Selon l'étude, la région Casablanca-Settat est la plus touchée par la fermeture, mais aussi la plus épargnée par les émissions de CO2 y résultant. Comment quantifier l'impact économique et environnemental de la fermeture de la SAMIR ? C'est la question que se posent les auteurs d'un article scientifique paru récemment dans le journal scientifique "Scientific African". Titré "Analyse des impacts économiques et environnementaux de la fermeture de la raffinerie marocaine SAMIR : Une approche interrégionale input-output", le rapport a été rédigé par cinq chercheurs, dont trois Marocains.
Les auteurs de l'article ont basé leur stratégie empirique sur la méthode de "l'extraction hypothétique". Il s'agit d'une technique permettant de mesurer le rôle d'un secteur au sein d'un réseau de secteurs, généralement dans des modèles multisectoriels, afin d'élucider son caractère « clé » en termes de pertinence économique ou de poids implicite. L'étude a ainsi pris en compte 20 secteurs économiques et les 12 régions du Royaume.
Pour l'article scientifique, l'extraction hypothétique a servi de point d'ancrage méthodologique pour isoler les mesures systémiques de la valeur ajoutée et des émissions de CO2 liées aux activités de la raffinerie au cours d'une année d'exploitation typique. Selon cette mesure, l'impact global de l'arrêt est de 4,4% de la production du pays, avec des effets régionaux plus substantiels pour le Grand Casablanca-Settat, suivi par ses régions voisines.
Impact sur l'industrie minière
Comme l'explique l'article, le secteur du raffinage du pétrole est un secteur important pour l'économie marocaine en raison de ses solides liens en amont et en aval avec d'autres secteurs. C'est un intrant pour presque toutes les industries de l'économie et conditionne l'approvisionnement des autres secteurs. La fermeture de la seule entreprise opérant dans le raffinage de pétrole au Maroc a, par conséquent, généré des impacts considérables sur l'économie. Les pertes économiques globales sont évaluées à 66.572 millions de dirhams, ce qui représente une réduction de 4,4% de la production totale du pays et de 1,7% de sa valeur ajoutée.
D'un point de vue territorial, la région Casablanca-Settat a fait face à la plus forte réduction de la production brute (9,2%) suite à la fermeture de la SAMIR, suivie par Béni Mellal-Khenifra (6,6%), Laâyoune-Sakia El Hamra (5,1%), Drâa-Tafilalet (4,2%), et Marrakech-Safi (3,9%). Les pertes à Laâyoune-Sakia El Hamra se concentrent dans l'industrie minière. Les régions de Rabat-Salé-Kénitra, Béni Mellal-Khénifra, et Marrakech-Safi, voisines du Grand Casablanca-Settat, sont également fortement impactées sur le commerce, le transport, les activités financières, l'immobilier, et les autres industries manufacturières. Ce résultat permet de comprendre la localisation des investissements dans les secteurs qui soutiennent les activités de la raffinerie.
Toujours d'après les résultats de l'étude, l'industrie minière a subi les pertes les plus importantes en termes de valeur ajoutée (37,5%). Cette industrie a ainsi perdu 11.233 millions de dirhams en valeur ajoutée et 14.329 millions de dirhams en production brute. Les fortes liaisons en amont expliquent principalement l'ampleur de l'effet avec le secteur de l'extraction. Le transport (1,5%), le commerce (1,1%) et les autres industries manufacturières (1,1%) sont aussi significativement affectés par la fermeture de la raffinerie, avec une perte totale de production atteignant 3,7%, avec des impacts principalement au niveau régional.
Opportunité écologique
Cet impact économique est cependant contrebalancé par des retombées positives au niveau environnemental. En effet, l'industrie du raffinage du pétrole est une source importante d'émissions de gaz à effet de serre (GES), tels que le dioxyde de carbone et le méthane. De telles émissions couvrent son activité au sens large, depuis l'extraction des hydrocarbures jusqu'à leur consommation par le client final, sous forme de carburant, de gaz pour le chauffage, d'électricité produite à partir du gaz, ou encore de plastique.
La fermeture de la raffinerie SAMIR a entraîné une réduction globale de 2,1 % des émissions nationales de CO2, ce qui représente une réduction d'environ 1.170.000 millions de tonnes. La localisation géographique de la raffinerie dans la région du Grand Casablanca-Settat a conduit à une contribution régionale substantielle, avec une baisse des émissions (62,1% du total). Les régions voisines ont également bénéficié de manière significative de la réduction des émissions : Marrakech-Safi (7,5 % de la réduction totale), Béni Mellal-Khénifra (5,8 %) et Rabat-Salé-Kénitra (5,3 %).
Comme les activités locales dépendent largement des carburants, de l'électricité et des transports, les émissions de CO2 ont subi les réductions les plus importantes dans les régions du Grand Casablanca-Settat, de Rabat-Salé-Kénitra, de Marrakech-Safi, de Souss-Massa, de l'Oriental et de Fès-Meknès. Ces régions abritent, en effet, d'importantes industries dans différents secteurs, disposent de lignes de transport les plus importantes du pays et constituent des régions centrales en matière d'accès à l'électricité et à l'eau. Les principales émissions de CO2 se produisent dans les secteurs des transports, de l'électricité et de l'eau, qui, avec le secteur du raffinage du pétrole, contribuent à plus de 90 % de la réduction totale.
Les cinq auteurs de l'article concluent que l'incertitude quant à la fermeture définitive de l'unique raffinerie de pétrole du Maroc offre au pays l'opportunité d'accélérer sa transition énergétique. "Tout en faisant face aux importateurs de carburant pour garantir la réserve stratégique à court terme des besoins nationaux, le pays élabore des plans solides pour saisir les vastes opportunités qui s'offrent à lui dans le domaine des énergies vertes, telle que l'énergie solaire", peut-on lire dans l'article.
Compte tenu de l'importance indéniable du potentiel marocain en matière d'énergies renouvelables, la diversification des sources d'approvisionnement en énergie peut constituer une stratégie porteuse en matière de politique énergétique au Maroc. Ses développements futurs pourraient compenser à long terme les impacts économiques négatifs associés à la fermeture de la raffinerie SAMIR, créant une nouvelle géographie de l'économie de l'énergie au Maroc, et contribuant potentiellement à un développement économique moins concentré dans l'espace.