Une paix et une stabilité durables, cela dépend de toute une série de facteurs, allant du développement de l'économie à l'action de forces extérieures. Mais, plus que de toute autre chose, l'avenir de l'Irak dépend des convictions et des attitudes de l'Irakien ordinaire. Au-delà de l'attribution de sièges au parlement, ces élections ont une grande signification pour la société irakienne. Elles sont un élément important d'un processus beaucoup plus long, l'institution d'un système politique fondé sur la force de la loi et non sur la menace de la violence. Reste qu'un tel système ne fonctionne que si chaque famille rassemblée autour de la table pour le dîner le considère juste et fiable. Cela implique un changement d'attitude : la peur de l'exclusion doit faire place au sentiment d'appartenance et de communauté où le bien-être de chacun est lié au bien-être des autres. Vu l'histoire du pays, on comprend que les Irakiens s'interrogent, avec prudence, sur la légitimité du processus politique national comme véhicule de leurs aspirations. Les frontières actuelles de l'Irak ont été définies par les Européens à la fin de la 1re guerre mondiale, en regroupant des communautés ethniques rivales. Depuis cette époque, le pays a vu des dirigeants sectaires corrompus, qui ne pensaient qu'à favoriser les leurs aux dépens des autres, abuser outrageusement du pouvoir d'Etat. Pourquoi en serait-il autrement aujourd'hui ? De plus, depuis 2003, les idéaux démocratiques tant vantés par les Etats-Unis n'ont guère inspiré les Irakiens, qui voient que tout ce qu'ils font en Irak va clairement dans le sens de leurs propres intérêts. Beaucoup pensent que si les Etats-Unis ont dépensé, pour reconfigurer l'Irak, des centaines de milliards de dollars payés par leurs contribuables et des milliers de vies américaines, ce ne fut pas en vertu d'un engagement généreux pour la prospérité des Irakiens appauvris, mais plutôt pour assurer une base solide aux intérêts américains, sous la forme de relations commerciales profitables et d'une forte influence sur la région. Pourtant, au-delà du cynisme, il y a de quoi être optimiste. Si on permet aux Irakiens de trouver eux-mêmes leur chemin, alors une stabilité durable est assurée. L'issue des élections de 2010 ouvre un intéressant chapitre de l'histoire contemporaine de l'Irak. Mais le facteur le plus déterminant d'une paix et d'une stabilité à long terme sera l'attitude des Irakiens ordinaires. vécu et travaillé auprès des Irakiens pendant 20 mois, dans le nord du pays, en tant que responsable de programme du Comité Central Mennonite, organisation confessionnelle d'assistance, de développement et de construction de la paix.