Le gouvernement japonais a choisi pour futur gouverneur de la Banque du Japon Toshiro Muto, l'actuel gouverneur adjoint, une décision susceptible de provoquer l'ire de l'opposition. Muto, 64 ans, passait depuis longtemps pour être le favori du gouvernement - et aussi des marchés - pour succéder à Toshihiko Fukui le 19 mars. Reuters a pu prendre connaissance du document officialisant sa nomination. Cette dernière est intervenue alors même que l'ultime décision prise par Fukui en tant que gouverneur a été de laisser inchangé à 0,5% le taux d'intervention de l'institut d'émission. La décision prise par le conseil de neuf membres a été unanime. Le statu quo monétaire est observé depuis février 2007, mois où la BoJ avait relevé son taux directeur de 0,25 point. La BoJ a également publié vendredi son rapport mensuel dans lequel elle a revu à la baisse son diagnostic de l'économie nationale, détectant un ralentissement de la croissance dû à un marasme immobilier local et à la flambée des prix de l'énergie et des matières premières. Dans son précédent rapport, elle notait simplement que l'économie semblait ralentir en raison du marasme immobilier. Les bénéfices des entreprises restent élevés mais la croissance est en panne, tandis que la production est plus ou moins stagnante. S'exprimant lors d'une conférence de presse, Fukui a dit que la banque centrale ne chercherait pas à tout prix à augmenter les taux d'intérêt pour le seul motif qu'une vision instantanée de l'économie pourrait suggérer qu'ils sont trop bas. "Beaucoup seraient tentés de dire qu'un instantané de l'économie laisse penser que les taux d'intérêt sont très bas et que la politique monétaire est accommodante", a-t-il déclaré, estimant que le seul moyen pour une banque centrale de s'attirer la confiance était d'agir en temps opportun. Fukui a également observé que la volatilité s'intensifiait sur le marché des changes et en Bourse. Il a également jugé qu'un yen fort pouvait affecter les exportateurs mais qu'il constituait aussi une barrière contre l'inflation importée du fait de la flambée des matières premières et du pétrole. L'opposition peut bloquer la nomination de Muto parce qu'elle contrôle la Chambre des Conseillers, qui doit elle aussi donner son aval. Si Muto franchit cet obstacle, il lui faudra prendre en charge la politique des taux en un moment où la croissance freine fortement au Japon, à cause des retombées d'une crise du crédit qui fait craindre une récession aux Etats-Unis. De l'avis de certains économistes, le Japon est peut-être déjà en récession et cela pourrait obliger la BoJ à réduire un taux directeur qui est déjà très bas. Si l'opposition est farouchement opposée à Muto c'est parce que ce dernier fut un temps vice-ministre des Finances. Certains parlementaires redoutent qu'avec Muto comme gouverneur, la banque centrale ne sacrifie son indépendance vis-à-vis du pouvoir politique. Tokyo a en outre choisi Masaaki Shirakawa, un ancien responsable de la BoJ, et l'universitaire Takatoshi Ito comme gouverneurs adjoints. La Diète se penchera sur ces nominations la semaine prochaine. "Nous ne pouvons nous permettre de vacance du pouvoir à la BoJ en un moment où la conjoncture économique mondiale est instable", a déclaré le ministre des Finances Fukushiro Nukaga lors d'une conférence de presse. ""J'espère que les deux chambres du parlement prendront la bonne décision". En cas de blocage, un gouverneur serait nommé par intérim mais il est peu probable qu'il soit amené à prendre des décisions de longue portée et en l'absence d'un véritable gouverneur c'est la crédibilité du pays sur les marchés qui serait mise à mal, jugent des analystes. S'il y avait vacance du pouvoir à la tête de la BoJ, les investisseurs étrangers en prendraient sans doute prétexte pour liquider un peu plus les actions japonaises, encore que l'impact réel sur la politique monétaire par elle-même soit négligeable", commente Kazuhiro Takahashi (Daiwa Securities SMBC)