Du sud de l'Ethiopie au nord du Kenya en passant par la Somalie, 22 millions de personnes sont menacées par la faim, victimes d'une sécheresse historique débutée fin 2020 et appelée à durer. Le chiffre a presque doublé depuis début 2022, lorsque 13 millions de personnes étaient confrontées à la faim dans la Corne de l'Afrique. Dans cette région où la population vit majoritairement de l'élevage et de l'agriculture, près de 5,6 millions de personnes se trouvent aujourd'hui en situation d'"insécurité alimentaire aiguë" en Somalie, 12 millions en Ethiopie et 4,3 millions au Kenya, selon l'ONU. Plus de 1,7 million de personnes ont quitté leurs foyers en quête d'eau et de nourriture, selon un dernier rapport du Programme alimentaire mondial publié le 23 janvier. La Corne de l'Afrique est une des régions les plus durement touchées par le changement climatique. Depuis 2016, huit des treize saisons des pluies ont été inférieures à la normale, selon les données du Centre d'étude des risques climatiques (Climate Hazards Centre), organisme de référence qui regroupe notamment des universitaires et le Réseau des systèmes d'alerte précoce contre la famine (Fews). La sécheresse actuelle est causée par un enchaînement de cinq saisons des pluies défaillantes depuis fin 2020, du jamais vu depuis au moins 40 ans. Aucune famine n'a toutefois été pour l'instant officiellement déclarée. La dernière famine dans la région, qui avait fait 260.000 morts dont la moitié d'enfants de moins de six ans en Somalie en 2011, avait résulté de deux saisons des pluies insuffisantes consécutives. A travers la Corne de l'Afrique, les cultures, déjà ravagées par une invasion de criquets, ont été anéanties et les troupeaux, en manque d'eau et de pâturages, décimés. Plus de 9,5 millions de têtes de bétail sont mortes, estimait le Bureau de coordination humanitaire de l'ONU (Ocha) en novembre. La situation va encore empirer dans les mois à venir, alertent les organisations humanitaires, avec une sixième saison des pluies, de mars à mai, également annoncée inférieure à la moyenne.
Deux millions d'enfants souffrent de malnutrition aiguë sévère
La Somalie est le pays le plus sévèrement touché, avec plus de la moitié de sa population (7,85 millions de personnes) affectée par cette sécheresse. Officiellement, les seuils nécessaires pour déclarer une famine n'ont pas été atteints, notamment grâce à une mobilisation financière de dernière minute fin 2022. Mais sans une amplification de la réponse humanitaire, "une famine devrait se produire entre avril et juin 2023 dans le sud de la Somalie parmi les populations agropastorales des districts de Baidoa et Burhakaba, et parmi les populations déplacées dans la ville de Baidoa et à Mogadiscio", a prévenu Ocha en décembre Le nombre de personnes en situation de "catastrophe" alimentaire, dernier stade avant la famine selon la terminologie internationale, devrait passer de 214.000 à 727.000 d'ici mi-2023, selon Ocha. Selon l'Unicef, près de deux millions d'enfants à travers la Corne de l'Afrique "ont besoin d'un traitement urgent contre la malnutrition aiguë sévère, la forme la plus mortelle de la faim".