynamique de coopération culturelle entre le Maroc et la France, instaurée par la Convention de partenariat pour la coopération culturelle et le développement, en date du 25 juillet 2003. Cette dynamique est également consolidée par la déclaration conjointe publiée à l'issue de la 11ème rencontre franco-marocaine de haut niveau, laquelle s'est tenue à Rabat le 13 décembre 2012.
En vertu de cet engagement, les signataires ont convenu d'unir leurs efforts pour organiser en 2023, pour la première fois au Maroc, une exposition itinérante d'œuvres majeures d'art moderne et contemporain au Musée Mohammed VI d'Art Contemporain de Rabat, au Musée des Cultures Méditerranéennes de la Kasbah de Tanger et au Musée des Confluences de Dar El Bacha à Marrakech.
Ce fonds de l'Institut du Monde Arabe, prêté pour la première fois à une autre institution, venait de s'enrichir d'une importante donation de Claude et France Lemand. « Elle présentera un riche panorama sur les avant- gardes et les modernités plurielles des pays du monde arabe depuis 1945 jusqu'à nos jours. Avec une majorité de peintures mais aussi des sculptures, des photographies et des œuvres graphiques », pourrait-on lire dans le texte de la Convention. Maroc - Italie : Un tandem muséal réussi C'est en plein cœur de la Kasbah des Oudayas, à Rabat, que le musée national de la Parure arbore de magnifiques collections de trésors culturels. Une richesse héritée au gré des siècles, témoignant d'un brassage ethnique plurimillénaire. Au travers des imprenables arcs de bois et de pierre, ces mille et un trésors, qui jalonnent l'Histoire de l'humanité, ne peuvent que susciter l'émerveillement et la curiosité des visiteurs. Implanté dans un bâtiment construit sous le règne de Moulay Ismaïl (1672-1727), le musée a consacré son exposition, cette année, à l'orfèvrerie marocaine, de la préhistoire à nos jours, avec l'une des collections les plus riches et les plus articulées du Maroc. Parallèlement à ces joyaux nationaux, la Fondation Nationale des Musées (FNM), en collaboration avec l'Ambassade d'Italie au Maroc et l'Institut Culturel Italien de Rabat, a récemment présenté l'exposition « Diva ! Le raffinement italien dans la bijouterie fantaisie ». C'était pour la première fois au Maroc. Les merveilles de la Dolce Vita italienne se confondent aisément avec l'exotisme des Oudayas, ce qui permet aux visiteurs de venir à la découverte d'une collection de 200 bijoux italiens, reflétant la beauté, la créativité et le sens de l'art de l'Italie. Chacune de ces pièces maîtresses, réalisées par de grands joailliers, raconte une histoire, une inspiration et un message. Selon le président de la FNM, Mehdi Qotbi, et l'ambassadeur d'Italie au Maroc, Armando Barucco, cet événement inédit traduit les similarités entre le travail et l'excellence des artisans marocains et italiens. Il démontre les analogies entre la créativité et le savoir-faire méditerranéens.