Omicron, un variant plus contagieux mais moins sévère selon les dernières études, a rebattu les cartes de l'efficacité des vaccins, essentiellement développés et dirigés contre la souche classique du SARS-CoV-2. Que faire avec un vaccin efficace de 30% à 40% seulement contre un variant responsable de 95% des cas et pourquoi le produire avec un taux d'efficacité aussi bas ? Il s'agit là de deux questions en une que se posent beaucoup de gens, calmement et sans angoisse, Omicron étant moins sévère que la souche classique du Covid-19 mais, malencontreusement, plus contagieux. Joint par « L'Opinion », Dr Mouad Mrabet, coordinateur du Centre national des opérations d'urgence de santé publique au ministère de la Santé et de la Protection sociale, a souligné qu'à l'heure actuelle, « on ne peut pas attendre un vaccin qui sera beaucoup mieux efficace contre le variant Omicron. D'ici là, la vague Omicron entraînera ce qu'elle entraînera en termes de dégâts et de décès et ce sera trop tard. Et rien ne garantit pour le moment qu'il soit le dernier variant ». Selon lui, on ne peut pas faire l'exception en matière de vaccination. « Il faut donc suivre les recommandations des organisations internationales et des comités scientifiques spécialisés » qui incitent à continuer de vacciner avec les vaccins aujourd'hui disponibles, a-t-il argué, ajoutant qu'il n'y a « aucune raison » de changer cette stratégie, d'autant plus que l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a recommandé le renforcement de l'immunité contre Omicron via la dose « booster ». M. Mrabet, qui se met en porte-à-faux avec les allégations sur l'inefficacité de Sinopharm contre Omicron, poursuit que « la réduction de l'efficacité n'est pas énorme et que les vaccins sont toujours efficaces contre la covidose grave». Solution : « Adopt & adapt » Pour l'épidémiologiste spécialiste en maladies infectieuses, Dr Jaâfar Heikel, les vaccins actuels sont essentiellement dirigés contre la protéine Spike, permettant de créer un certain nombre d'anticorps neutralisant qui protègent contre une nouvelle attaque virale. « Comme il y a des mutations dans le sommet de cette protéine, qu'on appelle la zone RPD, comme avec Omicron, l'efficacité va être effectivement réduite », explique-t-il, notant par ailleurs que dans les nouvelles biotechnologies, « on peut adapter les vaccins en fonction des nouveaux variants qui peuvent exister » mais « il reste à savoir si, dans le contexte marocain, les vaccins qui vont être fabriqués tiendront compte du variant Omicron et d'autres variants éventuels ou non ». Selon lui, si les vaccins « made in and by Morocco » sont uniquement dirigés contre la souche classique, ils perdront en efficacité mais resteront, tout de même, à un niveau aux alentours de 70% de protection contre les formes graves, l'hospitalisation et le décès. Ce qui fait que la production locale des vaccins reste pertinente, non seulement pour booster l'immunité du pays, mais également et surtout pour gagner du terrain dans le marché africain, où les taux de vaccination demeurent faibles. Quant à l'apparition continue de nouveaux variants, M. Heikel a répondu que « comme pour la grippe saisonnière, lorsque la Covid-19 deviendra endémique, il faudra chaque année avoir de nouveaux vaccins ». Le Maroc, futur « hub » sanitaire ? Le Maroc a aujourd'hui tous les moyens de devenir, s'il le souhaite, un leader dans la coopération médicale Sud-Sud et un hub sanitaire, estime Dr Jaâfar Heikel. Comment ? « Grâce à son industrie pharmaceutique qui a réussi beaucoup de belles choses à l'échelle nationale et en tant qu'exportateur », met-il en avant, notant que le Maroc a les capacités de créer des écosystèmes sanitaires grâce, notamment, à la plateforme mise en place pour la fabrication et la mise en conditionnement des vaccins avec le géant chinois Sinopharm, que ce soit pour les besoins de la population marocaine qu'africaine. La réussite par le Maroc de ce chantier lui permettra d'entrer dans une nouvelle dimension des écosystèmes sanitaires de production et d'exportation et de développer la recherche en matière de santé, a-t-il fait valoir. Un nouveau vaccin « Sinopharm » Sinopharm a annoncé que son intégration de nouvelles « sous-unités protéiques » à son premier vaccin offre une meilleure protection en tant que rappel contre le variant Omicron. Une étude récente à laquelle ont participé 1.800 personnes aux Emirats Arabes Unis a démontré que le nouveau vaccin s'est avéré sept fois plus efficace pour stimuler les anticorps protecteurs contre Omicron que l'ancienne injection, s'il est administré six mois après les deux premières doses du vaccin dit « classique ». Pour l'instant, le Maroc n'est pas concerné par cette nouvelle formule, selon des sources bien informées, toutefois, au cas où ces nouvelles sous-unités protéiniques s'avèrent efficaces, elles seraient très probablement intégrées dans la production massive des vaccins Sinopharm. Saâd BOUZROU L'info...Graphie 3ème dose Un booster anti-Omicron ?
La 3ème dose du vaccin anti-Covid renforcerait « considérablement » l'immunité acquise contre le virus, c'est ce qu'avait affirmé, en décembre dernier, le ministre de la Santé, Khalid Aït Taleb. En effet, l'efficacité des vaccins "diminue six mois après l'injection de la deuxième dose", d'où la nécessité d'en prendre une troisième afin de renforcer l'immunité acquise, a insisté le ministre, soulignant que le vaccin n'empêcherait pas de contracter le virus mais il contribue notablement à atténuer ses risques et à diminuer le nombre des cas critiques et des décès. Quant au variant Omicron, Dr Tayeb Hamdi a abondé dans le même sens du ministre en notant « qu'avec l'émergence du variant Omicron, deux doses du vaccin contre la Covid-19 restent insuffisantes » et que les personnes triplement vaccinées sont protégées à 75% contre l'infection due au Coronavirus et à plus de 90% contre les formes graves et le risque de décès. C'est ainsi, a-t-il poursuivi, que le raccourcissement entre la deuxième dose et la dose booster est un moyen efficace pour se prémunir contre le variant Omicron. « Les récentes études ont démontré la sécurité de ce raccourcissement ». Le ministre avait, quant à lui, précisé que le nombre de cas critiques admis en réanimation dans les rangs des non-vaccinés dépasse aujourd'hui de très loin celui des personnes vaccinées. « La majorité des individus vaccinés et hospitalisés sont âgés de plus de 60 ans ou s'étant fait inoculer la deuxième dose depuis plus de six mois », dixit Khalid Aït Taleb.
BA.2 On reprend le même et on... varie
Souvent, le Covid-19 varie, bien fol est qui s'y fie. La semaine dernière, un sous-variant d'Omicron a été détecté dans plusieurs pays, dont le Danemark et l'Inde où il est devenu majoritaire. Baptisé BA.2, ce sous-lignage du variant Omicron présente beaucoup de mutations susceptibles de modifier les caractéristiques du virus. Les informations concernant le degré de sévérité et de contagiosité de ce sous-variant étant rudimentaires ou nulles, la plupart des chercheurs préfèrent, pour le moment, appeler à la vigilance, la vaccination et les gestes barrières. Ce phénomène ne revêt, en revanche, aucune originalité. Les mutations apparaissent en cas d'»erreur» au moment de la réplication du virus, c'est-à-dire lorsqu'il se propage. Plus le nombre de contaminations est élevé, plus le risque de mutation l'est également. Les autres variants du Sars-CoV-2 ont eux aussi connu des mutations par le passé, comme «Delta plus», avec le variant Delta apparu à l'été 2021.
3 questions à Jaâfar Heikel, épidémiologiste spécialiste en maladies infectieuses « Il est important de booster l'immunité naturelle par une protection vaccinale »
- Quel est votre avis sur l'efficacité des vaccins actuels contre Omicron ? - Tous les vaccins qui ont été établis sont des vaccins dont la vocation première n'est pas d'empêcher la transmission du virus, contrairement aux vaccins classiques que nous connaissions, mais de freiner le risque d'hospitalisation, de cas graves et de décès. Cet objectif a été atteint dans une grande partie de situations. En ce qui concerne le variant Omicron, les vaccins actuels ne réduisent la transmission que de 30%, ce qui veut dire qu'il y a 70% de risques d'infection. Le risque d'hospitalisation et de décès a été réduit de façon assez importante (de 85% à 90%) contre la souche classique et de 70% contre Omicron. - Comment expliquez-vous la réticence d'une partie de la population vis-à-vis de la 3ème dose ? - L'élément qui a joué un rôle freinateur chez une partie de citoyens est l'obligation du passe vaccinal au début. Nous avons vu, 6 jours après sa mise en place en octobre, un désintérêt total d'une bonne partie de la population par rapport à la primo-vaccination et, surtout, à la 3ème dose. Il y a des journées où il y a moins de 1000 triples-vaccinés. Pour l'heure, nous n'avons atteint que 16% des objectifs de la 3ème dose qui serait un booster et protégerait contre des variants comme Omicron. - Certaines études ont montré que les gens infectés par le virus étaient mieux immunisés contre le virus que les vaccinés. Qu'en dites-vous ? - Il a été démontré depuis plusieurs mois par de grandes études israéliennes et américaines que l'immunité post-infection était extrêmement intéressante pour une moyenne d'environ 200 jours (6 mois). Une personne qui a été infectée et, par la suite, vaccinée, avait par ailleurs une immunité supérieure à une personne qui avait reçu 2 doses. Ce qui est certain, c'est que l'immunité post-infection permet de mobiliser les anticorps, les cellules mémoires et les lymphocytes. Il est toutefois important de booster l'immunité naturelle par une protection vaccinale. Recueillis par S. B.