Environ 4,5 millions de tonnes des déchets ménagers et assimilés, des 4,7 millions de tonnes que le Maroc produit annuellement, soit plus de 96 %, sont déversés dans quelques 300 décharges à ciel ouvert sans aucun traitement préalable, ni même respect des règles les plus élémentaires de la décharge contrôlée ou de l'hygiène publique. Ces chiffres, qui ont été avancés le 9 juillet 2008 lors de la journée nationale de communication sur le Programme National de Gestion des Déchets Ménagers (PNDM), réalisé avec l'appui de la Banque Mondiale, montrent, si besoin est, la défaillance du système administratif local dans sa mission de gérer le secteur d'élimination des déchets ménagers et assimilés. L'élimination des déchets ménagers et assimilés au Maroc, qui relève de la compétence des communes (Charte Communale du Dahir 03 octobre 2002), passe le plus souvent par leur déversement sauvage dans des anciennes carrières ou sur le bord des talus avec toutes les conséquences désastreuses sur l'environnement (écosystèmes, atmosphère, eaux de surface et souterraines, esthétique, environnement planétaire tel que l'effet de serre, ), la salubrité publique (épidémies, intoxications, ) et l'économie du pays que cela peut comporter. En effet, le coût annuel de la dégradation de l'environnement qui en découle, évalué en 2007 par le Secrétariat d'État à l'Eau et à l'Environnement, est de 1725 millions de Dirhams, soit 0,5 % du Produit Intérieur Brut (PIB) national. Les principales causes de la situation actuelle du secteur d'élimination des déchets ménagers et assimilés au Maroc peuvent en effet se résumer en: * Pression sur les villes ou les centres urbains occasionnée par la croissance démographique, le développement économique et l'exode rural ; * Insuffisance des moyens financiers des communes ; * Incapacité des communes à mobiliser des financements externes et à saisir les opportunités financières qu'offrent certains mécanismes de coopération internationale, tel que le Mécanisme pour un Développement Propre, ou MDP, du protocole de Kyoto sur le réchauffement climatique ; * Manque de capacités locales en matière d'engineering de gestion des déchets, mais également non-valorisation du potentiel du personnel communal. Les nominations aux postes de responsabilité se font, par ailleurs, souvent au gré des présidents ou des secrétaires généraux. L'administration communale et son personnel font figure de parents pauvres de l'administration publique marocaine ; * Faiblesse du cadre institutionnel et juridique impliqué dans la gestion des déchets. Les textes juridiques (décrets d'application) pour la mise en application des dispositions de la nouvelle loi sur la gestion des déchets et leur élimination (la loi n° 28-00 du Dahir n° 1-06-153 du 22 novembre 2006), qui visent à organiser les procédés de gestion et à combler le vide juridique dans ce secteur, n'ont pas encore vu le jour. Les textes réglementaires en vigueur faisant référence aux déchets sont pour la plupart incitatifs, sans action répressive et ne remontent ni au principe de «prévention» ni à celui de «pollueur-payeur». D'autre part, les institutions chargées de la protection de l'environnement n'ont pas encore toutes les possibilités de faire appliquer et respecter les réglementations déjà en vigueur. * Manque d'une réelle volonté politique chez les élus. Face au manque de moyens, les exécutifs communaux sacrifient souvent l'environnement aux préoccupations socio-économiques immédiates de leurs communes, du moins tant que ces décharges sauvages sont à l'abri des regards indiscrets et les dégâts qu'elles provoquent ne peuvent s'apprécier qu'à long terme, bien au-delà de leurs mandats électoraux. * Négligence du citoyen à l'égard de l'espace publique et des règles collectives. À cela, s'ajoute des contraintes liées à la gestion des déchets solides elle-même: * Concentration de la production des déchets sur de faibles surfaces ; * Production de volumes de déchets considérables ; * Nature des déchets de plus en plus variée et de plus en plus complexe à l'image des produits fabriqués aujourd'hui ; * Gestion qui doit chercher des solutions adaptées aux réalités techniques et financières locales. En matière d'élimination des déchets solides, il n'existe pas de solutions standardisées. * Gestion au quotidien. * Gestion impliquant tout le monde, y compris la population. La gestion de l'après collecte des déchets ménagers et assimilés au Maroc préoccupe sérieusement, d'autant plus que leur production, comme la complexité de leur nature, ne cesse de croître. Cette production, qui a été estimée, par le Programme National de Gestion des Déchets Ménagers lancé en 2007, à 0,8 Kg par jour et par habitant, augmente au même rythme du développement économique du pays et de la croissance de sa population (elle est de l'ordre de 2,5 Kg/jour/habitant aux États-Unis). Ainsi, avec un accroissement démographique annuel de 3%, elle sera doublée en 23 ans. Enfin, la vérité oblige à dire que la gestion des déchets ménagers et assimilés en vue de leur élimination n'est pas une mince affaire. Elle est quotidienne et se situe dans un domaine multidisciplinaire: politique, juridique, institutionnel, économique, financier, social, sanitaire, écologique, environnemental, technique, scientifique, urbanistique, etc. Elle implique ainsi une administration communale à la hauteur de l'enjeu, mais aussi la mobilisation et la bonne volonté des différents acteurs concernés, y compris la population, afin d'atteindre l'objectif général: préserver la salubrité publique et l'environnement tout en maîtrisant les coûts afférents au traitement des déchets et par là même s'inscrire dans un processus du développement durable.