Par Mireille Duteil Comment transformer une catastrophe sanitaire en victoire politique ? Sans rien en dire, c'est bien le défi que le numéro un chinois, le président Xi Jiping s'est promis de relever. Rien de plus difficile que d'y parvenir quand on gère d'une main de fer un immense pays d'1,5 milliard d'habitants, à la bureaucratie tentaculaire où la crainte de la sanction paralyse toute initiative et toute liberté de circulation de l'information. Sans compter que le coronavirus chinois, contrairement aux craintes énoncées au début de l'épidémie, se propage à une vitesse inouïe. Le nombre de morts a déjà dépassé le millier au 11 février 2020. En Chine même, la peur panique qui s'est emparée de Wuhan, immense ville de 14 millions d'habitants, épicentre de l'épidémie, à partir du 20 janvier, a gagné l'ensemble de la région du Hubei (60 millions d'habitants), jusqu'à Shanghaï et la lointaine Pékin. Ces derniers jours, la capitale est devenue une ville morte, les fêtes de famille du Nouvel An chinois ont été annulées. Wuhan et les villes alentours vivent enfermées, parfois de leur propre initiative, par crainte de la contagion. A Wuhan, on a creusé des trous dans le bitume pour interdire la circulation et empêcher les contacts avec l'extérieur. La population, prise de panique, a fait des stocks de nourriture, s'est procurée des masques, de l'alcool à 90°, des désinfectants, puis s'est barricadée à son domicile. Les entreprises et les écoles sont fermées parfois jusqu'à la mi-février. La Chine serait-elle revenue dix-sept ans en arrière, en 2002-2003, lorsque l'épidémie de SRAS tuait 774 personnes sur 8000 contaminés ? La Chine a changé. Majoritairement rural (65% de la population) en 2002, l'empire du Milieu est citadin à 60%. Par manque de moyens, les Chinois d'alors avaient peu accès aux soins ; ce n'est plus le cas même si ceux-ci sont de qualité variable. Néanmoins les hôpitaux sont débordés. Car contrairement au SRAS, le coronavirus est contagieux pendant la période d'incubation (douze jours) et se transmet aisément. Or 5 millions de travailleurs chinois – sur les 14 millions d'habitants de Wuhan – ont quitté la ville plusieurs jours avant la mi-janvier en prévision des Fêtes. Ils ont rejoint leurs familles aux quatre coins de la Chine. Autant de malades potentiels. Contrairement à son prédécesseur, en 2002, Xi Jiping a choisi de jouer la transparence. Certes, au niveau inférieur de l'administration locale, la première réaction fut de cacher la gravité de l'épidémie. Une vieille habitude. Cinq mois avaient été nécessaire pour reconnaître la gravité de l'épidémie de SRAS. Xi Jiping veut jouer carte sur table. Il a ordonné la mise en quarantaine de Wuhan en une nuit ! Une mesure de santé publique qui visait aussi à rassurer la communauté internationale. « La Chine est un Etat fort qui peut remporter la bataille » suggérait-il ainsi. Mais si le coronavirus est, dans l'immédiat, moins mortel que le SRAS, la vitesse de sa propagation risque de faire de la Chine un continent de pestiférés, où les compagnies aériennes, les unes après les autres, après avoir récupérées leurs ressortissants, vont cesser de se rendre.