Le dynamisme de la migration irrégulière au Maroc a été affecté par la pandémie du Coronavirus à plusieurs niveaux, d'après Moroccan Institute for Policy Analysis (MIPA). Dans une nouvelle étude intitulée : « Migrants irréguliers et Coronavirus, une double souffrance », l'Institut Marocain d'Analyse des Politiques souligne que les mesures prises suite à la déclaration de l'état d'urgence sanitaire, le 20 mars 2020, ont aggravé les conditions des migrants subsahariens, déjà fragiles avant le déclenchement de la pandémie dans le monde. Le think tank marocain révèle ainsi quatre principaux indicateurs de l'aggravation de la situation des migrants en situation irrégulière pendant le confinement. D'abord, le fait que les autorités ne leur ont pas donné une autorisation de circulation au même titre que les citoyens marocains, ce qui a rendu difficile pour eux de se déplacer afin de subvenir à leurs besoins. Ils étaient donc exposés à l'arrestation s'ils quittaient leur lieu de résidence. Certaines des demandes n'ont pas aidé à convaincre les autorités de leur remettre l'autorisation qui garantit la liberté de mouvement vers et depuis le lieu de travail, l'achat de provisions à proximité, l'accès aux soins ou l'achat de médicaments. Cependant, poursuit l'étude, leurs souffrances diffèrent selon leurs allées et venues au moment de la déclaration d'interdiction de circulation entre les villes. Ainsi, ceux qui se trouvaient dans des conditions extrêmes dans les grandes villes étaient mieux lotis que ceux bloqués dans les forêts et les banlieues. Cette dernière catégorie faisait face à des problèmes supplémentaires pour assurer l'approvisionnement en eau et nourriture, en raison des mesures de sécurité strictes qui les empêchaient, du moins ceux qui ont de l'argent liquide, de se rendre dans les magasins. Qui plus est, l'accès des associations caritatives aux camps est devenu presque impossible, en raison des mesures strictes qui empêchent toutes sortes de rassemblements par peur de la propagation de l'épidémie alors que les populations des camps étaient tributaires du soutien de ces associations caritatives ainsi que des campagnes médicales volontaires organisées près de leurs tentes. Baisse des effectifs des associations de protection des migrants Le second indicateur de l'aggravation de la situation des migrants en situation irrégulière pendant le confinement, est le non-respect par les autorités des mesures préventives lors de leur détention au centre de la zone d'Arekman à Nador (distanciation sociale, fourniture de masques) alors que les sécuritaires ont repris la répression dans les camps de migrants le 15 avril, après une pause couvrant la période entre le 13 mars et le 15 avril . Ensuite, la réduction des effectifs des associations de protection des migrants pendant le confinement, soit pour des raisons personnelles, soit parce qu'elles n'ont pas été autorisées à distribuer des aides pour la sécurité et la santé. D'après MIPA, une telle situation était évidente à Nador en raison de l'éloignement des camps du centre-ville. C'est peut-être ce qui a poussé les associations travaillant dans ce domaine à exiger que les autorités interviennent immédiatement pour protéger les migrants de la propagation du Coronavirus. MIPA tient à noter que des organisations gouvernementales et non-gouvernementales ont lancé des campagnes volontaires destinées aux immigrés en situation irrégulière. Un exemple typique est celui lancé par le Conseil National des Droits de l'Homme par le biais de certains de ses comités régionaux, comme le comité régional de Fès-Meknès qui a suivi, en coordination avec une association locale, la situation d'un certain nombre d'immigrants sans-abri. Cela a abouti à l'intervention des autorités locales le 30 mars pour fournir un abri et leur permettre d'accéder aux examens médicaux. De la même manière, le contact du comité régional de Dakhla-Oued Ed-Dahab avec les autorités a abouti à une aide au profit de dizaines d'immigrants incapables de répondre aux besoins de base pendant le verrouillage. Exclusion des migrants du soutien financier de l'Etat Enfin, le dernier indicateur de la souffrance des migrants est leur exclusion d'un accompagnement temporaire pour les familles travaillant dans le secteur informel touchées par Covid-19. « L'aide destinée aux familles qui ont perdu leur revenu à la suite du verrouillage s'élevait à 800 dirhams pour une famille composée de deux personnes ou moins, 1 000 dirhams pour une famille de trois à quatre personnes et 1 200 dirhams pour une famille de plus de quatre personnes. Ils ont été exclus de cette aide malgré la demande du Conseil National des Droits de l'Homme d'étendre les mesures prises pour soutenir tous les groupes vulnérables, y compris les migrants et les réfugiés. Cela aurait coûté environ 96 millions de dirhams en calculant le nombre d'immigrants estimé à 40.000. Cela représente trois parts de l'aide prévue, soit moins de 1% du budget alloué à l'opération, fixé à 11 milliards de dirhams », regrette-t-on. A la lumière de ces données, il semble que la dynamique de la migration irrégulière au Maroc ait été affectée par la pandémie du Coronavirus à plusieurs niveaux. Cela s'est traduit par la mobilité réduite des migrants et l'arrêt des opérations de déplacement d'une région à l'autre. Cependant, selon MIPA, deux nouveaux défis se profilent à l'horizon. Le premier est lié au fait que le mouvement de migration irrégulière au Maroc diminue, mais il ne stagne pas, même à l'heure des circonstances exceptionnelles, sans précédent, comme ce que le pays a traversé à la suite de la lutte contre la pandémie. Les migrants subsahariens sont considérés comme l'un des groupes les plus vulnérables du pays. Cela implique une action urgente pour réduire les souffrances qui se sont aggravées ces derniers temps au Maroc qui, de par sa situation géographique, est une porte d'entrée vers l'Europe.
A. CHANNAJE Repères Tanger et Al Hoceima D'après MIPA, les deux villes sont considérées comme des points de départ vers l'Europe. Les immigrants à Tanger louent des appartements dans un certain nombre de quartiers résidentiels comme Boukhalef, connu parmi la population locale comme le quartier des Africains, alors que certains d'entre eux occupaient des appartements appartenant à des personnes vivant à l'étranger. A Al Hoceima, les migrants se cachent dans les forêts, en accord avec les passeurs, en attendant le départ promis. Le long des forêts voisines sur la route entre Salwan et Al Hoceima, un certain nombre de migrants se rassemblent de temps en temps chaque fois que la date d'une nouvelle tentative de franchissement de la frontière se rapproche. Chute brutale des flux migratoires en 2020 Le nombre de permis de séjour délivrés a chuté de presque de moitié au premier semestre dans un rapport de l'OCDE.Une situation « sans précédent », souligne le récent rapport, estimant que les migrations internationales dans la zone seront «exceptionnellement faibles» en 2020. «La pandémie Covid-19 a eu des répercussions majeures sur les flux migratoires au premier semestre», avec une diminution du nombre de nouveaux permis de séjour délivrés de 46%, même si cette diminution « pourrait être partiellement compensée au deuxième semestre », selon l'Organisation pour la Coopération et le Développement Economiques (OCDE).