Huit greffes de cornées viennent d'être réalisées à l'hôpital des spécialités de Rabat du Centre hospitalier Ibn Sina durant le mois d'août 2009. Douze autres ont été effectuées durant la même période dans les CHU de Casablanca, Fès et Marrakech. Cela témoigne du rôle précurseur de la médecine universitaire au Maroc et surtout du démarrage de la décentralisation de plusieurs activités de soins tertiaires de pointe. La solution Royale pour le développement de la greffe d'organes et de tissus au Maroc, passe par la mise en place d'un programme marocain de greffes de cornées, prélevées sur des donneurs nationaux en mort cérébral, généralement suite à des accidents de la voie publique. Il faut préciser que cette activité s'est arrêtée depuis la fin des années 80, privant ainsi des milliers de marocains de retrouver la vue. Tout en sachant que des dizaines de marocains qui souffraient de cécité à cause d'une atteinte de cornée et qui avaient les moyens financiers, pouvaient partir en Tunisie, en France ou en Espagne, pour se faire greffer, à des coûts exorbitants. Aujourd'hui, cette frustration commence à être réparée. C'est un des grands chantiers auquel s'est attaqué le ministère de la Santé. La ministre, elle-même, s'était engagée devant les ophtalmologistes universitaires, privés et publics, de leur offrir tous les moyens pour relancer la greffe de cornée au Maroc. Et effectivement, l'engagement du ministère n'était pas que de vaines paroles. Une stratégie a été tracée, avec des objectifs considérés par certains comme très ambitieux: La réalisation de 1000 greffes de cornées par an à l'horizon 2012. Cette stratégie ne vise pas la relance des activités de greffe uniquement dans les CHU de Rabat et de Casablanca, mais surtout sa décentralisation vers les deux nouveaux CHU de Fès et de Marrakech, afin que le maximum de marocains puissent en profiter, sans être dans l'obligation de faire le déplacement jusqu'à Rabat ou Casablanca. Cela est dorénavant possible dans les CHU de la ville spirituelle et de la ville ocre du Maroc, qui disposent de plateaux techniques et de compétences professionnelles de haut niveau. Mais cela est-il, à lui seul, suffisant pour réaliser des greffes de cornées sachant qu'il faut, bien évidemment, disposer de greffons ? A la date d'aujourd'hui, le Maroc n'en dispose pas. Sur le marché, il n'y a pas de cornée artificielle. Le prélèvement de cornées à partir de donneurs nationaux en mort cérébral est très compliqué dans l'état actuel des choses. La cause, se sont des textes de loi inadaptés. La loi marocaine exige que tout donneur potentiel doit donner de son vivant son autorisation auprès du tribunal, ce qui constitue une lourdeur administrative pour le citoyen marocain. Pourtant, la solution est très simple, comme c'est le cas en France, en Espagne ou en Tunisie. Tout citoyen qui ne déclare pas de son vivant son refus d'offrir ses organes, est considéré comme un donneur potentiel. La situation au Maroc, étant ce qu'elle est, il fallait trouver une solution intermédiaire. La liste d'attente des patients qui ont besoin de greffons s'allonge de jour en jour et la grogne des spécialistes marocains, s'accentue au fil du temps. Ils estiment qu'ils ont toutes les compétences pour réaliser ce genre d'opérations, mais ce qui bloque se sont les procédures administratives et juridiques. Ne voulant plus perdre de temps, le ministère de la Santé a pris le taureau par les cornes: recourir à l'importation de cornées à partir des banques de tissus Européennes. Tout un quartier général a été érigé pour réussir cette opération qui a coïncidé pourtant avec l'été et les périodes de congés. Une parfaite coordination a été mise en place entre la direction des hôpitaux et des soins ambulatoires du ministère de la Santé et la Direction du Centre Hospitalier Ibn Sina, qui dispose d'une unité de coordination pour le prélèvement et la greffe d'organes et des tissus. Les contacts avec les banques de tissus de Tour et Besançon en France, ont permis de disposer d'une vingtaine de greffons. C'est ainsi qu'à l'hôpital des spécialités du Centre hospitalier Ibn Sina de Rabat, huit greffes de cornées ont été réalisées, dont les dernières le furent le 28 août 2009. Et à l'instar des CHU de Casablanca, Fès et Marrakech, il fallait mobiliser des ophtalmologistes, des anesthésistes réanimateurs, des infirmiers, des administratifs, allouer un budget et une logistique, pour assurer le transport et le dispatching des greffons acheminés depuis la France vers les CHU. Il fallait régler les procédures administratives, notamment les autorisations d'importation des greffons, le choix des malades à greffer en respectant les listes d'attente. Ce qui rajoute à la complexité de ce genre d'opération, le respect des conditions de transport des greffons, d'autant plus que les cornées ont des délais de conservation très limités dans le temps, ce qui impose de les greffer à des dates fixes. Par ailleurs, les greffons doivent subir des examens bactériologiques, certifiant l'absence de toute maladie infectieuse transmissible. A la datte d'aujourd'hui, les 20 patients greffés se portent bien. Ils sont en période de convalescence. Mais la question qui reste posée, c'est comment assurer la pérennité de ce genre d'activités au Maroc. Il est évident que l'importation de cornées n'est qu'une solution intermédiaire. La solution Royale passe par la mise en place d'un programme marocain de greffes de cornées prélevées sur des donneurs nationaux en mort cérébral, généralement suite à des accidents de la voie publique. Cela exige une actualisation des textes de loi, des campagnes de sensibilisation pour encourager le don et une mobilisation des religieux, car l'Islam n'interdit nullement les dons d'organes et de tissus.