Dans le cadre du grand exercice tactique, les FAR et « l'US Army » s'entraînent à mener la guerre-éclair par une opération de grande envergure à Cap Draâ. Voici les grands objectifs d'un plan minutieusement préparé par les stratèges marocains et américains. Décryptage. Le compte à rebours de la clôture de la 19ème édition de l'exercice African Lion a commencé. Peu de jours nous séparent du grand exercice tactique de synthèse qui aura lieu au champ de manœuvre Cap Draâ, à quelques encablures de Tan-Tan. Les préparatifs ont commencé. Les différentes unités marocaines et américaines sont d'ores et déjà déployées sur le terrain afin de mener conjointement une opération de grande ampleur où toutes les composantes des armées (air, mer et terre) sont engagées simultanément. Il s'agit de simuler une vaste opération offensive dont le but est de lancer un assaut pour prendre le contrôle d'une zone désertique. Là, ce genre d'opérations ressemblent à celles que les FAR pourraient être amenées à faire en cas d'une provocation des milices du polisario. Secondées par les forces américaines, les Forces Armées Royales ont déployé l'infanterie mécanisée, constituée des chars « Abrams » et « Patton » et des véhicules blindés, soutenus par des unités mobiles. Au cours de l'assaut, elles bénéficient d'un appui aérien des F-16 et des hélicoptères de combat Apache que le Maroc devrait recevoir d'ici 2024.
Déluge de feu ciblé et coordonné ! Le scénario est clair. L'exercice consiste à lancer, dans un premier temps, des tirs d'artillerie pour déstabiliser les lignes ennemies et permettre aux troupes terrestres d'avancer. Tout commence avec des tirs en profondeur de longue portée, effectués par les canons « M-109 ». Là, on assiste à des tirs d'artillerie successifs à l'aide de charges linéaires. Tactiquement parlant, ce déluge de feu a un effet déstabilisateur qui permet aux troupes déployées au sol d'avoir assez de temps et de marge de manœuvre pour s'enfoncer vers leurs cibles.
La reconnaissance offensive en ordre de bataille Le scénario conçu par les planificateurs prend en compte la capacité de nuisance et de résistance de l'ennemi qui tente d'entraver l'avancée des troupes terrestres par des champs de mines et des tirs d'artillerie. C'est là où on mesure l'importance capitale de la reconnaissance offensive. Les stratèges marocains et américains y ont fait appel pour dénicher les lignes ennemies. Un choix pareil à ce que fait actuellement l'Armée ukrainienne dans sa contre-offensive contre les troupes russes à l'Est de l'Ukraine. On aurait pu croire que les FAR auraient recours aux drones pour repérer les positions ennemies, mais ça n'a pas été le cas. « Comme il y a de la brume et des rafales de vent, l'usage de drone pourrait s'avérer inutile en ne donnant pas les effets escomptés », explique un haut gradé sur place. Selon le militaire, cela pourrait même avoir l'effet inverse en donnant à l'ennemi une idée sur le positionnement des troupes d'assaut. Après les tirs d'artillerie, l'ordre a été donné à la task-force constituée d'unités d'infanterie mécanisée (chars et véhicules blindés) pour avancer vers les positions stratégiques. Il fallait, d'abord, commencer par la ligne « O1 », dont les unités mobiles vont s'approcher à 800 mètres pour avoir les cibles ennemies à portée de tir avant qu'elles n'embrasent la défense ennemie. Une fois la ligne 1 enfoncée, les unités d'assaut s'emploient à en finir avec des dernières poches de résistance dans la zone conquise. Puis, la même stratégie est remise en œuvre : tirs d'artillerie suivis de l'avancée des chars et des escadrons blindés qui bénéficient des lignes de débouchés offertes par les frappes d'artillerie. Maintenant, les unités peuvent se frayer facilement un chemin vers la ligne suivante « oscar 2 » en gardant la même stratégie d'attaque. L'objectif est le même et consiste à détruire les cibles qui s'y trouvent avec une intervention coordonnée des escadrons qui refont appel au soutien aérien avant d'opérer des frappes simultanées à une distance de 800 mètres des cibles. Enfin, lorsque les lignes sont détruites et écrasées, les escadrons sécurisent, sur ordre de la task-force, la zone conquise ou libérée (cela dépend de la nature de l'opération). Puis ils établissent des lignes de défense et des fortifications pour préserver les nouveaux acquis territoriaux.
Enjeux : développer l'interopérabilité
L'usage des escadrons blindés est d'une importance capitale pour avoir une rapidité dans le champ de bataille. La rapidité et l'agilité, insistent les soldats sur place, sont indispensables au succès d'une attaque aussi ambitieuse. La moindre hésitation ou retard d'exécution peut s'avérer fatale pour la suite de l'opération. D'où la nécessité d'une bonne coordination entre les unités engagées sur le sol et les unités aériennes qui leur procurent un appui précieux par des tirs air-sol. Il existe aussi un autre enjeu important. Ce genre d'exercices requiert une synergie tactique entre les unités engagées des deux armées. Ici, tout le monde est satisfait. Interrogé par « L'Opinion », le Colonel Eric Orcutt s'est félicité du haut niveau de coordination entre les FAR et l'Armée américaine qui ont pu hisser leur interopérabilité. Ceci signifie que les escadrons marocains n'auront aucune difficulté à agir efficacement dans le cadre d'une coalition, confirme le lieutenant Commander Reilly. En effet, nombreux sont les hauts gradés américains qui sont convaincus du haut degré de préparation de l'Armée marocaine. L'an dernier, l'ex-patron du Commandement des Etats-Unis pour l'Afrique, Stephen Townsend, a déclaré au micro de « L'Opinion » que les FAR ont pu atteindre les standards de l'OTAN.
Rappelons que l'exercice "African Lion 2023" se poursuivra jusqu'au 16 juin et sera clôturé par un exercice tactique final qui aura lieu dans la même zone dans le champ de manœuvre "Cap Draâ". Cette cérémonie se déroule, selon le protocole, à moins qu'il y ait un changement cette année, en présence de l'Inspecteur général des Forces Armées Royales et du Brigadier général Brian T. Cashman, Commandant Général adjoint de la Force opérationnelle en Europe du Sud. Il se peut que le patron de l'AFRICOM, Michael Langley, soit présent, mais sa présence n'a pas encore été confirmée.
Anass MACHLOUKH Trois questions au Colonel Eric D. Orcutt « Les FAR font preuve d'une grande capacité de coordination sur le terrain » Le bataillon que vous commandez a mené conjointement aux côtés des escadrons d'infanterie mécanisée marocains des manœuvres tactiques. Comment voyez-vous le niveau de préparation des FAR ?
- Je pense sincèrement que l'Armée marocaine fait preuve d'une forte capacité de manœuvre et de mouvement sur le champ de bataille. Je dis cela parce que j'ai pu constater à quel point leurs techniques et leur façon d'exécuter les plans d'opérations sont très bien coordonnées et sécurisées. C'était un plaisir de manœuvrer à leurs côtés. Nous avions eu l'occasion de partager notre savoir-faire avec nos partenaires marocains de même que nous avions découvert leur mode opératoire durant les entraînements.
- Cette année, les exercices n'ont pas beaucoup changé par rapport aux éditions précédentes. Peut-on s'attendre à des changements majeurs dans les exercices tactiques lors des prochaines éditions d'African Lion ?
- Ce que je peux vous dire à ce sujet est que nous avons pu concevoir et exécuter les plans théoriques avec succès. Je n'ai pas le moindre doute qu'il y aura d'autres exercices dans les années à venir. Il incombe aux Etats-Majors d'en définir la nature et l'ampleur.
- Comme vous savez, la planification de l'exercice tactique nécessite des moyens énormes et il ne vous a pas échappé que les FAR ont commencé à s'initier aux war-games comme outil de simulation. Avez-vous recours à ce moyen pour mieux concevoir cet exercice tactique ?
- Pour ce qui est de mon unité, nous n'avions pas eu la chance de prendre part à la simulation. Nous avions pour mission d'exécuter le plan de manœuvre sur le terrain. Il s'agit, pour nous, de constater le modus operandi de nos partenaires marocains et trouver les moyens de le perfectionner.
Propos recueillis par A. M. Exercice maroco-américain : Les observateurs internationaux impressionnés Les militaires américains présents sur place, y compris les observateurs sont unanimes sur la réussite de l'exercice conjoint. Dans une déclaration à « L'Opinion », le Major Culak, issu des régiments d'infanterie américaine, fait état d'une grande efficience tactique en décrivant le bilan de l'exercice maroco-américain. Pour notre interlocuteur, cela est la preuve que le Maroc est parfaitement habilité à opérer dans des opérations en coalition. Idem pour sa camarade le lieutenant Commander Reilly, qui s'est dite impressionnée du haut niveau de coordination entre les FAR et les unités américaines. « La communication a été à la hauteur des attentes », s'est-elle félicitée, ajoutant qu' « on peut constater une amélioration au fur et à mesure que se succèdent les années ». « Cela fait 19 ans que les deux armées s'entrainent ensemble dans le cadre d'African Lion et toutes les armées participantes montrent plus d'harmonie à chaque fois qu'elles opèrent ensemble », a-telle poursuivi. De leur côté, les autres observateurs internationaux, présents sur place, n'ont pas caché leur admiration des capacités manœuvrières des FAR. « Les FAR ont montré une agilité impressionnante lors de l'assaut sur les lignes ennemies », a affirmé le Colonel Mohammed Kbagbo du Sierra Leone, soulignant la puissance de feu qui a battu son plein durant l'assaut.
L'info...Graphie Succès des exercices aéroportés Après avoir mené des tirs d'artillerie à El Mahbès et un exercice de lutte contre les armes de destruction massive, les deux armées ont accompli avec succès un exercice aéroporté dans la base de Benguérir. 240 militaires ont pris part à cet exercice. Les FAR, pour leur part, ont déployé la deuxième brigade d'infanterie parachutiste, tandis que les Américains ont mobilisé le Bataillon de la Force Opérationnelle de l'Europe du Sud des Forces Armées Américaines en Afrique (SETAF). Il s'agit, en effet, d'un entraînement routinier et classique que les militaires marocains et leurs homologues américains sont habitués à faire ensemble. Il consiste à simuler un scénario réaliste d'une opération d'aérolargage de masse, suivie d'une projection des forces engagées sur le terrain. Tactiquement, les opérations aéroportées sont d'une importance capitale dans la guerre moderne puisqu'elles sont indispensables dans les offensives ayant pour but de prendre rapidement le contrôle d'une zone au-delà des lignes ennemies pour faciliter l'avancée des renforts. L'efficacité des opérations d'assaut dépend souvent de l'agilité et du degré de coordination et de préparation des troupes aéroportées. La guerre en Ukraine est pleine d'enseignements dans ce domaine. Lors de la bataille d'Hostomel, l'échec des troupes parachutistes d'élite russes à s'emparer de l'aéroport au début de l'invasion a réduit à néant l'espoir de la prise de Kiev et par la suite la conquête de l'Ukraine. Habituées à manœuvrer ensemble, les brigades marocaines et américaines ont mené une vaste opération de projection dans une vaste zone désertique. Un exercice qui correspond à l'environnement saharien que les FAR maîtrisent remarquablement bien vu l'expérience de combat qu'elles ont acquise pendant la guerre du Sahara. En plus des objectifs tactiques, l'un des critères de réussite de cet exercice d'aérolargage est la capacité des parachutistes d'atterrir sur terre sans blessure, de sorte à éviter toute intervention d'urgence de l'unité médicale déployée sur place. L'exercice, rappelons-le, s'est soldé sans aucun incident, ce qui dénote du haut degré de préparation des bridages déployées.