La lutte contre les nuisibles au niveau des grandes surfaces et de l'industrie agroalimentaire est un enjeu vital qui est maîtrisé grâce à l'expertise d'un segment professionnel en continuelle évolution. Dans un vieux western-spaghetti de l'ancien temps, le narrateur expliquait que « partout où l'homme rôde, il y a le cheval, la femme et le revolver ». Dans un registre plus prosaïque, d'aucuns seraient tentés d'affirmer plutôt que « partout où l'Homme habite, il y a la fourmi, le pigeon, le rat et le cafard ». Ainsi, depuis les premiers âges de la sédentarisation, plusieurs espèces d'insectes, de petits mammifères et de volatiles, ont parasité les habitations, les stocks de nourritures et les lieux de vie des humains. Au vu des dégâts qu'ils peuvent infliger aux biens, des maladies qu'ils peuvent propager et des petites frayeurs que leur rencontre impromptue peut susciter, ils sont catégorisés comme des « nuisibles », et une guerre aussi ouverte qu'éternelle leur est unanimement déclarée. Enjeu de salubrité et de santé publique, la lutte contre les nuisibles n'en est pas moins un sujet sérieux qui est par ailleurs l'affaire de professionnels spécialisés qui s'appuient sur des techniques et des sciences qui ne cessent d'évoluer.
Nuisibles et grandes surfaces Avez-vous remarqué que, contrairement à votre domicile où les fourmis ou les cafards rappliquent au moindre bout de nourriture oublié dans un coin, les débris de sucre ou de farine qui s'accumulent pendant des heures dans les grands supermarchés restent immaculés ? N'est-ce pas surprenant que des habitations et des quartiers entiers soient infestés de nuisibles alors que les grandes surfaces ressemblent pour la plupart à des zones complètement aseptisées ? Encore heureux, nous diriez-vous, que les endroits où l'on achète nos denrées alimentaires soient ainsi expurgés de « bébêtes répugnantes ». Le secret de cette prouesse, certes rassurante, réside cependant dans la mise à profit du savoir et savoir-faire des spécialistes de l'hygiène des milieux. « J'ai un contrat avec une société de désinfection, désinsectisation et dératisation, qui nous accompagne tout au long de l'année dans les actions préventives contre les infestations », confirme Mohamed Sebbaghe, gérant d'un mini-marché à Casablanca. Evolution des solutions
Aussi important pour la santé publique et la protection des consommateurs, le travail des acteurs de la 3D (désinfection, désinsectisation, dératisation) est souvent mal connu. Pourtant, au-delà d'être de simples vaporisateurs de produits chimiques, les spécialistes de ce domaine évoluent au gré d'avancées scientifiques et techniques parfois insoupçonnées. « Le secteur de la désinfection, désinsectisation et dératisation a beaucoup évolué durant ces dernières années. Il y a eu par exemple l'abandon de plusieurs molécules chimiques qui étaient très efficaces, mais qui comportaient certains risques, notamment environnementaux », explique Khalid Bourouisse, expert en hygiène du milieu et en lutte contre les nuisibles. Des produits qui, malheureusement, continuent à circuler au Maroc puisqu'ils font l'objet de contrebande et de revente illégale. « Le secteur de l'hygiène du milieu et de la 3D se compose de sociétés qui disposent de profils experts et de compétences techniques nécessaires. Mais on trouve également beaucoup de charlatans », regrette la même source.
Lutte intégrée
En quoi consiste la valeur ajoutée que peuvent apporter des experts de l'hygiène du milieu ? « Avec les supermarchés par exemple, afin d'atteindre un résultat satisfaisant, il faut établir un véritable plan intégré. C'est-à-dire commencer avant toute chose par prévoir un nettoyage régulier et efficace. Ensuite, sur la base de la localisation, il faut mettre en place des mesures adéquates adaptées à la nature du milieu et des nuisibles potentiels. N'oublions pas la lutte mécanique, qui consiste entre-autres à fermer les trous, les pertuis et passages qui peuvent permettre l'accès aux nuisibles », énumère M. Bourouisse. Au vu des exigences normatives et réglementaires qui leur sont imposées, les industries pharmaceutiques et agroalimentaires font souvent appel aux experts d'hygiène pour les accompagner. Car, si pour vous la vue d'un rat dans la cuisine est synonyme de cri de frayeur, pour une usine ou commerce de produit alimentaire, c'est un annonciateur de fermeture temporaire à défaut d'être définitive.
Omar ASSIF 3 questions à Khalid Bourouisse « L'évolution des villes vers des modèles plus intelligents implique qu'ils doivent également intégrer le volet préventif » Gérant de la société Health & Environment Save Solution et expert en hygiène du milieu et en lutte contre les nuisibles, Khalid Bourouisse répond à nos questions. Les infestations de nuisibles prennentelles de l'ampleur au niveau des villes marocaines ?
Depuis quelques années, la lutte contre les nuisibles a vu passer plusieurs générations de produits chimiques dont plusieurs ont dû être complètement proscrits. Cette évolution ne s'explique pas par une ine cacité de ces produits qui, au contraire, étaient très puissants. C'était surtout dû à l'impact potentiellement néfaste sur l'environnement. De ce fait, nous avons vu se développer des résistances aux nouveaux produits par les nuisibles. Vous avez évoqué la lutte intégrée contre les nuisibles. Pensez-vous qu'une ville entière puisse adopter ce genre d'approche ?
E ectivement, c'est vers cela que nous nous dirigeons actuellement au niveau mondial. Au Maroc, les villes sont également des clients pour les sociétés de désinfection, désinsectisation et dératisation, surtout pour des actions curatives. Or, l'évolution des villes vers des modèles plus intelligents implique qu'ils doivent également intégrer le volet préventif. L'investissement nécessaire pour concevoir et mettre en œuvre un plan intégré de prévention et de lutte contre les nuisibles sera beaucoup plus économique que les coûts qui peuvent autrement être dépensés dans le curatif, la perte en image et les maladies et dégâts de santé publique. Les professionnels de l'hygiène du milieu au Maroc sont-ils organisés ?
Nous avons créé une association nationale il y a quatre an, pour justement combler les lacunes que nous observons en matière de sensibilisation et de vulgarisation. Nous avons ainsi comme partenaires des organismes de protection du consommateur ou encore l'Institut Pasteur. Nous essayons également de faire le plaidoyer pour que notre activité fasse l'objet d'une procédure d'homologation qui exige un certain niveau d'expertise et de quali cation pour exercer. Notre métier implique de manier parfois des produits potentiellement dangereux et le moins que l'on puisse faire est de veiller à ce que ce genre de mission soit con é à de bonnes mains. R L'info...Graphie Espèces exotiques : Les rats, fourmis et cafards en premiers explorateurs clandestins Depuis que l'Homme a commencé à traverser les océans, plusieurs espèces se sont éparpillées dans les quatre coins du globe. Il a su de quelques rats et cafards par bateau pour que la colonisation soit mondiale et quasi-totale. Ainsi, souvent à leur insu, les navigateurs ont introduit des espèces qui - quoique bien intégrées dans leurs habitats d'origine - se sont transformées en véritables ravageurs dans d'autres écosystèmes. Selon une étude publiée dans la revue scienti que Nature, on estime que 17% de la surface de la Terre (excluant l'Antarctique et le Groenland) est à haut risque d'invasion d'espèces non indigènes. Une équipe internationale de chercheurs du CNRS au laboratoire « Ecologie, systématique et évolution » estime à près de 38 milliards de dollars le coût minimal annuel des dégâts provoqués uniquement par les insectes envahissantes dans le monde. Il n'existe actuellement quasiment aucune ville, village ou bourgade sur Terre sans rats ni cafards... Les investissements au niveau mondial pour lutter contre ces nuisibles se chi rent à des milliards de dollars par an.
Invasions : Gare aux fourmis exotiques et envahissantes dans vos cuisines Avez-vous remarqué que les fourmis chez-vous étaient devenues plus coriaces et plus envahissantes que d'habitude ? Il est très probable que vous hébergiez dans votre maison des espèces de fourmis « arrivées » récemment d'autres contrées ! Transportées le plus souvent avec des plantes ou arbres que l'on voulait cultiver sous d'autres cieux, plusieurs espèces de fourmis ont ni par coloniser des terres qu'elles n'auraient jamais pu atteindre par leurs propres moyens. Depuis, certaines espèces sont chaque jour en train de conquérir de nouveaux territoires, malmenant au passage les autres espèces autochtones et élargissant petit à petit les zones où elles sont présentes. Dans le Sud de l'Europe, la fourmi d'Argentine s'est taillé un empire qui s'étale sur plus de 6000 km. Aux Etats-Unis, les dégâts des récoltes ravagées par la fourmi de feu rouge « arrivée » du Brésil dans les années 30 s'estiment à 3 milliards de dollars par an. Le Maroc n'échappe pas à cette guerre d'invasion silencieuse.» Ces espèces de fourmis peuvent parfois se montrer très agiles et très combatives. Elles ont non seulement la capacité de chasser les autres insectes, mais peuvent également s'attaquer aux reptiles et à leurs œufs, attaquer et chasser des amphibiens, des oiseaux et même des petits mammifères», explique Pr Ahmed Taheri, enseignant-chercheur à la Faculté des Sciences de l'Université Chouaïb Doukkali. «Nos prospections sur le terrain ces dernières années nous ont permis de découvrir plus de 14 espèces de fourmis exotiques envahissantes, présentes surtout dans les grandes villes.