L'apport de l'écologie politique, le rôle de la société civile et la maturité environnementale de la population marocaine seraient-ils moins influents qu'ils ne devraient ? Ces derniers jours ont connu deux événements majeurs de l'écologie « politique » au Maroc : le Parti de l'Environnement et du Développement Durable (PEDD) a tenu son troisième congrès national, samedi dernier à Salé. À cette occasion, M. Karim Hritane a été réélu pour un nouveau mandat de président, un poste qu'il occupe depuis 2017. Une semaine auparavant, un autre parti politique de mouvance écologiste, à savoir le Parti des Verts Marocains (PVM), avait organisé les travaux de son 2ème congrès du 19 au 21 mai 2023 à Béni Mellal sous le thème « L'écologie politique, un levier pour un Maroc d'équité et de quiétude durable ». Sous d'autres cieux, notamment européens, des événements de ce genre auraient suscité un engouement médiatique, puisque l'écologie politique s'y confirme depuis plusieurs années comme une mouvance avec laquelle il faut compter et un véritable courant de pensée qui fait et défait les enjeux électoraux et les jeux de la démocratie. Au Maroc, il en a été autrement, puisque ces événements sont passés presque inaperçus...
Le Vert au Maroc et ailleurs Faut-il en déduire que la mobilisation et la préoccupation de la société marocaine par rapport aux questions environnementales seraient en deçà de celles qu'on pourrait trouver en Europe par exemple ? « Je pense que le poids de la société civile marocaine concernant les sujets environnementaux est proportionnel au poids de l'environnement dans l'opinion publique, c'est-à-dire : "faiblement moyen"», estime M. Mehdi Guadi, militant écologiste marocain qui a vécu l'expérience de l'écologie politique en France sous la bannière des Verts français, avant de s'activer au Maroc au sein de l'Association marocaine pour des écovilles puis de l'Alliance marocaine des collectivités territoriales pour le climat (AMCTC). « En Europe, l'environnement n'est pas pour autant un champ de fleurs, d'amour et d'harmonie. C'est le lieu de confrontation de plusieurs légitimités et d'intérêts. Cette confrontation fait appel à plusieurs registres, notamment celui de la science, de l'expertise et de l'autonomie. Je crois que nous sommes au Maroc au début du chemin », explique-t-il.
Des orientations tracées Encore du chemin à parcourir pour faire face aux enjeux (liés directement à la question environnementale) qui foisonnent, tant au niveau international que national, déterminant la prospérité et la sécurité même de notre pays : impacts des changements climatiques, stress hydrique, pollution, transition énergétique, mobilité durable... Autant de défis divers et variés qui sont classés dans le fourre-tout de « l'environnement » et qu'on continue encore à tort à opposer à l'enjeu de « développement ». Un faux dilemme qui n'a plus lieu d'être, surtout que la plus haute autorité du pays, SM le Roi Mohammed VI, a décliné depuis des années les orientations à prendre dans ce domaine. Le Royaume s'est par ailleurs distingué au niveau international à travers des décennies d'un engagement volontaire qui s'est manifesté par la ratification de plusieurs conventions internationales liées notamment au climat, à la diversité biologique et à la lutte contre la désertification. Un engagement environnemental qui a été également matérialisé dans le Nouveau Modèle de Développement (NMD).
L'enjeu de l'éducation Au vu des spécificités locales de notre pays, la dynamique de plaidoyer et d'engagement de la société concernant les sujets environnementaux peuvent donc ne pas se décliner de la même manière que dans des pays européens. Il n'en demeure pas moins que certains indicateurs, qui peuvent renseigner sur le degré de maturité environnementale d'une population, restent encore « faiblement moyens » sous nos cieux : les comportements individuels, la participation à des initiatives environnementales, l'utilisation des énergies renouvelables, ou encore l'engagement civique et politique. Une carence qui devra certainement être comblée par le renforcement de la sensibilisation, l'éducation et l'exemplarité de l'Etat. Un chantier vital qui déterminera le succès de tous les grands projets environnementaux et les arbitrages potentiellement difficiles capables de mettre les Marocains au diapason des transitions écologiques dont ils devront être les acteurs actifs. Omar ASSIF
3 questions à Mehdi Guadi « On ressent un changement de perception des enjeux et des discours chez les présidents de Régions ou de grandes villes » L'appropriation de la question globale de l'environnement par les partis politiques est-elle plus du fait d'individus (de ces partis) qui ont cette sensibilité ? - Certainement. L'Istiqlal est un excellent exemple de cette mutation en cours. Les enjeux environnementaux n'ont pas toujours été au cœur de l'identité de ce parti. Les choses ont cependant changé, surtout depuis l'élection de M. Nizar Baraka qui a touché au plus près le défi écologique lors de sa présidence du Conseil économique, social et environnemental. Depuis, on ressent un changement de perception des enjeux et des discours chez les présidents de Régions ou de grandes villes... Pensez-vous donc que le paysage politique marocain soit en cours de gagner en maturité concernant la façon avec laquelle sont appréhendés les enjeux environnementaux et leur interconnectivité ? - En tant que citoyen, j'ai été surpris par la légèreté d'une grande majorité des programmes électoraux que j'ai eu l'occasion de parcourir à l'occasion des dernières élections nationales et locales. En réalité, les partis politiques ont pendant longtemps été dans le déni sur ces questions. Pendant longtemps, nous avons considéré l'environnement comme une préoccupation des pays riches. Ensuite, ce déni s'est transformé en accusation (légitime) de ces mêmes pays riches pour leurs responsabilités dans le réchauffement climatique. Mais dans les deux cas, ça reste un déni face au réel, puisque beaucoup de menaces environnementales (la disparition des habitats naturels, la diminution des terres arables sous l'effet de l'urbanisation ou encore l'effondrement de la biodiversité nationale) ne peuvent être imputées qu'à nous-mêmes. L'écologie politique au Maroc peut-elle mieux réussir en tant que composante du programme d'un grand parti politique qu'en tant que fil conducteur majeur d'un petit parti « écologiste » ? - L'idéal serait de combiner les deux. Cela dit, un grand parti avec un logiciel qui cantonne l'écologie se condamne à une obsolescence certaine et sera incapable de proposer des solutions à la hauteur du chantier de la transition écologique. A contrario, un petit parti organisé avec une colonne dorsale écologique a de l'avenir. S'il réussit son ancrage et son organisation, il sera certainement porté par la dynamique de l'Histoire. ODD : Quand l'environnement s'associe au développement économique et humain Depuis la révolution industrielle vécue durant le début du siècle dernier, plusieurs décennies ont vu s'affronter la notion de protection de l'environnement et celle de développement économique. Au vu des défis écologiques à relever, une troisième notion, celle du développement durable, a pu voir le jour et obtenir un consensus mondial qui encadre depuis la vision des sociétés et leurs agendas politiques et économiques. En septembre 2015, les Nations Unies ont adopté les 17 Objectifs de Développement Durable (ODD), avec 169 cibles spécifiques à atteindre d'ici 2030. Ces objectifs couvrent un large éventail de défis interconnectés, allant de la réduction de la pauvreté à la lutte contre le changement climatique, en passant par l'éducation, l'égalité des sexes, l'accès à l'eau propre, l'énergie durable, l'innovation technologique, ou encore les villes durables. Ainsi, ces objectifs fournissent un cadre d'action commun pour tous les pays afin de relever les défis mondiaux et de construire un avenir durable pour les générations présentes et futures.
L'info...Graphie Vision : L'enjeu environnemental décliné dans la vision du Parti de l'Istiqlal Au-delà du nombre des partis « verts » marocains et de leur véritable influence politique et sociétale, les enjeux environnementaux que notre pays se doit de relever ont été pris en considération dans les programmes de différents partis « classiques », notamment par l'Istiqlal. Ainsi, passé par une grille de lecture exclusivement environnementale, le programme national 2022-2026 du Parti de la Balance semble traiter les enjeux écologiques à travers plusieurs axes directement et indirectement liés à l'environnement. Alors que le défi de l'eau prend une place centrale dans la vision du parti, la transition énergétique, l'adaptation aux changements climatiques ou encore l'économie verte, font également l'objet de plusieurs engagements directs. Les sujets alignés à l'agenda des Objectifs de Développement Durable se retrouvent en outre dans des chantiers transversaux traités par le programme, à savoir la lutte contre la pauvreté ou encore l'autonomisation économique et politique des femmes. Parmi les engagements indirects celui relatif à la gouvernance. Le Parti de la Balance estime à cet égard qu'il est important de passer de politiques sectorielles parfois incohérentes et non intégratives à des politiques encadrées par une vision stratégique et une vue d'ensemble avec des priorités nationales claires. Dans son programme, le Parti de l'Istiqlal adhère par ailleurs à la vision et aux recommandations du Nouveau Modèle de Développement, notamment celles liées aux divers domaines de l'environnement.