Poutine a reconnu l'indépendance des séparatistes d'Ukraine, et signe dans la foulée des accords "d'amitié et d'entraide" avec ces Etats autoproclamés. De l'espoir d'un sommet à l'entrée des chars dans le Donbass, la situation s'est dégradée en une journée. On pensait être plus proche de la paix que de la guerre. Mais au fil des heures du lundi, la situation s'est nettement détériorée en Ukraine, avec pour épilogue la prise de parole de Vladimir Poutine, qui a annoncé reconnaître l'indépendance des séparatistes prorusses, s'attirant les foudres de la communauté internationale. Malgré le sommet négocié par Emmanuel Macron entre Biden et Poutine, la Russie ne semble pas disposée à la désescalade. Au contraire : provocations, appel à l'aide et casus belli, c'est le scénario qui a mené au conflit en Géorgie qui semble être reproduit, d'après la presse ukrainienne. Emmanuel Macron semblait avoir réalisé un coup de maître en annonçant avant-hier dimanche la possibilité d'un prochain sommet entre Joe Biden et Vladimir Poutine. Un sommet peut-être déjà obsolète tant que sur le terrain, comme le relate la presse ukrainienne, la situation s'est rapidement dégradée. Lundi soir, le Kremlin a franchi une étape majeure en faisant savoir que Vladimir Poutine allait reconnaître l'indépendance des territoires séparatistes de l'est de l'Ukraine. Et comme l'a annoncé Suspilne.media, le site de la première chaîne de télévision publique ukrainienne, "les dirigeants de la DNR et de la LNR ont appelé Vladimir Poutine à reconnaître l'indépendance de leurs républiques, un appel retransmis sur la chaîne de télévision Rossia24, et demandé une aide militaire et financière à la Russie". La réponse n'a pas tardé. Un conseil de sécurité nationale extraordinaire s'est tenu à Moscou le 21 février, au cours duquel les participants ont eux aussi appelé le président russe à prendre cette décision. Une situation de casus belli
Cette option, désormais confirmée, est une mauvaise nouvelle pour l'Ukraine. Car les républiques autoproclamées revendiquent tout le territoire des oblasts de Donetsk et Louhansk. Actuellement, elles n'en contrôlent guère plus d'un tiers, le reste étant sous contrôle ukrainien. La présence de forces armées ukrainiennes sur leurs "territoires" constituerait dès lors un casus belli tout trouvé pour Moscou. Comme le souligne le journal ukrainien Den, relayé par Courrier international, les événements qui ont mené à cette annonce, ces derniers jours, avaient déjà "montré sans ambiguïté que la partie russe n'était pas disposée à la désescalade". Poutine a estimé « nécessaire de prendre cette décision qui était mûre depuis longtemps: immédiatement reconnaître l'indépendance de la République populaire de Donetsk et de la République populaire de Lougansk », a-t-il affirmé dans une allocution télévisée, demandant au Parlement russe "d'approuver cette décision puis de ratifier les accords d'amitié et d'entraide avec les deux républiques". Ainsi, poursuit Den, "sur ordre du Kremlin, les forces armées des républiques autoproclamées de Donetsk (DNR) et Louhansk (LNR) ont entamé des provocations sur le front, et le 18 février, les républiques fantoches ont annoncé l'évacuation de la population civile vers la Russie à cause de l'imminence d'une 'offensive ukrainienne à grande échelle'. Le 19 février, la DNR et la LNR ont proclamé la mobilisation générale des hommes de 17 à 55 ans". "Tous ces événements sont accompagnés d'informations sur de prétendues opérations de sabotage organisées par le côté ukrainien", ajoute le quotidien, qui constate aussi que les agents de la Russie reproduisent le scénario qui avait été appliqué avant la guerre contre la Géorgie en août 2008, de la même manière grossière qu'à l'époque. Une campagne de désinformation russe vigoureusement dénoncée par le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kouleba qui a jugé bon d'intervenir sur Twitter, en lançant : "Non, l'Ukraine n'a pas attaqué Donetsk ou Louhansk, envoyé des saboteurs ou des véhicules blindés franchir la frontière de la Russie, bombardé le territoire russe, bombardé un poste-frontière russe, mené des actions de sabotage. L'Ukraine, de plus, ne prévoit pas de pareilles actions".
Large condamnation à l'ONU des actions russes Les condamnations sont unanimes. L'ONU et une majorité de membres du Conseil de sécurité sont revenus lundi soir, lors d'une réunion d'urgence, sur la reconnaissance par la Russie de l'indépendance des républiques sécessionnistes dans l'est de l'Ukraine et l'ordre du président Vladimir Poutine d'y déployer des troupes, Moscou assurant demeurer "ouvert à la diplomatie". "Les frontières internationalement reconnues de l'Ukraine resteront inchangées, peu importe les déclarations et les actions de la Russie", a déclaré l'ambassadeur ukrainien à l'ONU, Sergiy Kyslytsya. L'Ukraine demande à la Russie "d'annuler sa décision de reconnaissance" des territoires sécessionnistes ukrainiens, "de revenir à la table des négociations" et de procéder à "un retrait immédiat et vérifiable de ses troupes d'occupation", a-t-il ajouté. Au début de la réunion, les Etats-Unis, par la voix de leur ambassadrice à l'ONU Linda Thomas-Greenfield, avaient qualifié de "non-sens" la désignation de l'armée russe par le président Vladimir Poutine comme une "force de maintien de la paix" pour justifier une éventuelle entrée dans les territoires séparatistes de l'est de l'Ukraine. "Nous savons ce qu'elles sont vraiment", a fustigé la diplomate américaine. La secrétaire générale adjointe de l'ONU pour les Affaires politiques, Rosemary DiCarlo, avait au préalable vivement "regretté" les décisions et actions de la Russie. Lors de la séance, plusieurs membres du Conseil de sécurité ont condamné les agissements de la Russie, à l'instar de la France, de la Norvège ou de l'Irlande, dont l'ambassadrice, Geraldine Byrne Nason, a vivement critiqué Moscou. "Les actions unilatérales de la Russie ne font qu'exacerber les tensions", a-t-elle lancé. Pour la France, la Russie a "choisi la voie de la remise en cause et de la confrontation", a déploré l'ambassadeur français, Nicolas de Rivière.